Les vacances sont l'occasion d'expériences inédites. Pour un curé : faire ses courses en prenant son temps. Dans la petite ville du Sud-Ouest près de laquelle je me retrouve chaque année en famille, le rat des villes que je suis a commencé par se diriger vers un centre commercial, dans lequel j'ai trouvé tout ce que je voulais et même au-delà. Vingt marques de shampooings différentes, autant de rasoirs, des rayons entiers de nourriture pour chat. Il y avait aussi, merveille, des ananas, des bananes et des mangues. Hélas, quand on a goûté une fois à la mangue du Congo cueillie sur l'arbre, toutes les autres ont un insupportable goût de lessive. Il y avait enfin ce que je cherchais : des tomates - pas mûres, des brugnons - tout durs, des pommes verdâtres récoltées en Afrique du Sud et des melons insipides.
En rentrant dans mon joli village, le monsieur en face du cimetière m'a vendu des tomates onctueuses et sucrées, qu'il soigne amoureusement tous les soirs en rentrant de son travail. A la petite épicerie-boulangerie-bureau de poste, on trouve des melons à point, des haricots verts bien craquants et de jolies fraises du Périgord toutes fraîches cueillies. Tout cela n'a provoqué aucune nuisance et n'a pas encombré nos autoroutes de poids lourds.
Quel rapport avec la foi, me direz-vous ? C'est que la Bible nous parle souvent de la nature, qu'elle nous parle dès le début d'une Création dont il ne faut pas abuser, et qu'elle se poursuit en nous racontant la triste histoire d'un beau jardin défiguré par la bêtise humaine. C'est aussi qu'elle conseille un mode de vie simple, et refuse que la recherche du profit à tout prix prenne le pas sur la qualité de la vie et des relations humaines.
C'était le moment où les syndicats d'agriculteurs dénonçaient les importations de produits étrangers, et où un ministre très sur la défensive leur promettait une surveillance étroite des réseaux d'approvisionnement. Moi, je me suis dit : faire de la politique, Monsieur le Ministre, ça commence par faire ses courses. Par oser dire qu'il vaut peut-être mieux payer ses tomates un cinquante le kilo, si on est sûr qu'elles sont bonnes. Peut-être aussi par donner quelques conseils : manger des fruits en saison, privilégier les approvisionnements locaux et les producteurs soigneux. Car, s'il y a une chose dont je suis sûr, c'est que la surveillance des circuits de distribution des fruits et légumes ne donnera jamais plus de goût aux melons.
PS : en juillet, au camp louveteaux, on avait opté pour un approvisionnement exclusivement bio et proche. Je n'ai jamais aussi bien mangé en camp scout, désolé pour tous les intendants qui m'ont nourri les années précédentes.
11 commentaires:
Je ne résiste pas à citer le blog d'Hervé Giraud évêque de Soissons, Laon et Saint-Quentin, rapportant cette phrase :
"Nous avons tant de choses dont la moitié suffirait amplement." (Jean Tauler, 1300-1361)
Bonjour Père Pic,
Vous m'avez manqué cet été, le silence de votre blog était ... Peu agréable je dirai. Mais en même temps, vous avez sans aucun doute amplement merité vos vacances et vous nous revenez en verve, avec, comme toujours, le sujet juste !
Bienvenue donc dans cette rentrée houleuse et tendue. Où vous saurez, j'en suis sûr, dire quelques vérités tout en ménageant un espace de tranquillité dans l'océan des blogs si souvent sujet aux tempêtes.
Cordialement, Manuel
Tout à fait d'accord : on a la chance de pouvoir aller au marché et de choisir fruits-légumes... en provenance des environs de Dijon. Et en remerciant les producteurs et le seigneur. Et en rencontrant des amis.
"faire de la politique, ça commence par faire ses courses" ! Ca vaut tous les programmes et mieux que tant de discours ;
Tiens, je vais me mettre à la politique, moi !!
En Lorraine la mirabelle était achetée 36 centimes le kg aux producteurs et vendue dans sa région de production 4,90 euros le kg aux lorrains .Max Havelar , au secours !
Repas de Nöel d'un citadin : mangue et saumon du chili. Et si l'on cherchait ce dont on a besoin tout près de nous. Tout est là, il n'y a qu'à se servir. Avec modération et en partageant, bien sûr. Va, donc, pour un catholicisme équitable.
C'est comme les évêques qui trouvent plus facile de demander des prêtres à l'autre bout du monde que d'appeler des jeunes en France.
@ Anonyme : "Appeler des jeunes en France..." : si les choses étaient aussi simples ! Votre commentaire me donne envie d'un billet sur le sujet, à suivre donc.
A cette différence près que des prêtres qui viennent de loin ne sont pas moins mûrs que ceux qui poussent chez nous. Dans notre diocèse, ils sont même plus savoureux et frais que certains autochtones...
Quand au fait que ce soit plus ou moins simples, on voit les paroisses, les diocèses, les mouvements d'où émergent en nombre des vocations...et ceux qui restent stériles ! Plus simple chez certains que chez d'autres ?
Merci pour ce bon billet, je signale qu'il existe en France un réseau d'AMAP, associations pour la maintien d'une agriculture paysanne, qui propose de vous approvisionner à une ferme proche de chez vous . On s'engage à acheter un panier à la ferme chaque semaine pendant un an , ça permet à l'agriculteur de planifier sa production, et de créer un emploi pour 80 paniers...C'est quand même mieux que le bio qui vous approvisionne en haricot du Kenya, non?
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