dimanche 25 avril 2010

Venez comme vous êtes.

Dans les rues de ma petite ville, on s'y est habitué : le spectacle de ces jeunes gens, vêtus de kaki ou de beige, les cheveux rasés, chaussés de bottes militaires, accompagnés de leurs chiens, fait partie du paysage, même s'il provoque un malaise un peu confus, mais qu'est-ce que vous voulez faire, chacun est libre de s'habiller comme il veut, et la rue est à tout le monde. Au lycée, au collège, c'est pareil : tu viens comme tu veux, du moment que tu n'as pas de voile et que tu caches ta petite croix. C'est pas grave si t'as l'air d'une pute ou d'un junkie.

Par contre, je n'ai encore jamais croisé de burka, ni de nikab, sur les trottoirs de Dijon.

Je connais un certain nombre de couples, pas mariés bien sûr, avec un ou deux enfants ; la maman touche l'allocation de parent isolé. D'autres me disent en rigolant qu'ils se sont pacsés, ça n'engage à rien et ça permet d'avoir des points en plus (dans l'éducation nationale en particulier, pas regardante sur ce chapitre notre bonne vieille école laïque). Un monsieur, plusieurs fois marié, un enfant à chaque fois, m'a confié son intention de changer de sexe ; comme son petit dernier vit la chose difficilement, il lui a fait faire un séjour chez des amis transsexuels très gentils, pour qu'il se rende compte que ce n'est pas la peine d'en faire un plat. Parfois, lorsque j'enterre un paroissien, à côté de l'épouse légitime figurent la compagne et les enfants de tous les lits - ah ! l'enterrement du polygame, un grand classique de la vie de curé.

Par contre, je n'ai jamais rencontré ni entendu parler de polygames, enfin des vrais, des officiels, des mariés, comme on en a vus à la télé. Ils doivent bien se planquer, ces salauds. De toute façon, on ne les enterre pas à l'église, vu qu'ils sont musulmans.

Ce qu'il y a de bien, avec l'islam, c'est que ça nous met le nez dans nos contradictions et nos hypocrisies.

samedi 24 avril 2010

Les jeunes et la foi.

Aujourd'hui, je fais sérieux : un article sur les jeunes et la foi, publié dans la revue des élèves de Sciences Po. Sujet imposé par la rédaction : les jeunes et la foi. Genre : sortir des sentiers battus (y a plus de jeunes dans les églises).

Ça me fait un article pour mon blog, aussi.

Bonne lecture.

On se calme.

Plein de monde dans la salle de Flore de la mairie de Dijon jeudi. Dominique de Villepin, ancien premier ministre, recevait la fine fleur du département dans des locaux généreusement mis à sa disposition par une municipalité pourtant pas de son bord.

Il fallait un badge pour participer. Une brave dame croyait qu'on pouvait venir sans invitation, elle en a pris pour son grade...

La video sur YouTube

mercredi 21 avril 2010

Why not ?

Petite pub pour une campagne de pub : celle du Service National des Vocations, qui se lance dans le cart-com (pour savoir ce que ça veut dire, suivez le lien).

C'est une question, pour moi : comment ça se fait que des jeunes bien dans leurs pompes, qui aiment Jésus, qui prient, qui donnent une grande part et parfois la totalité de leur temps à l'Église, n'aillent pas "jusqu'au bout" en devenant prêtres ? Car si le désir de servir l'Église et le bonheur qu'on y trouve ce n'est pas un signe de vocation, alors, je me demande ce que ça veut dire la "vocation".

Franchement, toi, oui, toi, que je vois le dimanche à l'église, qui viens y prier tous les soirs sans rien demander à personne, qui partages tes vacances entre les camps scouts et le monastère où tu rencontres ton père spirituel, quel autre signe attends-tu de Dieu ?

mardi 13 avril 2010

Adoration.

Adoration en Islam, adoration chez les cathos... Pas de doute, il y a de l'adoration dans l'air. Le billet daté d'hier a provoqué des réactions que je résume ainsi : est-il légitime d'adorer Dieu ?

A vrai dire je ne m'étais jamais posé la question, vu que ma grand-mère m'avait toujours dit "On n'adore que le bon Dieu". Mais, c'est vrai : Dieu est Père, adore-t-on un père ? N'y a-t-il pas toujours dans l'adoration un risque d'idolâtrie, car quand on croit adorer Dieu, qui adore-t-on finalement ?

