Piss Christ, ou comment une obscure galerie de province fait parler d'elle à propos d'une exposition, et de son œuvre phare qui représente, comme nul ne l'ignore plus maintenant, un crucifix immergé dans un bocal d'urine (à la curieuse couleur orangée, mais le titre de la photo ne laisse pas de doute sur la nature du liquide). L'artiste proteste de sa bonne foi, se dit chrétien convaincu, et donne des explications, indispensables pour comprendre son intention : il s'agit de montrer que les outrages dont a été victime le Christ n'ont pas cessé depuis deux millénaires, et que cela n'empêche pas la Croix de rayonner. Nous sommes donc en face d'une œuvre pédagogique. Le problème - enfin, l'un des problèmes - est qu'il y ait besoin de tant d'explications pour comprendre de quoi il s'agit : car, à première vue, on comprend juste le contraire.
Certes, une œuvre d'art n'est pas une image publicitaire, et nos esprits enténébrés par des années de dictature communicationnelle ont besoin d'un peu de lumière pour avoir accès à toute son intelligence. Certes, comme le font remarquer les défenseurs du photographe, notre difficulté vient aussi du fait que les sujets religieux sont beaucoup moins traités qu'autrefois par les artistes contemporains : a-t-on oublié le scandale qu'a suscité la nudité des protagonistes du "Jugement dernier" de Michel-Ange ? C'est vrai, enfin, qu'un artiste a droit à la liberté d'expression, au moins autant que chacun d'entre nous. Il n'y aurait donc pas lieu de protester.
Que penser, donc, des réactions de rejet, certaines violentes, suscitées par cette installation ?
Il y a eu la manifestation organisée par un groupuscule intégriste, abondamment médiatisée et ridiculisant une fois de plus les catholiques. Mais il y a, aussi, le malaise éprouvé par tant d'autres : car, explication ou pas, cette image a été réalisée en plongeant dans l'urine l'image du Christ sur la Croix. Aurait-on osé le faire avec l'image d'autres morts ? Bien sûr que non. Mais, là, c'est permis. Alors, pour de plus en plus de chrétiens, c'est le ras-le-bol : l'impression, justifiée ou non, que le christianisme peut être traîné dans la boue sans que personne ne dise rien, qu'on peut mentir autant qu'on veut sur l'Église et l'Évangile sans jamais être contredit par qui que ce soit. Les catholiques deviennent inquiets : ils se demandent si, demain, ils auront toujours le droit de célébrer le culte dans leurs églises, s'ils continueront à pouvoir assurer la vie des aumôneries dans les hôpitaux et dans les prisons (puisqu'elles sont, dans l'enseignement public, en voie de disparition). Il faut, sans doute, être chrétien aujourd'hui pour comprendre que l'anti-christianisme n'est pas une menace imaginaire. En ce sens, l'affaire d'Avignon a valeur de symbole : elle dit l'inquiétude des catholiques devant ce que beaucoup comprennent comme une volonté d'éradiquer les religions de la vie commune.
15 commentaires:
Oeuvre pédagogique ou pas,il est de tout temps et de toute culture une sorte d'innocence à réaliser un tableau.
Là, il me semble curieux l'intéret que portent les catholiques et les gens de l"Art" à une oeuvre qui fait du bruit,dans son silence.
Pervers les propos du créateur et provocateur le montage médiatique.
"a qui rapporte le crime ?"
Le christianisme n'est pas trainé dans la boue.Il se traine et confonds l'image et le territoire.
Redressons la tête et continuons à avancer.Je me sent très loin du ridicule ,de l'éradication et du contrôle organisé.
Qu'avez vous pensé de la destruction de Bouddhas d'Afganistan?
Cela est, et je suis le témoin
silencieux de cela.
"Aurait-on osé le faire avec l'image d'autres morts ? Bien sûr que non. Mais, là, c'est permis." Notons que, si toute autre organisation que chrétienne se mettait à exhiber à tous les coins de rue un cadavre supplicié cloué sur un bout de bois, ce serait une levée de boucliers. Mais là, c'est permis.
Pourquoi cette agression permanente à la décence et au bon goût est-elle tolérée ? Pourquoi Piss Christ ne le serait-il pas ?
Bonjour, aucune envie de commenter cette exposition que je ne connais pas et donc encore moins de polémiquer. Cependant, le terme d'obscure galerie de province à propos de la collection Lambert est très excessif. Il s'agit de l'un des lieux les plus dynamiques en matière d'art contemporain en France. C'est à noter.
Cher Emmanuel Pic,
Votre billet est, je l'espère, le dernier que je lirai sur le sujet, il est sans doute temps de passer à autre chose.
