mardi 1 novembre 2011

Visage montré, visage caché.

A l'heure où l'archevêque de Paris "siffle la fin de la récré", pour reprendre la jolie expression de la consoeur Natalia Trouiller dans La Vie, quelques lignes (tardives ? Mais il faut savoir prendre un peu de recul avec l’actualité) à propos de la pièce controversée de Romeo Castellucci. Et plus encore sur la manifestation de protestation qui s'est déroulée samedi dans les rues de Paris.

Pour commencer, une citation de l’archevêque de Paris : ''On est en face de gens qui sont organisés pour des manifestations de violence et pour obtenir ce qu'ils ont obtenu d'ailleurs, une place dans les journaux''. On a vu en effet, bénéficiant d’une couverture médiatique des plus complaisantes, un gros millier de personnes dans les rues de Paris. Pour info, la cathédrale de ma petite ville de province compte 1400 places, il n'est pas rare de la voir pleine à craquer, mais les médias s’en moquent. Ce qui s'est donné à voir de l’Église catholique samedi n’est qu’un petit groupe de personnes déterminées et extrémistes, d'autant moins crédibles qu'elles ont protesté contre une pièce de théâtre qu'elles ne s'étaient pas donné la peine de voir. Ce qui reste caché, ce sont les milliers de petites mains anonymes qui tissent un formidable réseau de solidarités spirituelles et humaines : bénévoles du Secours catholique, correspondants du CCFD, animateurs liturgiques, catéchistes, équipes d'accueil de familles en deuil, membres de mouvements de jeunesse, visiteurs de malades... Ceux-là ne manifestent jamais. L’Église a deux visages : celui des plateaux télé, celui qui restera à jamais loin des feux de la rampe. Le vrai visage est bien sûr celui qui est caché. Qui le dira ?

Ce qu’on a vu samedi n’est pas né d’hier, mais été précédé par un énorme travail de présence dans les médias, et particulièrement dans le plus facilement manipulable d’entre eux, Internet. Ces gens sont « organisés pour des manifestations de violence », dit Mgr Vingt-Trois : dans le réseau virtuel des fondamentalistes de tout poils, la violence n’est que verbale, mais elle n’en est pas moins réelle. Ceux qui osent élever la voix pour la dénoncer sont pris à partie sans ménagement – il m’arrive de temps en temps d’en faire les frais.

Comment se fait-il que ce soit ce visage-là de l’Eglise qui se soit montré cette semaine ?

C’est que l’autre visage est occulté.

D’abord parce qu’il n’intéresse aucun média. On ne vend pas un journal qui titre « Aujourd’hui, il ne s’est rien passé ». Dans l’Eglise (la vraie), il ne se passe pas grand-chose : on essaye juste de faire le bien et de prier Dieu. Ça ne vaut pas le coup d'en parler.

Ensuite et surtout, à cause de la conception bizarre de la laïcité qui prévaut dans beaucoup d’esprits : en République, il faudrait absolument ignorer l’existence du religieux. Ignorons donc, nions, refoulons. Comme on peut s'en douter, ce qui est refoulé violemment – même si cette violence est légale – ne tarde pas à se manifester de la même manière. C’est ce qui se passe sous nos yeux. Castellucci a déclaré que la France était le seul pays dans lequel s’étaient déroulées ces manifestations de protestation : c’est parce que, dans notre pays, la sécularisation s’impose par la force. La vraie christianophobie n’est évidemment pas dans une œuvre d’art ; elle se vit au quotidien, dans un mélange de mauvaise foi, de mensonge et de méconnaissance du christianisme qui se répand à toute vitesse. Il fallait entendre la semaine dernière sur une radio nationale cette auditrice qui se disait persuadée que l’Eglise encourageait la souffrance des malades dans les hôpitaux ; ou cette autre, estimant que toute religion était source de violence… La manifestation de samedi n’a fait que donner du grain à moudre à ceux qui tiennent ce genre de propos. Elle n’est sans doute pas, hélas, la dernière du genre. La preuve : les paroles de condamnation sans appel du cardinal Vingt-Trois sont loin d'avoir bénéficié du même traitement médiatique que la présence de nos excités intégristes. Un homme contre mille. La cause est entendue.

12 commentaires:

Jean-Paul a dit…

Un homme contre mille ? Si ses frères évêques s'y mettaient tous, on serait à 100 contre mille, répartis dans toute la France, cela serait peut-être un peu mieux relayé ? A Dijon, rien entendu !