Adorer, c'est ad-orare : chez les païens, porter sa main à sa bouche - os - pour un baiser, dit Job (31,27). Bizarre ? Non : une manière comme une autre de témoigner de l'amour pour la divinité en respectant la distance qui nous sépare d'elle. Adorer, c'est le contraire de toucher Dieu. C'est l'attitude du prêtre qui étend les mains à la messe, de l'orante aux bras tendus, du moine qui se tient au silence (porter sa main à sa bouche, c'est aussi s'empêcher de parler) pour laisser Dieu venir à lui tel qu'Il est. Adorer, c'est être saisi, comme Isaïe dans le Temple, par la grandeur de Dieu.

L'adoration, pour Jésus, doit avoir lieu en Esprit et en Vérité. Esprit ? Il ne s'agit pas du nôtre, mais de l'Esprit-Saint, qui seul prie en nous. Vérité : le Christ, bien sûr. Il est le seul Temple où nous puissions adorer. Adorer "en Esprit et en Vérité" ne signifie donc pas que l'adoration se passe de rites, mais seulement qu'il y faut tout rapporter au Christ et s'y laisser prendre par l'Esprit.

Idolâtrie ? Un risque, sans aucun doute. Je pense aux excès de l'adoration eucharistique : une insistance trop lourde sur la présence du Christ dans le pain et le vin consacrés nous fait parfois oublier que réalité n'est pas réalisme. C'est pourtant bien Dieu qui se donne, vraiment, là. Le temps d'adoration du mercredi soir, à la paroisse, est toujours vécu comme trop court. Preuve qu'il s'y passe bien quelque chose.

lundi 12 avril 2010

Retrouvailles.

Samedi matin, sous un frais soleil de printemps bourguignon, Mustafa Kerkri, ami de vingt ans et actuel président du Conseil régional du culte musulman, organisait une réception à la mosquée de Chenôve pour accueillir le Président du CFCM en visite chez lui pour une journée de réflexion spirituelle.

Sacré bout de chemin parcouru depuis tant d'années : quand on s'est connus, l'absence de lieux de cultes conduisait Mustafa, alors étudiant à l'université de Bourgogne, à chercher un peu partout une salle pour les jeunes musulmans arrivant comme lui à Dijon et désireux de prier ensemble. Aujourd'hui, quatre mosquées (celle de Chenôve peut accueillir 500 personnes), un centre spirituel, et pas mal de salles de prière dispersées dans l'agglomération dijonnaise. Sans que jusqu'à présent se soit manifestée l'ombre d'une tension religieuse, bien au contraire. A Chenôve, ville intelligente, les communautés sont considérées comme des partenaires normaux de la vie civile - hélas ce n'est pas la même chose partout.

A l'entrée de la mosquée, une grande banderole donnait le thème de la journée de récollection : "L'Adoration". Hasard du calendrier, les catholiques fêtent justement ce mois-ci le dixième anniversaire de l'adoration perpétuelle instituée à la chapelle Saint-François. Une permanence de prière assurée nuit et jour depuis dix ans, nos amis musulmans n'en sont pas encore là, mais je crois que ça leur a donné des idées.

CFCM : Conseil Français du Culte Musulman, organisation créée en 2003 pour donner au gouvernement un interlocuteur représentatif des musulmans de France. Le CFCM n'est pas un organisme chargé des problèmes de dogmes, mais sa mission est le dialogue avec le gouvernement quand se posent des questions relatives au culte : construction de mosquées, carrés musulmans dans les cimetières... Son président est M. Mohamed Moussaoui.

dimanche 4 avril 2010

Christ est vraiment ressuscité.




Hier soir, Wil, un ami pas vraiment catho qui vient d'emménager dans son appartement, m'a demandé de venir bénir sa maison. Chose que je n'avais jamais faite depuis ma vie romaine. Je m'exécute donc, avant d'embrayer sur la veillée pascale. Chez Wil, je rencontre évidemment des tas de gens, dont V..., pas baptisé, accompagné d'une jolie copine élevée, elle, dans la religion. La discussion roule sur la réforme de l'Eglise : la copine trouve qu'il y a du boulot. Moi aussi. V..., lui, me demande : "mais pourquoi vouloir changer ?"

Le soir, veillée pascale, cinq baptêmes de jeunes. Je savais que j'y retrouverai ce jeune homme qui m'avait confié le bouleversement provoqué récemment dans sa vie par sa rencontre avec Dieu ; cette jeune femme, qui se marie dans quelques mois et qui, elle aussi, est travaillée par la grâce au plus profond d'elle-même. La pluie a empêché qu'on allume le feu dehors (c'est quand même le principal attrait de la veillée), et pour le reste, il y a eu l'intégrale des textes bibliques (sept lectures, l'épître, l'Évangile) et le rituel. Trop long ? Du tout : dans l'église pleine, à la lumière des cierges, la magie de la Parole a opéré à plein, l'assemblée (composée en bonne part de gens qui ne mettent pas les pieds à l'église) a chanté à pleins poumons, les baptisés ont présenté à tous un visage ruisselant (on avait oublié de prévoir les serviettes pour les essuyer), le saint-chrême tout frais et parfumé a dégouliné, tout le monde a été touché par quelque chose qui pourrait bien être la grâce de Dieu.

