Une enquête menée conjointement par Sciences-Po et le ministère des armées donne un résultat surprenant : 85% des jeunes (lycéens) ont confiance dans l'armée. L'armée française est, et de loin, l'institution dans laquelle les jeunes français ont le plus confiance, devant l'école (78%), les entreprises (60%), la justice (59%)... et très loin devant l’Église, qui enregistre un petit 28% (dont 9% de "tout-à-fait confiance"), et se situe juste avant la télévision (24%) et les partis politiques (13%). Dans le même ordre d'idées, 7% des jeunes sondés se déclarent prêts à faire partie d'une association religieuse (45% d'un club sportif). 29% se déclarent catholiques, 51% sans religion : on imagine volontiers que les seuls jeunes qui ont confiance dans l’Église sont ceux qui se déclarent catholiques. Ce qui ne va pas sans poser problème.
Ce n'est pas jouer les Cassandre que de prédire que, si on s'en tient là, ces 28% de lycéens seront les 28% de catholiques de demain - deux Français sur trois aujourd'hui ; voilà qui annonce pour l’Église des lendemains fort difficiles. Car on n'imagine pas les trois quarts restants faisant baptiser leurs enfants ou se mariant religieusement, à moins de les faire changer d'avis.
On aimerait, du coup, en savoir plus long. Qu'est-ce qui vaut à notre Église une si mauvaise opinion de la part des jeunes ?
Peut-être, en attendant que la conférence des évêques de France ne se lance dans un travail équivalent, cela vaut-il le coup de regarder pourquoi l'armée a si bonne presse, et en tirer quelques leçons pour l’Église.
Première constatation, qui ne surprendra personne : une bonne communication (spots à la télé en particulier) a permis un redressement spectaculaire en une petite vingtaine d'années. Cette communication, chose intéressante, s'appuie sur l'usage que font en particulier les garçons des jeux vidéos, grands pourvoyeurs d'images guerrières. Interrogeons-nous donc sur notre propre communication : quel est l'impact, auprès des jeunes, des images diffusées ces dernières semaines de manifestants priant le chapelet dans les rues de Paris, ou appelant à une contestation violente contre une œuvre supposée blasphématoire ? Quelle image dans cet univers culturel que sont les jeux, la bande dessinée, la télé ? Pourquoi ne parvient-on pas à mettre en avant l'action des organismes de solidarité de l’Eglise ? Sa présence de proximité auprès des familles, dans les moments les plus importants de leur vie ?
Deuxième constatation : les missions prioritaires de l'armée sont comprises comme des missions de protection, ou des missions humanitaires au sens large (opérations de maintien de la paix), ce qui est cohérent avec les préoccupations des jeunes (environnement, faim dans le monde, risques de guerre). Il serait intéressant de savoir ce qui, pour les jeunes, devrait être la préoccupation première de l’Église ; il y a gros à parier que la charité viendrait en premier. La présence de l'Eglise dans ce domaine est immense et mal connue des catholiques eux-mêmes.
Certes, on peut douter de la valeur de ce genre d'enquête, remarquer que les jeunes n'ont pas eu encore de véritable contact avec l’Église (ni mariage, ni baptême...), affirmer que ce qui doit être annoncé c'est le Christ et non l’Église. Une chose est certaine : si nous ne parvenons pas à faire grandir la confiance dans l’Église, les chrétiens, de minoritaires qu'ils sont déjà, vont devenir un corps étranger dans une société qui finira par les rejeter.
16 commentaires:
Bonjour,
pour une fois, je commente, car 2 idées me viennent en tête, là, tout de suite...
La première sur le futur des 28% : si une partie des 3/4 restant se marie avec le quart qui croit et fait confiance à l'Eglise, on garde un peu d'espoir pour les mariages et les baptêmes (avec pas mal de dialogue au sein du couple, d'ouverture d'esprit de part et d'autre, on peut y arriver...), ça peut limiter la baisse :) !!
La seconde, sur ce qui doit être annoncé et, surtout, perçu de l'Eglise et de la Foi. Je suis attérée, à la lecture des articles sur l'Eglise ou les catholiques ou le Pape, les réactions (je lis la presse essentiellement sur le Net où les réactions des lecteurs sont ... euh... instructives !!), il n'est jamais question de Foi, ni de charité, mais de dogme, de rite, etc... Je crois que c'est la charité qui doit revenir au premier plan, l'amour pour Dieu et l'Amour de Dieu (avant même le fait d'"obéir" au prêtre, au Pape aux texte, etc...).
Merci pour cet article, qui fait écho à certains de mes questionnements de mère et de paroissienne.