Richard a dit…

L'archevêque de Lyon s'est également exprimé, à mon sens de façon juste, ferme et intelligente.

C'est ici : http://www.dailymotion.com/video/xm2pac_manifestations-anti-christianophobie-contre-une-piece-de-theatre-un-malentendu-estime-monseigneur-ba_news#from=embed

dmottais@bbox.r a dit…

Bonjour ou bonsoir Monsieur le Curé,

Votre concept de la « vraie » Eglise m'interpelle. Vous vantez, à juste titre, les mérites d'une Eglise silencieuse en opposition à l'activité de quelques jeunes s'opposant à ce qu'ils considèrent comme être une atteinte à leur foi catholique à savoir la pièce du sieur Castelucci. Vous nous dites qu'ils sont intégristes et violents. Mais est-ce que tout est aussi simple ? Pourquoi dans l'Eglise dont vous parlez cette jeunesse est quasiment absente ?
Oui, l'Eglise est silencieuse et tranquille, je dirais même plutôt « pépère » ; aux vues des assemblées, il vaudrait même mieux dire « mémère ». De jeunes catholiques s'expriment mal aussitôt l'Eglise les condamnent. Laissez ce travail aux médias, c'est leurs fonds ce commerce. Que signifierait sinon l'expression « frères dans le christ » ? Ces jeunes ne sont pas de votre « maison », est-ce suffisant pour les exclure ?

Sur le fond de cette affaire, même si l'intention de l'auteur de la pièce semble clairement blasphématoire, ce blasphème subjectif est-il suffisant pour interdire cette pièce ou faire en sorte qu'elle ne soit pas représentée ? Je ne le pense pas. Les chrétiens n'ont pas intérêt à faire régner une quelconque police de la pensée ou à prétendre rétablir la censure à leur profit.
Par ailleurs, si le blasphème est un péché, comme tout péché, il peut bénéficier de la miséricorde.

Sur la forme, vous parlez de violence. Il ne faudrait tout de même pas exagérer car les mots finiront par ne plus avoir de sens; monter sur scène pour interrompre un spectacle un peu à la façon de Cyrano mérite un autre commentaire sinon lorsqu'une église brûle, comme en Egypte actuellement, quels adjectifs allez-vous utiliser en réaction à des actes sensiblement différents ?
Le poète a écrit « on n'est pas sérieux lorsqu'on à 17 ans ». Oui, mais quelle leçon de courage et
d'engagement, quelle spontanéité et quelle espérance que nous donnent ces jeunes. Ils sont maladroits, je vous le concède, mais ils défendent ce que nous avons de plus cher : la représentation du Christ.

Monsieur le Curé, vous pouvez compter sur ma modeste prière comme je compte sur la vôtre.

Bien cordialement

D. Mottais

Emmanuel Pic a dit…

@ D. Mottais :

Merci pour votre commentaire dont j'apprécie d'une part la politesse (ce n'est pas si courant sur le Net), et la signature (ah les courageux anonymes...)

Je me permets de vous contredire sur plusieurs points;

La jeunesse n'est pas "quasiment absente" de l’Église, en tout cas pas des communautés que je fréquente. Je reviens d'une semaine à Taizé : 7000 jeunes lycéens, au bas mot. Des dizaines de milliers de jeunes passent chaque année un séjour plus ou moins long dans ce lieu. Chaque année, les rencontres européennes en rassemblent également quelques dizaines de milliers. Venez faire un tour dans ma paroisse le dimanche, à l'aumônerie du lycée voisin, vous y verrez tout autre chose que des lieux vieillissants. Allez donc à un week-end de rentrée scout. Allez faire un tour à Paray-le-Monial en été, à la communauté du Chemin Neuf. Je m'arrête là, non sans ajouter que les "vieux" ont aussi leur place dans les communautés.

Contrairement à ce que vous dites, l'intention de l'auteur de la pièce n'est absolument pas blasphématoire. Des blogs peu tendres d'habitude comme le "Salon beige" en conviennent d'ailleurs.

Enfin, monter sur scène pour interrompre un spectacle est un acte de violence, même s'il n'y a ni morts ni blessés. Tout dépend de ce qu'on appelle violence. Et ceux qui le font sont, sans aucun doute, intégristes, ils le revendiquent d'ailleurs pour les plus actifs - Il y a sans doute parmi eux des jeunes qui se sont laissés entraîner là-dedans, à la grande inquiétude de leurs parents je peux vous le dire.

