Pas question bien sûr de se lancer ici dans une réflexion de fond sur la "crise des vocations" que connaît la France depuis un demi-siècle. Je préfère, dans le cadre de ce blog qui ne se prête qu'à des réflexions personnelles, dire quelques convictions nées de l'expérience de vingt-deux ans de ministère :
- La crise que nous traversons est durable. Il y a certes des instituts religieux, des diocèses qui "appellent" davantage que d'autres : mais cela ne fait pas augmenter le nombre de vocations sacerdotales dans l'ensemble de notre pays. La raison pour laquelle la crise ne va pas se terminer de sitôt est simple : avant d'être prêtre, on est d'abord un disciple du Christ, et avant d'être disciple, on est croyant. Le nombre des croyants allant s'amenuisant, on ne risque pas, à court et à moyen terme, de voir davantage d'apôtres se lever. Je suis frappé de voir combien de personnes s'attristent de cette diminution, sans comprendre que la meilleure manière d'inverser la tendance serait de répondre pour elles-mêmes à l'appel.
- Le cercle qui s'ouvre là est un cercle vicieux. On ne peut imaginer d’Église (catholique, j'entends) sans prêtres. Moins il y aura de prêtres, moins il y aura de croyants. Moins il y aura de croyants, moins il y aura de prêtres. Car la foi naît de la rencontre avec le Christ dans les sacrements, et de la prédication de l’Évangile par les apôtres. On pourra inventer tous les nouveaux ministères que l'on voudra, réorganiser avec toujours plus d'efficacité nos communautés chrétiennes, il faudra toujours des prêtres. Nous devons d'ailleurs être attentif à ces réorganisations : si elles induisent l'idée que l’Église pourrait se satisfaire d'un tout petit nombre de prêtres, que les baptisés peuvent suffire à l'essentiel de la tâche apostolique, elles risquent d'affaiblir l'urgence de l'appel. Il faut donc davantage de prêtres dans l’Église de France aujourd'hui.
- Par contraste, j'ai la chance d'enseigner chaque année en Afrique. J'y rencontre une Église étonnamment jeune et dynamique, un clergé dans lequel à mon âge on est déjà un ancien. Parmi ces séminaristes et ces prêtres, beaucoup s'attristent de ce qu'ils savent de la situation dans les Eglises-mères : la maman n'enfante plus. Ils se font, certes, une idée fausse de notre vie ecclésiale, qui conserve un beau dynamisme. Mais ils ont compris le danger qui nous guette. Parmi eux, un bon nombre souhaite consacrer tout ou partie de leur vie à la mission à l'étranger. Ils le font un peu au hasard, en écrivant à tous les évêques du monde, ou en se confiant à telle ou telle relation amicale nouée à l'occasion d'un voyage. Ils ne trouvent pas l'institution qui pourrait les aider à réaliser leur désir, car elle n'existe pas. C'est sans doute à nous de l'inventer.
