vendredi 24 octobre 2008

A dans trois semaines


Ça y est : demain matin je m'envole pour Kinshasa, et ce soir c'est le train pour Paris. Retour le 12 novembre, à bientôt donc !

mercredi 22 octobre 2008

Grincheux.


Et voilà, encore un mal luné : ce médecin domicilié à Saint-Apollinaire, tranquille paroisse de Côte d'Or dont votre serviteur a eu l'honneur d'être le curé, a fini par gagner un procès commencé en 2004 contre la municipalité qui avait eu la malencontreuse idée de faire sonner les cloches de l'église...

Les cloches se sont tues. Elles ne sonneront plus que pour les offices, à moins qu'un compromis ne soit trouvé pour l'angélus.

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mardi 21 octobre 2008

Trop beau pour être vrai.

"Maman ! Maman ! Réveille-toi !"

La mamie ouvre un oeil encore gonflé. C'est dur d'être tirée de son sommeil de malade. Devant elle, dans le contre-jour, deux ombres : sa fille sans doute, et... Qui c'est donc çui-là ?

"Maman, c'est Monsieur le curé qui vient te faire une petite visite."

L'oeil s'ouvre en plus grand. La bouche se plisse, la poitrine se soulève dans un hoquet. Elle a le fou-rire.

"Hein ? dit-elle, un beau gars comme ça ?"
- Enfin, maman, dit la fille qui ne sait plus où se fourrer.
- Oh ben non, c'est pas le curé, c'est une blague. Un beau garçon comme ça, non c'est pas possible."

Les yeux se referment, l'entretien est terminé. Monsieur le curé, lui, n'a pas perdu sa journée.

Raconté ce matin par un confrère à la journée de formation permanente, pendant la pause.

samedi 18 octobre 2008

Crise (3)

En ces temps ou nous pleurons sur tant de milliards qui se sont envolés, voici quelques phrases de Saint Augustin, en écho à l'évangile de dimanche et à une phrase célèbre de Jésus :

César cherche son image sur une pièce de monnaie, Dieu cherche son image en ton âme. Rends à César ce qui appartient à César. Que réclame-t-il de toi, César ? Son image. Et Dieu, que réclame-t-il ? Son image. Mais l'image de César est sur une pièce de monnaie, l'image de Dieu est en toi. Si la perte d'une pièce de monnaie te fait pleurer, parce que tu as perdu l'image de César, faire injure en toi à l'image de Dieu, ne sera-ce point pour toi un sujet de larmes ?

Sermon 24 sur les évangiles.

jeudi 16 octobre 2008

La femme de vrai.

Carrée. Massive. Touchante. Elle est assise en face de moi : visage familier, parce que souvent croisé en ville. Visage creusé par la douleur, aux yeux grand ouverts sur ce moment de sa vie qu'elle regarde de face.

Kévin avait dix-huit ans lorsqu'elle l'avait recueilli. Il était le fils de sa meilleure amie, et désormais sans mère, sans père, sans frère - ce frère, lourdement handicapé, qui avait fini, lui aussi, par partir vers le ciel et qu'il avait voulu rejoindre. Elle avait cru en lui, avait fêté avec lui sa réussite au BEP, voulait l'accompagner encore jusqu'au bac. Demain, ses obsèques seront pour moi les sixièmes de la semaine.

"Je suis athée, me dit- elle. Mais pour Kévin, vous me ferez quelque chose de bien."

Athée, peut-être ; mais certainement pas sans foi. Une des dernières parole de notre entretien a été, de sa part : "Comment rencontrer Dieu ?" S'il est des gens de bien, elle est, c'est sûr, une femme de vrai. Colette, comment vous dire que, ce jour de souffrance, c'est Dieu qui est passé ?

Poupées russes au Congo.