Quant au courage de ces jeunes : j'y vois plutôt de l'inconscience. Un petit séjour au poste leur remettrait rapidement les idées en place ; ce genre de martyre n'est pas bien dangereux. Des martyrs, j'en connais, et qui prennent de vrais risques ; ils ne manifestent pas dans les rues de Paris, mais ils sont effectivement victime d'une vraie persécution, comme en Égypte ceux que vous citiez fort justement.

Bien cordialement à vous, et en union de prière

P. Emmanuel Pic.

Flob a dit…

A nous d'entreprendre sans tarder "un énorme travail de présence", dans les médias (les blogs y participent), et dans notre société, par nos engagements chrétiens, éducatifs et citoyens!

Les jeunes que je connais ont été surtout troublés par la publicité gratuite faite à la pièce par l'intermédiaire malheureux des manifestants.

La correction fraternelle nous engage à dire à ceux qui utilisent la violence qu'ils ont tort.

Réaffirmons-le aussi aux jeunes qui nous entourent!

F.Baratte

Anonyme a dit…

Ce mot intégriste ne veut rien dire, dans les manifs de samedi je connais des gens qui vont a la messe en paroisse , on a voulu faire de ces jeunes des jeunes intégristes de la FSSPX c'est absolument faux il y avait dans ces jeunes des Ecclesiea Dei, de la fSSPX effectivement des jeunes venus de paroisses de Paris d des jeunes de l'Emmanuel.Il y a dans cette jeunesse pas mal de bonne chose mais ils en ont ont ras le bol de la christiannophobie de la societé francaise de la trahison de des clers et j'ai discuté avec ma fille de 16 ans qui soutient ce mouvement moi je dit qu'il s'agit d'un mouvement des indignés mais catholique( mais pour certains cathos et les medias il y a de bon indignés et des mauvais)
Vous parlez de Mrg Vingt Trois mais j'ai trouvé scandaleux ce qu'il a a dit "comment quand on est catholique il faut avoir le mandat de Monseigneur Vingt trois pour parler pour dire son indignation ? mais nous sommes baptisé nous sommes catholiques !! même si ca vous déplaît même si on sent votre mépris contre cette jeunesse que l'on voit sur les routes de Chartres, elle est belle et pleines de foi, et l'attitude de l'abbé de la Morandais quelle honte vraiment je rougis de cette Eglise de france qui n’intéresse d'ailleurs plus personne.
La pièce de Castellucci est blasphématoire lui meme l'a dit alors arrêtez avec vos intégristes ces jeunes qui sont ceus que l'on voit au JMJ aussi ne veulent plus de votre mépris.
Stephane

Anonyme a dit…

Le Salon Beige a publié plusieurs point de vue donc vous ne pouvez pas dire que le salon beige convient de quoi que ce soit je ne connais pas personnellement Michel Janva mais ne lui donner des avis qu il n'a pas il est tout simplement honnete, divers avis on été publié sur le salon beige.
Stephane

Emmanuel Pic a dit…

@ Stéphane

Merci à vous aussi de votre réaction, qui me permet de préciser ce que je veux dire.

Tout d'abord, contrairement à ce que vous pensez, le mot "intégriste" signifie quelque chose ; on peut lui préférer l'expression "fondamentaliste" qui me paraît plus parlante. Il s'agit d'une des expressions les plus caractéristiques de la modernité dans le domaine du religieux : refus de l'autorité et méfiance vis-à-vis des institutions (ce que vous exprimez quand vous parlez de la "trahison des clercs", ou quand vous vous étonnez qu'un des très haut responsables de l’Église estime que les manifestants parisiens agissent sans mandat), affirmation identitaire (d'où le sentiment exacerbé d'une "christianophobie" ambiante), désir de décider soi-même de sa propre démarche religieuse (ainsi, les intégristes-fondamentalistes ne sont pas "traditionnels" au sens où ils ne s'inscrivent pas dans une véritable tradition mais se réfèrent d'abord à leur propre jugement). En tout cela, je regrette de le dire mais je ne suis pas seul à le penser, les manifestations contre la pièce de Castellucci relèvent bien de cette mouvance, et les manifestants le revendiquent d'ailleurs puisqu'ils s'en réclament bruyamment.

Cela dit, je vous invite fraternellement à réfléchir à ce que vous écrivez. Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'un cardinal de l’Église catholique déclare que ces manifestants ne représentent pas l’Église, pour un vrai traditionaliste ce devrait être un désaveu sévère. Castellucci n'a jamais dit que sa pièce était blasphématoire, ceux qui vous font croire cela vous ont menti. Parmi les manifestants de samedi, certains étaient peut-être aux JMJ (voire...), mais ils sont très loin de représenter la diversité de la jeunesse catholique d'aujourd'hui.