"Devenez ce que vous êtes". Voilà le slogan de l'armée. Ca sonne catho, non ? Ste Catherine de Sienne sera passée par là.
Peut être que si l'Eglise nous parlait plus de notre vocation d'homme et de femme (sans réserver le terme vocation à la vie religieuse), et moins de ce qu'il faut ou ne faut pas faire, elle aura autant de succès.
Non, cher Padre,la prière du chapelet même en pleine rue et en manifestation n'est pas une violence, mais une affirmation et une intercession, et parfois témoignage public de "Dieu premier Servi"; mais ce qui est violence ce sont les vociférations ; comme le montre l'habitante de Rennes dans son commentaire sur Padreblog à l'article : appel du 8DEC:http://www.padreblog.fr/blog/45-eglise/174-qgolgota-picnicq-lappel-du-8-decembre#disqus_thread
Pour l'unité des chrétiens et des cathos, ne nous bombardons pas trop d'étiquette "intégristes etc...". L'Eglise est plus large que les "mandatés" et que ses "ministres". Pas de division de la charité même avec les légitimes options diverses en politique; pour les cathos
@ Hdalan :
c'est drôle comme on peut avoir une lecture sélective... Où ai-je écrit que le chapelet était violent ? Où ai-je parlé d'"intégristes" ? Par contre, oui, empêcher par la force une représentation théâtrale est un acte de violence.
Je dis simplement que ce n'est pas la meilleure image de l’Église que nous puissions donner. Point. La commentatrice de Rennes que vous citez à propos du Padreblog ne dit pas autre chose. Merci de respecter au moins ce que j'écris.
OK bien sûr avec ce que vous écrivez sur la diversité des choix politiques. Mais si ces choix ne sont pas évangéliques, il ne faut pas s'étonner que les ministres de l’Église les condamnent et disent que les personnes qui les posent ne sont pas mandatés par eux.
Le constat est juste... l'objectif de popularité me semble moins évident.
D'une part, il est plus important d'aimer que d'être aimé. Un tel sondage ne mesure que le second terme.
D'autre part si la confiance dans l'Eglise est la conséquence de sa sainteté, c'est magnifique, si cela devient une fin en soi, c'est problématique. Plutôt des saints chrétiens - corps étrangers que des peu-saints chrétiens immergés...
Evidemment, vous me direz qu'aujourd'hui on s'approche plus des peu-saints chrétiens - corps étrangers :) mais à mon sens mieux vaut accentuer l'effort sur notre sainteté. Et il me semble bien que l'Eglise s'y emploie !
Au fond, peut-être bien que c'est le principe même de la communication qui me gêne (j'suis un vieil imbécile, hein !)... Une Eglise qui clamerait "regardez comme c'est bien ce que je fais", qui se mettrait en avant ? Pas sûr que ce soit la voie...
Je partage votre analyse en particulier sur le deuxieme point. Ce qui était mobilisateur lorsque j'étais jeune c'était l'implication dans la société, la charité et tout ce qui était tourné vers le prochain c'es à dire le message du Christ. On travaillait sur les chantier de l'Abbé Pierre etc......
Il faut bien dire que l'église actuelle a fuit l'impliquation dans la société se repliant sur elle même, favorisant les rites de la foi et sa pratiqe à travers l'adoration et les exercices spirituels (suivant Saint Paul) plutot que les oeuvres (Saint Pierre). Le rôle de la reconquista des traditionnalistes donne effectivement le ton à toute l'église alors qu'une église conciliaire telle que les orientations de Vatican II le permettait serait certainement plus mobilisatrice pour les jeunes.
Nous n'en sommes malheureusement plus là et pour longtemps vu le système de cooptation du Vatican. L'image de l'église n'est pas mobilisatrice sinon pour une sorte des caste traditionaliste donneuse de leçons Cela explique sans doute en partie cela.
Respectueusement J. BRUNO
Bonjour Monsieur le Curé,
allons, allons, si je peux me permettre Monsieur le Curé,ne soyez pas pessimiste, notre Eglise de France a connu bien pire dans son passé: le 13ème siècle par exemple. Plus près de nous, au 18ème dit des lumières, vous auriez fini sur l'échafaud.
Bien cordialement
UDP
Dominique Mottais
@ Dominique Mottais : c'était le bon temps...
@ J. Bruno Hum... quand on met en avant les oeuvres, on cite plus souvent saint Jacques, et son "épitre de paille" selon Luther qui aurait bien voulu sortir saint Jacques du Nouveau Testament... Une hérésie, c'est un choix. Si on oppose saint Paul et saint Jacques, et que l'on verse du côté de la foi OU des oeuvres, on choisit, on simplifie. Toute la force de l'Eglise catholique a été de ne pas choisir, mais d'englober. Nous sommes justifiés par la foi ET par les oeuvres. Nos mots sont impuissants à décrire le Mystère, et les apparentes contradictions nous forcent à y entrer, modestement.