Le Nord-Kivu : ça ne vous dit sans doute rien ; c'est là, au Congo, que les combats sont en train de reprendre, menés par les seigneurs de la guerre qui refusent l'autorité du gouvernement de Kinshasa. Des soldats rebelles qui trouvent sans doute des appuis, et même plus que ça, dans les pays frontaliers : Ouganda, Centrafrique, et bien sûr Rwanda qui n'en finit pas de consolider son emprise sur la région. Et puisque cet interminable conflit ne peut se comprendre qu'en allant jusqu'au bout, derrière les pays voisins, il y a l'Occident qui profite sans scrupule des énormes richesses de la région. Affreux petit jeu de poupées russes : un agresseur en contient toujours un autre encore pire.

Je pars dans une semaine pour la République démocratique du Congo ; rassurez-vous, à quelques milliers de kilomètres de la zone des combats (sur la carte, à l'extrême gauche).

Quelques liens pour comprendre :

- La guerre, vue du côté congolais
- La guerre, vue par la radio onusienne Radio-Okapi
- La guerre expliquée par la presse française

dimanche 12 octobre 2008

La fin des normes ?

Blandine a un copain ; ça dure depuis des années, ils vont bientôt s'installer ensemble. Se marier ? Je ne m'y sens pas prête, dit-elle. J'ai très envie d'avoir des enfants. Le mariage, peut-être plus tard...

Blandine est chrétienne, elle a même fait partie des piliers de l'aumônerie quand elle était au collège, puis au lycée. Cela ne fait pas d'elle, comme vous le voyez, une conformiste. Au fond, comme à peu-près tout le monde, la règle essentielle de son comportement, c'est son propre jugement, et ce qui lui semble être bien pour elle. Comme elle a un conjoint, elle sait évidemment qu'il lui faut faire des compromis, et elle y est tout-à-fait disposée, comme elle le fait sans doute dans sa vie professionnelle. Mais ce qui lui paraît intolérable, c'est qu'une institution extérieure - l'Eglise, la société, que sais-je - prétende lui dicter ce qu'elle doit faire, surtout pour une chose aussi importante et aussi personnelle que sa vie affective.

Cela veut-il dire que toute norme va disparaître ? Je me souviens, il y a quelques années (plus de vingt ans en fait), d'une conférence de Paul Ricoeur, au cours de laquelle il avait énoncé ce qui est devenu une définition classique de la vie morale : "Vivre bien, avec et pour l'autre, dans des institutions justes". Nous savons vivre bien, c'est-à-dire en fonction de ce qui est bien pour nous ; nous savons vivre avec et pour l'autre : faire des compromis, consentir à des lois dans la mesure où elles nous permettent de vivre ensemble, et faire preuve de générosité. Ce qui nous pose problème, ce sont les institutions, c'est-à-dire ces normes extérieures à nous-mêmes dont nous ne comprenons plus la nécessité.

samedi 11 octobre 2008

Les Tradis (suite).

Réagissons à tous ces commentaires : la question du traditionalisme ne laisse pas indifférent, dirait-on...

"Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père". Peut-on en rester là ? Un de mes confrères me disait la semaine dernière combien il s'inquiétait de la multiplication des chapelles dans l'Eglise. J'y vois une évolution implicite de notre ecclésiologie : grande diversité de cultes et d'approches théologiques, unité de façade (le critère n'est pas la liturgie, ni l'Eglise locale, mais le lien avec Rome, ce qui ne gêne pas grand-monde car Rome est loin). Il serait dommage d'en rester aux constatations, ou aux déplorations. Essayons donc de comprendre ce qui se passe, là.

L'apparente montée du traditionalisme, que je préfère analyser comme un retour à des formes anciennes de dévotion (d'insiste sur le mot "formes", car précisément le fond n'est pas le même), n'est que l'un des symptômes, parmi tant d'autres, du bouleversement des manières de croire. C'est ce que nous disent tous ceux qui, dans une même famille, vivent la diversité des engagements religieux des uns et des autres. Voila qui interroge l'Eglise, en contestant ses modes de fonctionnement traditionnels : je le redis, autrefois ce qui primait c'était l'obéissance à son curé, que l'on ne songeait jamais à opposer au pape ou à l'évêque...