Mais je voudrais, avant de tirer le rideau,souligner que tous les articles sur Piss Christ, et en particulier ceux d'Edmond Prochain et Le Chafouin et certains commentaires, m'ont aidée à m'interroger sur les outrages vraiment subis par le Christ, à les voir autrement qu'en images d'Épinal et à me demander: qu'y a-t-il de si précieux dans l'Homme, en dépit de toutes les horreurs dont il est capable (pas besoin d'en faire la liste, regardez les titres des journaux, sondez vos coeurs) pour que Dieu lui-même vienne le sauver de cette façon? Vieille question, puisque le Psalmiste se la posait déjà. Que recèle le coeur de tous ces pécheurs que Jésus est venu libérer? À partir de cela, un nouveau regard (durable, je l'espère) sur mon entourage, en particulier ceux que je supporte avec le plus de difficultés.
Donc, grâce à l'oeuvre d'Andrès Serrano, cette Semaine Sainte a été plus qu'enrichissante. Et maintenant, rappelons-nous qu'avec ou sans aumôneries, écartés ou non de la scène publique, rien ne pourra nous séparer de l'amour du Christ.
Joyeuses Pâques!
Marie
@ Emmanuel : enfer et damnation, je suis pris sur le fait... Dois-je corriger ? Je préfère, honnêtement, assumer l'erreur en laissant l'article tel quel.
@ Yogi : "Pourquoi cette agression permanente à la décence et au bon goût est-elle tolérée" ? Peut-être parce que, pour des milliards de personnes depuis deux millénaires, cette image a inspiré des chefs-d'œuvre ? Peut-être aussi parce que cela se fait depuis bien avant que vous ne soyez né ?
Cette exposition m'apparait comme un signe de la volonté d'artiste (chrétien ou non d'ailleurs) de modernisé l'image de la religion, d'en faire le sujet d'un art conceptuel qui s'intéresse que trop peu à elle. Il est temps que les représentations religieuses et l'expression de ses idées par l'image s'éloigne du kitch traditionnel pour se rapproche d'un art d'aujourd'hui, certes plus provocateur mais qui remue l'esprit et qui a la mérite de faire réfléchir par sa complexité. L'art d'aujourd'hui demande de si intéresser, de réfléchir et de penser pour le comprendre, mais il est bon de prendre notre temps devant une image dans une société de « l'image zapping », de la comprendre, de se questionné sur l'utilité de son propos. Comme pour Marie, cette œuvre m'a donné un nouveau regard sur le sacrifice du Christ et montre la force inchangée qui a persévérée jusqu'au chrétien d'aujourd'hui. Ce n'est pas une œuvre provocante, mais une œuvre extrêmement habile qui par une apparence brute, provocante et répugnante éloigne ceux qui devant incompréhension, la critiquent et se braquent, alors qu'elle me paraît pour moi une œuvre plein de force et de beauté, tout a fait comparable à l'œuvre tout autant difficile et pure d'un cinéaste comme Tarkovski. Enfin je vois une oeuvre qui correspond à ma génération, qui intègre ENFIN le christianisme dans un monde qui est le miens, qui me fait prendre conscience du sacrifice du Christ, mais c'est aussi une oeuvre qui a suscité des réactions montrant à quel point il est bon de sortir d'un comportement de croyant grégaire de mouton de panurge pour enfin ressentir, réfléchir et se retrouvé seul face a cette oeuvre dont l'incompréhension dérange et ferme certains.
Mon inquiétude réside non pas dans ce que Emmanuel Pic écrit à la fin de son billet par rapport à l'anti-christianisme mais beaucoup plus dans la réaction de certains croyant qui manquent cruellement d'ouverture d'esprit ou/et d'incompréhension face à des oeuvres contemporaines et qui se plaisent dans un christianisme traditionnel et "bien pensant"
Joyeuses Pâques à tous
L'oeuvre de cette exposition m'apparait comme un signe de la volonté d'artiste (chrétien ou non d'ailleurs) de modernisé l'image de la religion, d'en faire le sujet d'un art conceptuel qui s'intéresse que trop peu à elle. Il est temps que les représentations religieuses et l'expression de ses idées par l'image s'éloigne du kitch traditionnel pour se rapproche d'un art d'aujourd'hui, certes plus provocateur mais qui remue l'esprit et qui a la mérite de faire réfléchir par sa complexité. L'art d'aujourd'hui demande de si intéresser, de réfléchir et de penser pour le comprendre, mais il est bon de prendre notre temps devant une image dans une société de « l'image zapping », de la comprendre, de se questionné sur l'utilité de son propos. Comme pour Marie, cette œuvre m'a donné un nouveau regard sur le sacrifice du Christ et montre la force inchangée qui a persévérée jusqu'au chrétien d'aujourd'hui. Ce n'est pas une œuvre provocante, mais une œuvre extrêmement habile qui par une apparence brute, provocante et répugnante éloigne ceux qui devant incompréhension, la critiquent et se braquent, alors qu'elle me paraît pour moi une œuvre plein de force et de beauté, tout a fait comparable à l'œuvre tout autant difficile et pure d'un cinéaste comme Tarkovski. Enfin je vois une oeuvre qui correspond à ma génération, qui intègre ENFIN le christianisme dans un monde qui est le miens, qui me fait prendre conscience du sacrifice du Christ, mais c'est aussi une oeuvre qui a suscité des réactions montrant à quel point il est bon de sortir d'un comportement de croyant grégaire de mouton de panurge pour enfin ressentir, réfléchir et se retrouvé seul face a cette oeuvre dont l'incompréhension dérange et ferme certains.