Enfin, je ne méprise personne ; mon devoir de prêtre est d'avertir ceux qui me semblent s'engager sur un terrain dangereux pour eux-mêmes et pour l’Église. Je respecte donc tout-à-fait celles et ceux qui ont manifesté samedi, et j'ai suffisamment souvent pris la route de Chartres pour connaître tous les fruits spirituels de ce beau pèlerinage. Essayons donc de ne pas être dans l'invective si nous voulons entrer en dialogue.

Anonyme a dit…

Mon Père,
Je respecte les évêques, je suis en pleine communion le dimanche a la messe en allant a la FSSP, pour les confirmations c'est l'eveque de Bayeux Lisieux qui est venu,donc nous ne sommes pas des moutons noirs de l'Eglise sans doute pour certains curés je suis un intégriste car même si je ne suis pas "Lefebrvriste" je crois qu'il a raison lors ce qu'il dit "on ne marie pas l'Eglise et la révolution "
Je crois que même a la FSSPX certains abbés sont plus proche du saint Pere que certains prêtres diocesain alors effectivement nous sommes des integristes ( catholique intransigeant) parce que on refuse certaines evolution qui sont ni catholique ni dans le concile vatican II.
Pour *castellucci si il l'a dit a Avignon d'ailleurs cette piece est glauque Freudienne c'est une honte.
C'est d'ailleurs tout a l’honneur du père guy gilbert de Mrg Centene par ex d'avoir parlé contre cette pièce et pour certains avoir soutenus civitas ( Mrg Centene)
En UDP
Stephane
Caen

Pierre a dit…

Monsieur le curé, vous semblez en désaccord avec des propos récents de l'archevêque de Dijon Mgr Minnerath rapportés par La Croix, qui s'est dit « choqué par la violence de certaines agressions contre des symboles du christianisme ». Il souligne que les créateurs artistiques devraient être conscients de la responsabilité sociale qu’ils portent. L’évêque de Dijon confie avoir reçu tout un courrier de personnes lui reprochant « un silence assourdissant » de l’Église. Attention, poursuit-il, à ne pas banaliser les critiques contre la figure du Christ. « Que l’on s’attaque à l’Église, pas de problème, c’est le risque de toute institution. Mais là, il s’agit du Christ ! »

http://www.la-croix.com/Religion/S-informer/Actualite/Les-eveques-refusent-de-se-voir-comme-une-minorite-assiegee-_EP_-2011-11-06-732789

Assumez-vous ce désaccord avec votre archevêque ?

Vous avez raison de souligner la méconnaissance et l'hostilité ambiante grandissante à l'égard du catholicisme, mais cela n'empêche pas il me semble, de protester contre des spectacles baffouant l'image du Christ, avec les deniers de nos impôts.

Emmanuel Pic a dit…

@ Pierre :
???
Voilà un commentaire intéressant : il commence par "vous semblez en désaccord avec des propos de votre évêque" (ah bon ? C'est curieux, je le vois plus souvent que vous, il me fait l'honneur de lire mon blog et il n'a jamais relevé un tel désaccord), il se poursuit par une citation journalistique qui, elle, oppose Mgr Minnerath à d'autres évêque de la conférence épiscopale (merci au passage au journaliste qui instille subtilement l'idée que les évêques ne sont pas d'accord entre eux), et se termine par "assumez-vous ce désaccord avec votre archevêque ?(sous-entendu : vous êtes en désaccord avec votre archevêque).

Ma réponse : je n'ai aucun commentaire à faire sur un commmentaire qui donne une interprétation malhonnête de ce billet et qui ne cherche qu'à opposer un évêque à d'autres évêques, un prêtre à son évêque. Si vous êtes catholique, vous devez connaître ce passage de l'Evangile qui annonce la perte de toute cité divisée contre elle-même.

Je vous renverrais bien à la longue et intelligente fiche rédigée par Mgr Pascal Wintzer sur le sujet, mais j'ai peur que ce soit à nouveau l'occasion d'un lecture biaisée.

Emmanuel Pic a dit…

@ tous : On peut trouver le texte de Mgr Wintzer, président de l'observatoire "Foi et Culture", à l'adresse suivante :

http://www.la-croix.com/content/download/762022/23436789/version/1/file/Romeo+Castellucci.pdfusg=AFQjCNH5nYlMsy-Nw_6g6gIkcZ5Y3eyY9w

Bon courage pour le copier-coller...