A la racine de ces changements, il y a l'idéal de liberté qui nous habite. De même que chacun est responsable de sa propre vie qu'il construit en toute liberté, de même, dans le monde de la foi, chacun se construit sa petite histoire. Les uns sont charismatiques, les autres sont tradis, d'autres choisissent une Eglise de militants... Cette évolution est absolument impossible à contrarier, car elle repose sur un consensus fondamental que personne ne remettra en cause avant longtemps. Comme toutes les réalités que nous vivons, la vie de foi est aujourd'hui un projet à construire, avant d'être un donné que l'on reçoit de Dieu à travers l'enseignement de l'Eglise.

Nous ne pouvons donc pas nous opposer à ce qu'il y ait des chapelles dans l'unique Eglise du Christ. Comment vivre ensemble ? Telle est la question que nous devons nous poser. La simple tolérance, qui est perceptible dans la plupart des réactions au précédent billet sur ce thème, ne me paraît pas suffisante : elle signifie en fin de compte l'éclatement de l'Eglise catholique en une espèce de Commonwealth insignifiant. La voie de la seule autorité (entendue au sens d'autoritaire aussi bien que d'appel pur et simple à la tradition) est perdue d'avance : car l'essence de la modernité réside précisément dans le refus de l'autorité, de la tradition, de la hiérarchie.

jeudi 9 octobre 2008

Crise (suite).

Il faut quand même en parler un peu, non ? Puisqu'il semble que notre vie quotidienne va s'en trouver durablement affectée...

En parler sur le mode sérieux : la Conférence des évêques de France avait publié en mai dernier une fiche verte fort bien faite, qui permet encore aujourd'hui de comprendre ce qui se passe. Saluons au passage l'effort des confrères qui travaillent au sein du service national pour les questions sociales !

En parler, sur le mode de l'espérance : une crise, c'est un mauvais moment à passer, mais aussi une occasion de renouveau. C'est le sens du message des évêques rendu public hier. Allez, réagissez !

En parler avec des mots que tout le monde comprend ! Avec moult précautions, je vous livre ce que j'ai entendu dimanche soir de la bouche d'un chef d'entreprise très concerné par le problème : "Les subprimes, c'est comme quand on met de la merde dans un sandwich ; ça ne fait pas un sandwich à la merde, ça fait de la merde". Au moins, comme ça, j'ai compris.

La déclaration de la commission sociale de l'épiscopat
La face multiple des crises financières

mardi 7 octobre 2008

Les tradis.


Gros sujet de discussion chez les curés : il y aurait de plus en plus de tradis. Vous savez, ces jeunes qui disent le chapelet, communient à genoux sur la langue, ont un gros faible pour Benoît XVI... Moi, j'ai une théorie à ce sujet : le traditionalisme n'en est pas un. C'est un des multiples avatars de la modernité.

Voici une petite histoire : une dame de la bonne société dijonnaise est morte, et ses obsèques ont été célébrées selon le rite extraordinaire (vulgairement appelé "messe de Saint Pie V"). Quelques personnes de sa génération, qui avaient bien connu autrefois le dit rite, m'ont dit "Mais ce n'était pas du tout ça, la messe d'autrefois".

La semaine dernière, sur RCF, j'étais en dialogue avec un jeune homme qui a lancé depuis quelques années un rendez-vous hebdomadaire d'adoration du Saint-Sacrement. C'était intéressant de l'entendre parler, d'expliquer le sens qu'il donnait à ce temps de prière, l'importance qu'il accordait à cette dévotion qui, que je sache, n'a jamais été à ce point centrale dans l'histoire de la spiritualité : rien à voir avec les bons vieux saluts au Saint-Sacrement qui se pratiquaient au Sacré-Coeur le premier vendredi du mois...