Mon inquiétude réside non pas dans ce que Emmanuel Pic écrit à la fin de son billet par rapport à l'anti-christianisme mais beaucoup plus dans la réaction de certains croyant qui manquent cruellement d'ouverture d'esprit ou/et d'incompréhension face à des oeuvres contemporaines et qui se plaisent dans un christianisme traditionnel et "bien pensant"
Joyeuses Pâques à tous
Mt 18,6. Mais si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en Moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on suspendit à son cou une de ces meules qu'un âne tourne, et qu'on le plongeât au fond de la mer.
Votre conclusion du dernier paragraphe me semble bien pessimiste et excessive, sauf en ce qui concerne les groupuscules en question (qui ne sont plus des groupuscules) et qui de fait créent l'image de notre religions dans l'opinion, c'est de leurs excès que vient le mal. Encore faudrait-il que cela soit dit par le sommet de l'église et ce n'est pas vraiment la cas sauf pour le massage de Paques.
J.BRUNO
Cher Père Pic,
Je comprends parfaitement votre billet, il n'est sans doute pas facile de voir un symbole de sa foi mis en scène dans un dispositif qui est destiné à choquer.
Cette histoire lamentable me donne envie de renvoyer tous ses protagonistes dos à dos :
- le concepteur qui a surfé sur un sujet tragique pour produire quelque chose qui n'a que peu de rapport avec lui. Pourquoi le Christ, pourquoi l'urine et le sang ? Le SIDA n'est qu'un virus, terrible certes, mais seulement un virus. Rien de divin là dedans, ni dans le châtiment que d'aucuns voudraient y voir, ni dans l'accusation permanente que l'on fait à l'église sur le sujet. Cette photo ne m'apparait pas comme artistique car dépourvue de sens et pleine seulement de l'envie de choquer et par là même de se faire mousser sur le dos des malades et des morts.
- les crétins qui y ont vu un moyen facile de beugler leur message soit disant religieux : je ne comprendrai jamais pourquoi certains se réclament d'une foi dont l'élément central est l'amour de l'autre et la reconnaissance d'un lien qui connecte toute l'humanité, pour faire passer un message d'exclusion et de haine, car il y a de la haine dans ces personnes incapables de voir que la diversité est la base même de notre monde.
- le ministère enfin qui par son enflure verbale substitue le blasphème artistique au blasphème religieux. Saccager une photo, aussi idiote soit-elle est une stupidité qui mérite deux mots mais aller brâmer au sacrilège est tout aussi démesuré et donc imbécile que le saccage.
En définitive, seuls l'artiste et la fondation en tirent bénéfice : cette dernière par une publicité qui, à défaut d'étre de bon aloi, la fait connaitre partout, le premier par une célébrité - à mes yeux peu méritée - qui se traduira par une belle hausse de sa côte sur le marché de l'art.
Et la foi dans tout cela, me direz vous ? Et bien, elle n'est abimée que si l'on accepte qu'elle le soit. Ce n'est ni la première, ni la dernière image du Christ qui subit des outrages, il me suffit de vous renvoyer à la période iconoclaste à Constantinople où au comportement des croisés dans cette même ville en 1204 pour vous dire que les images saintes ont connu pire.
Votre souci en revanche, du regard porté sur le christianisme et le peu de respect qu'on lui porte au regard d'autres religions me semble tout à fait justifié. Il faut, je crains, y voir à la fois les réminiscences anachroniques d'un conflit ancien dont notre société porte encore les stigmates, mais aussi peut être une attente déçue face au décalage entre le monde contemporain et la manière dont le message chretien est délivré. Je ne justifie aucunement ces attaques, j'essaie de les comprendre pour y trouver une explication donc un remède.
