
Je proposerai d’inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 sur la laïcité dans la Constitution en insérant, à l’article 1er, un deuxième alinéa ainsi rédigé : « La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Églises et de l’État, conformément au titre premier de la loi de 1905, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace et Moselle. »
On retrouve dans cette rédaction l'inspiration des auteurs d'une loi qui fut finalement une loi d'apaisement : l'affirmation de la liberté de conscience et la garantie de la liberté de l'exercice des cultes, la séparation des Eglises et de l’État (expression peu rigoureuse, seule les confessions chrétiennes pouvant être appelées "Églises"). On y trouve également la prise en compte de l'une des objections soulevées lors de l'annonce du projet : le statut particulier des deux départements concordataires, ce qui est un désaveu de l'aile la plus "laïciste" du parti (cf l'interview de Jean Glavany donnée dans la foulée de la première annonce).
Reste que les grands principes de la loi de séparation prendraient alors valeur constitutionnelle. Cela aurait une conséquence extrêmement importante : il deviendrait dès lors possible, dans les questions religieuses, d'invoquer la question prioritaire de constitutionnalité ; le Conseil constitutionnel devrait alors se prononcer lorsqu'on le lui demandera. Ainsi, la loi du 2 janvier 1907, qui prévoit que les églises catholiques sont propriétés des communes mais affectées au culte, pourrait se voir opposer désormais le principe constitutionnel de laïcité. Sans parler, bien sûr, de la possibilité d'appliquer aux cultes la loi sur le mécénat de 1987. Et sans préjuger des nombreuses idées qui ne manqueront pas de naître dans l'infatigable imagination des fondamentalistes de la laïcité.
Jean Baubérot, dans un passionnant entretien publié sur le site web du "Monde des Religions", dénonce le glissement français vers une sécularisation obligatoire de la société, et alerte à juste titre sur les dangers de cette dérive, qui comporte, selon ses propres termes, "des éléments d'un athéisme d'Etat." Appliquées par un gouvernement démocratique, les lois de laïcité respectent la liberté de conscience ; entre les mains d'un pouvoir hostile aux religions, elles ne manqueraient pas de devenir des lois d'intolérance.