Les documents de Vatican II, s'ils étaient lus, apparaîtraient très probablement comme extraordinairement ;) tradis pour la plupart des catholiques (cf à ce sujet la relecture entreprise par @Lemessin&Cie http://vatican2-50ans.fr/?page_id=12).
Je ne suis pas sûr que dénoncer la non-sainteté de certains aille dans le bon sens : il me semble beaucoup plus juste et beaucoup plus efficace d'agir sur ma propre non-sainteté, de m'émerveiller devant la différence d'approche des autres, et de m'en enrichir.
In Xto.
On trouve des chrétiens dans l'armée,l'école, les partis politiques...etc ils font partie à part entière de l'Eglise et on leur fait confiance MADO
le prestige de l'uniforme !!!
Rien qu'à Dijon, les prêtres "en uniforme" attirent autour d'eux beaucoup plus de jeunes que les prêtres "en civil" Cf les réunions autour des JMJ, par exemple...
L'habit ne fait pas le moine...on est d'accord, mais le discours va quand même souvent de pair. Quand le religieux en habit parle souvent de foi, le religieux qui tiens à être "dans le monde" ne parle souvent que d'action...pas toujours très catholique, d'ailleurs. "chrétienne" à la rigueur mais là on est déjà dans la relativisation de nos convictions.
@ Jean-paul :
on est dans les généralisations complètement abusives, là... C'est comme si j'écrivais : "les prêtres en habit ecclésiastique (et non en uniforme) font fuir les jeunes." Ou bien : "Le religieux en habit ne parle que du dogme, le religieux "dans le monde" (mais que signifie donc cette expression ?) fait appel à des convictions." J'espère ne jamais me permettre de telles affirmations, si cela est le cas, n'hésitez pas à me reprendre. Vous trouverez toujours des gens pour soutenir, sur ce sujet, tout et son contraire.
@ Axolotl :
ce que vous dites sur le mariage me paraît très juste, et rarement pris en compte par ceux qui se penchent sur l'évolution du catholicisme. La moitié des jeunes que je prépare au mariage sont incroyants. Ils font néanmoins, le jour de leur mariage, puis ensuite au baptême de leurs enfants, une vraie expérience de Dieu,et donc ils découvrent la foi.
@Incarnare :
tu vas me trouver bête... en regardant distraitement à la télé le spot en question, je me disais "tiens c'est bien ça, pour une fois ils ont une super idée".
@ Vieil imbécile :
Je pense comme vous qu'il ne faut pas chercher à annoncer l’Église, mais le Christ. Mais si nous annonçons le Christ à de gens qui ne nous écoutent pas parce qu'ils ont sur nous des idées préconçues, ça ne peut pas marcher. Il ne s'agit donc pas de se mettre en avant, mais de chercher à se faire entendre et à se faire comprendre.
A vieil imb... Je ne me permettrais pas.
J'ai bien cité St Pierre ''Vous serez jugé sur vios oeuvres'' et n'ai pas parlé de Luther.
ST Paul et le'' seule la foi'' sauve a mené à bien des dérives au sein de la réforme depuis des siécles et aux US actuellement.
Le Christ disait ce que vous faites au plus petit des miens c'est à moi que vous le faites (et donc à DIEU)
Mon propos était de dire que c'était cela le message mobilisateur pour les jeunes.
J. BRUNO hum!!!! Pseudo qui vous déplait, pourquoi donc? je n'ai pas écrit G. BRUNO çà vous évoque qq chose?
La manipulation des émotions a encore de beaux jours devant elle, ceux qui prédisent la disparition progressive du moi dans les décennies à venir sont bien optimistes décidément.
Peut-être que nous n'avons pas à nous mettre en avant en tant qu'Église, mais il n'y aurait rien de tragique à ce que le Secours catholique, la Société de St-Vincent de Paul et autres mouvements charitables (Je pense aux apprentis d'Auteuil dont Koz parlait dans un bulletin récent) fassent régulièrement de la publicité sur leurs programmes. En soulignant l'aspect "catholique" de l'oeuvre. On les connaît sans doute moins que les Restos du coeur.
La main droite n'a pas besoin de savoir ce que fait la main gauche (ou vice-versa), mais le travail de bénévoles et de collaborateurs anonymes gagnerait à être reconnu. Cela aiderait au recrutement et pourrait servir d'exemple.
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