Réagissons à tous ces commentaires : la question du traditionalisme ne laisse pas indifférent, dirait-on...
"Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père". Peut-on en rester là ? Un de mes confrères me disait la semaine dernière combien il s'inquiétait de la multiplication des chapelles dans l'Eglise. J'y vois une évolution implicite de notre ecclésiologie : grande diversité de cultes et d'approches théologiques, unité de façade (le critère n'est pas la liturgie, ni l'Eglise locale, mais le lien avec Rome, ce qui ne gêne pas grand-monde car Rome est loin). Il serait dommage d'en rester aux constatations, ou aux déplorations. Essayons donc de comprendre ce qui se passe, là.
L'apparente montée du traditionalisme, que je préfère analyser comme un retour à des formes anciennes de dévotion (d'insiste sur le mot "formes", car précisément le fond n'est pas le même), n'est que l'un des symptômes, parmi tant d'autres, du bouleversement des manières de croire. C'est ce que nous disent tous ceux qui, dans une même famille, vivent la diversité des engagements religieux des uns et des autres. Voila qui interroge l'Eglise, en contestant ses modes de fonctionnement traditionnels : je le redis, autrefois ce qui primait c'était l'obéissance à son curé, que l'on ne songeait jamais à opposer au pape ou à l'évêque...
A la racine de ces changements, il y a l'idéal de liberté qui nous habite. De même que chacun est responsable de sa propre vie qu'il construit en toute liberté, de même, dans le monde de la foi, chacun se construit sa petite histoire. Les uns sont charismatiques, les autres sont tradis, d'autres choisissent une Eglise de militants... Cette évolution est absolument impossible à contrarier, car elle repose sur un consensus fondamental que personne ne remettra en cause avant longtemps. Comme toutes les réalités que nous vivons, la vie de foi est aujourd'hui un projet à construire, avant d'être un donné que l'on reçoit de Dieu à travers l'enseignement de l'Eglise.
Nous ne pouvons donc pas nous opposer à ce qu'il y ait des chapelles dans l'unique Eglise du Christ. Comment vivre ensemble ? Telle est la question que nous devons nous poser. La simple tolérance, qui est perceptible dans la plupart des réactions au précédent billet sur ce thème, ne me paraît pas suffisante : elle signifie en fin de compte l'éclatement de l'Eglise catholique en une espèce de Commonwealth insignifiant. La voie de la seule autorité (entendue au sens d'autoritaire aussi bien que d'appel pur et simple à la tradition) est perdue d'avance : car l'essence de la modernité réside précisément dans le refus de l'autorité, de la tradition, de la hiérarchie.