Je me suis couché tard. Hélas, ce matin, impossible de faire la grasse matinée : sur la place devant chez moi, pasteurs, pope et archevêque se sont réunis sous le joli kiosque à musique pour une proclamation commune de la résurrection. Pendant l'annonce de la Pâques, j'ai sonné les cloches de l'église. Sous le soleil, c'était beau. Christ est vraiment ressuscité.

samedi 3 avril 2010

Quand Plantu se plante.

Le Monde Magazine, n° 29, page 5 : un (tout petit) dessin, refusé par la rédaction mais publié quand même, dans un numéro qui pose la question : "peut-on rire de tout ?". Rigolo, en effet : on y voit Benoît XVI en train de sodomiser un enfant.

Futée, la manœuvre. Ou comment publier un dessin en précisant qu'il ne devait pas être publié. Comme ça, on ne pourra pas protester. Si ça, c'est pas de l'hypocrisie, je ne sais pas ce que c'est. Moi, je proteste, j'écris. Je sais ce que ça veut dire : le médiateur, le mois prochain, dira : "nous avons reçu un nombre incalculable de courriels qui, etc." Et ensuite il y aura des articles sur la censure, les intégristes qui montent au créneau, et pourquoi pas le virage à droite du Blog du Curé.

Pour écrire à la rédaction du Monde :
courrier-lemondemag@lemonde.fr

vendredi 2 avril 2010

L'appel à la vérité.

Touitté il y a peu sous l'excellente plume (enfin, plume...) d'Edmond Prochain : "Le moral des ménages est en baisse ; et la morale des médias ?" Bonne question, quand on voit la manière dont est traité par les journaux, la radio, la télé, le problème auquel nous sommes désormais obligés de penser et que nous devons forcément évoquer dès que nous parlons du clergé... Bien sûr que la liberté de la presse est essentielle, mais pourquoi donc ne s'accompagnerait-elle pas de responsabilité ? Je ne parle pas de responsabilité pénale, mais plutôt d'une responsabilité morale. Contribuer à l'édification de l'opinion publique, ce n'est pas une tâche dénuée de connotations éthiques. Et clairement, dans cette histoire, ce qui pousse les journalistes est l'appât du gain (les prêtres pédophiles, ca fait de l'audience, donc de la thune) plus que la recherche de la vérité. Du coup, hier, dans la rue, une conversation saisie au vol : "80 % sont pédophiles, évidemment". De qui ce monsieur parlait-il, je vous le donne en mille ?

"Partialité, méconnaissance ou délectation. De raccourcis en généralisations, le portrait de l'Eglise qui est fait dans la presse actuellement ne correspond pas à ce que vivent les chrétiens catholiques". Tels sont les termes de l'appel lancé par des chrétiens excédés de se voir injustement montrés du doigt, que vous pouvez signer vous aussi.

Pour signer, c'est ici.

jeudi 1 avril 2010

Charles de Foucauld et l'identité nationale : petite manip pas très honnête.

Depuis quelques semaines, un texte du Père de Foucauld circule sur le Net, relayé de mail en mail, de spam en spam, de boite aux lettre en boîte aux lettres. Un titre significatif : "Voici ce qu'on appelle un discours de visionnaire... incompris comme toujours en France". Quand on remonte à travers le labyrinthe des destinataires et des expéditeurs : toujours les amis intégristes. Le texte commence par un vigoureux appel à convertir les musulmans (surprenant quand on sait que le Père de Foucauld n'a baptisé aucun Algérien), et se termine par une mise en garde contre un islam qui n'attend qu'une chose, soumettre la France.

Grosse manip : la lettre a été tronquée. Alors, pour éclairer les lanternes des lecteurs curieux, voici trois documents :

La lettre telle qu'elle circule sur le net
La lettre originale, écrite à René Bazin, publiée après la mort du P. de Foucauld avec des intertitres de Bazin
Un article de Jean-François Six, spécialiste du P. de Foucauld, qui rappelle que la pensée de quelqu'un, fût-il bienheureux, ne saurait se résumer à une lettre écrite à la fin de sa vie.