Remède que vous tenez peut étre en partie, au travers de ce blog. Il ne satisfait sans doute pas ses lecteurs en permanence, mais il est une tentative, réussie à mes yeux, de renouvellement de la manière de parler du message chrétien. Courage donc, vous me semblez dans une voie intéressante. Et merci pour ce travail de blogueur qui est somme toute, une bonne réponse à apporter à l'hubris que pauvre cliché a déchainé dans notre monde de communication qui donne si peu à réfléchir.
Joyeuses Pâques, Père Pic !
Manuel
Est-ce que pour laisser une place dans l'espace public aux religions, il faut museler leurs critiques ou leurs railleries ? Vous qui êtes pour la liberté de toutes les expressions dans l'espace public, je trouve les toutes dernières phrases curieuses et sans doute écrites sous l'effet de la colère.
Il y a une longue tradition de raillerie (et pas toujours de bon goût) envers toute forme d'autorité. C'est le cas des hommes politiques, des policiers, etc. Et c'est le cas de l'Eglise catholique qui représente encore pour beaucoup une autorité morale. Ajoutons à cela que le "folklore" catholique est très riche visuellement, les ingrédients sont réunis pour ce genre de chose. Ensuite est-ce qu'une galerie privée est un espace vraiment public ? Est-ce qu'il faut regretter que l'Eglise n'ait plus à donner son accord aux oeuvres qui sont produites ? Si on peut expliquer l'attitude du groupe de vandales, faut-il pour autant l'excuser ? Si les catholiques se sentent désaimés, rejetés, exclus, faut-il qu'ils tombent dans l'agressivité ? Cela fait quelques siècles que l'on s'attaque de manière scatologique ou sexuelle au Clergé catholique (Hussites, Réformés, Révolutionnaires, laïcards tercero-républicains...) et parfois de manière plus dure que dans ce cas-ci. Est-ce que tout ceci justifiait que l'on détruise une photo ? A titre personnel, je suis bien plus inquiet de cette radicalisation croissante et de cette volonté d'éradiquer de l'espace public tout ce qui pourrait choqué une communauté, que ce soit cette photo pour les catholiques intégristes, ou que ça soit la religion pour les laïcards radicaux. On ne peut pas faire deux poids deux mesures pour des attitudes qui ont le même moteur. On ne peut pas (pour ne pas dire "plus") fermer les yeux quand ça va dans le sens de l'Eglise...
N'y connaissant rien en art contemporain, je vais rajouter des point d'interrogation... L'avenir dira s'il faut les laisser... Donc:
Pourquoi donc les défenseurs de cet artiste (?) trouvent-ils étrange la réaction des catholiques, alors que cette oeure (?) a déjà été interdite à de nombreuses reprises ? Pourquoi un artiste (?) dont les oeuvres (?) sont toutes réalisées avec des fluides biologiques ne sont pas plus connues, et que c'est une oeuvre(?) de près de 25 ans qui a été choisie ? Pourquoi n'a-t-il pas poursuivi sa réflexion, pour nous proposer une oeuvre mêlant sang et larmes ?
Pourquoi parler de "groupuscule intégriste " ? qui ridiculise une fois de plus les catholiques croyez moi les catholiques sont plus ridicule en assumant pas (plus) leurs Foi quand dans des écoles catholiques c'est l'apostasie généralisée ( a tel point que des élèves musulmans demandent pourquoi cette école de prétend catholique ?). Civitas a bien fait je ne suis pas fidèle de la FSSPX mais ils sont tout mon soutien quand aux fameux jeunes "intégriste" qui ont cassé cette horreur je suis curieux de savoir si ce sont des cathos ! car finalement la galerie lamnbert surfe sur ce renouveau de publicité.
L'anti catholicisme est plus répandu qu'on ne le croit et il est temps de monter que nous n'avons pas disparus.
quand aux mots intégriste, conciliaire ( dans un sens ou dans l'autre) il faudrait peut être arrêter ça.
stephane
Sur un point de détail, la couleur orangé provient du fait que le crucifix n'était pas plongé dans de l'urine, mais dans un mélange d'urine et de sang de l'artiste.
Une photographie minable, sans aucun intérêt, de la provoc, qui comme elle ne suffit pas à faire parler d'elle, va à mon avis jusqu'à organiser une fausse expédition punitive en disant c'est la fôte des intégristes de cette religion de l'obscurantisme.
Je suis persuadé que les auteurs de la pseudo destruction sont de bons complices de la "fameuse collection dynamique" qui s'est fait une sacrée pub, à bas prix (refaire un tirage de la photo).
De la lâcheté, en accusant une religion de réelle tolérance de tous les maux.... un peu de courage la "fameuse collection Lambert" : allez plonger une édition du coran dans l'urine et faites une expo au Pakistan....
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