C'est ça, le traditionalisme : une réinvention de la religion, une nouvelle manière d'habiter des croyances et des rites anciens, souvent sur un fond de contestation de l'autorité (mon curé est nul, les évêques sont communistes) directement issu de mai 68. Il n'est pas le fait de personnes en marge de la société moderne, mais au contraire de gens qui y sont très bien insérés, et qui y exercent une verve critique qui n'a rien à envier aux philosophes les plus caustiques de notre époque.

vendredi 3 octobre 2008

Open bar, open grave.

L'autre soir, je croise Bertrand, complètement bourré. Il est étudiant, c'est de son âge me direz-vous. Comme l'alcool le rend bavard, il m'explique que, à la suite d'un accord entre son école et une association de commerçants dijonnais, pour un petit euro, il a le droit de boire une consommation dans tous les bars qu'il veut en ville. Douze vodkas plus tard, imaginez les dégâts.

C'est peut-être bien ma découverte de la rentrée, ça : l'importance de l'alcoolisme des jeunes. OK, une murge (on dit comme ça chez nous) de temps en temps ce n'est pas bien grave. Mais pour certains, apparemment, ce n'est pas qu'une fois.

Petite question : quel avantage les établissements qui proposent cette formule en retirent-ils ? Avec quelles conséquences sur la santé des étudiants ? Peut-être la question, ainsi posée, permet-elle de mieux mesurer les enjeux ? et de comprendre qu'un jour, ceux qui sont à l'origine de cette campagne pourraient voir leur responsabilité engagée pour les dégâts commis ?

jeudi 2 octobre 2008

Crise.

De la bouche d'un paroissien, passé hier à sa banque. Un dialogue s'engage avec la personne qui est responsable de son compte : "Qu'est-ce que vous en pensez de tout ça (sous-entendu : la crise) ?" Réponse du bonhomme : "Du moment que ça dure encore trois ans... après je suis en retraite".

mercredi 1 octobre 2008

Surtout, ne pas voir la mort.

Mme R... est décédée hier. Sa famille est passée ce matin au presbytère pour préparer la célébration. Comme toujours, les premières paroles sont : "Quelque chose de très simple"... A chaque fois, je ne peux manquer de m'interroger sur ce que signifie cette expression. Est-ce un souvenir du temps où, plus la cérémonie était compliquée, plus elle était coûteuse ? N'est-ce pas plutôt la volonté de s'épargner des moments considérés comme trop douloureux ?

Autour de la table se trouvent les deux filles, et leur vieux papa, qui tient à me parler de leurs soixante-et-un ans de mariage, et un peu de sa longue vie. En 1942, il est raflé, ainsi que trois autres jeunes du quartier, par les Allemands, en représailles pour l'assassinat d'un officier (en réalité abattu par un de ses hommes). Il sont conduits jusqu'au poteau d'exécution, et au dernier moment, alors que les Allemands les mettent en joue, une voiture arrive et ses occupants donnent l'ordre d'arrêter tout.

Vient le moment d'aborder la question de la préparation de la célébration. Il y a des petits-enfants, des arrière-petits-enfants... Mais les plus jeunes ne viendront pas, ce sera trop impressionnant pour eux. D'ailleurs la mamie ne le souhaitait pas.

Que c'est difficile d'aller à contre-courant, de faire comprendre qu'en réalité, tout le monde veut venir, même les petits. Qu'ils ne seront pas impressionnés, et que ce qui leur fait de la peine c'est d'abord la peine de leurs parents, et c'est aussi de se sentir exclus de ce qui va se passer. Que ce sera enfin, et surtout, de ne pouvoir faire leur deuil de mémé Josette en lui disant adieu.

Un livre récent, de la sociologue canadienne Céline Lafontaine, dénonce notre volonté de mettre à mort la mort, et de construire une société "post-mortelle" (aux éditions du Seuil).