Il y a quelques années, tout à mes illusions de jeune curé, j’avais invité un élu à venir de temps en temps fréquenter la messe paroissiale. Réponse immédiate, et irréfléchie : « Ce n’est pas mon électorat. »
Dans cette petite histoire, il y a toute une manière de faire de la politique. Peu importe que le but soit d’être au service de tous : d’abord, on gagne, après, on voit. Pour gagner, il faut récolter la moitié des voix plus une. A droite, on a un électorat, on le cajole ; à gauche, on en a un aussi et ce n’est pas le même (ah bon ?). On complète pour faire le compte : comment obtenir le vote gay ? celui des noirs ? des cathos ? D’un côté, on dit « non » au communautarisme ; de l’autre, on le conforte, en constituant une coalition représentative des diverses communautés.
Confirmation de la thèse qui vient d’être développée : le rapport de la fondation Terra Nova, qui est destiné à inspirer les stratèges d’un de nos grands partis. L’électorat traditionnel : plus la peine de compter dessus, il vote à droite maintenant. Alors il faut servir des intérêts épars : ceux des diplômés, des jeunes, des minorités, des femmes (rien qu’avec elles, on gagne, mais comment savoir ce qui intéresse « les femmes » ?), et, cerise sur le gâteau : des non-catholiques (suit une analyse cynique de l’inexorable déclin du catholicisme et de la clientèle musulmane qu’il s’agit de flatter). Pour dresser les gens les uns contre les autres, il n’y a pas mieux. Même pas la peine de rechercher les enregistrements de la réunion au cours de laquelle ont été proférées de telles énormités, c’est à la page 41 du rapport et signé par les auteurs. Ne nous étonnons pas de ce qui se dit dans les clubs de foot, puisque nos édiles semblent raisonner de cette manière.
Il y aurait pourtant une autre manière de faire. C’est celle qui a été évoquée lors d’une rencontre, samedi dernier, destinée à lancer Diaconia 2013, une dynamique pendant laquelle, pendant deux ans, les catholiques sont invités à s’interroger sur la manière dont ils se mettent au service de leurs frères. Avec une question-clé : « repérer les situations de fragilité et les enjeux sociaux que l’on connaît dans notre entourage ». Et si, faire de la politique, c’était cela : commencer par repérer ces situations, et essayer de faire que cela change ? Dans le langage catho, on appelle ça : la recherche du bien commun. Zéro exclus. Tout le monde y gagne.
6 commentaires:
Tiens, mon commentaire a disparu !?
En tous cas, le rapport Terra Nova fait du bruit, et déjà au sein même du PS !!!
tout à fait, mais à la dernière ligne, pourquoi mettre un "s" à "zéro exclus" ??
Hervé
Merci de nous faire connaitre Diaconia 2013, on est au coeur de la démarche chrétienne.
J.BRUNO
Ce que vous dites est à la mode, LE POINT de cette semaine titre "Marine Le Pen l'attrappe tout" ! Et si il y en a bien une qui s'y connaît pour opposer les gens...
Tous les partis semblent avoir la même façon de procéder, démonstration de leur manque d'originalité.
Pour les solutions, vous savez bien que parmi les cathos, l'appréciation du bien commun varie. Entre ceux qui se disent chrétiens et ceux qui s'affirment catholiques...Ceux qui défendent la vie de la conception à la mort naturelle s'opposent souvent à ceux qui parlent solidarité. Et quand vous faites les 2, vous êtes mal vus des 2 "bords" au lieu du contraire ! Pour mettre tout le monde d'accord là-dessus, bon courage !
Enfin, et pour le fun, le rapport que vous citez énonce que plus on pratique, plus on est à droite ! Pourtant, vous, vous êtes plutôt de ceux qui pratiquent au-dessus de la moyenne, non ?
Ce rapport Terra-Nova est vraiment formidable ; il constate que les ouvriers se sont éloignés du PS et recommande d'aller chercher les voies des "communautés", des femmes et des diplomés...au lieu de chercher à se réconcilier avec l'électorat populaire !
Si le PS s'éloigne des pauvres, cela risque de remettre en cause cet aspect de l'engagement des "curés de gauche", non ?
Je crois que DIACONIA 2013 donnera sans dote davantage de solutions que les think-tanks des partis politiques.
Au moins tout cela nous conduit (ou nous force?)à penser par nous mêmes, à élaborer une pensée réellement personnelle . . .
Cela nous invitera sans doute à regarder l'autre, sans voir en lui un adversaire,un subordonné, un "moins fin que soi" mais un ami qui, lui aussi, pense personnellement.
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