On sait ce que signifie, dans nombre de pays, s'opposer au pouvoir en place. S'opposer, s'est s'exposer ; c'est risquer de croupir en prison pour de longues années, c'est risquer pour sa vie. Il a donc fallu aux évêques congolais (RDC) du courage pour écrire ce texte, qui est une condamnation sans appel de la manière dont se sont déroulées les élections présidentielles et législatives dans ce pays.
Petit rappel des faits : en novembre ont eu lieu les élections générales en RDC, dans un contexte rendu extrêmement difficile, à la fois par la situation économique et politique (pillage des ressources naturelles par les pays étrangers, occupation d'une partie du territoire par le Rwanda voisin, guérilla endémique dans les provinces de l'Est) et par la défaillance du réseau routier. C'est tout bête, mais c'est comme ça : pour organiser des élections, il ne suffit pas de voter, il faut permettre aux électeurs d'accéder aux bureaux de vote, compiler les résultats, acheminer le contenu des urnes dans des endroits où on pourra additionner les voix. Sans routes, c'est très difficile. La conférence épiscopale avait imaginé un stratagème : déléguer des milliers d'observateurs dans les centres de vote, avec la mission d'envoyer par SMS les résultats dès leur publication, et publier ainsi une estimation jugée objective. Pour empêcher cela, les envois de SMS ont été bloqués sur tout le territoire congolais, et le sont encore à ma connaissance. Les émissions de RFI ont été brouillées, et aujourd'hui le site web de Radio Okapi (la radio de l'ONU) est victime d'un étonnant piratage.
Les évêques avaient publié un premier communiqué, appelant les partisans du candidat à la retenue : toute autre attitude aurait conduit à un bain de sang. Ce communiqué avait aussitôt été exploité par le camp vainqueur. Le cardinal de Kinshasa avait alors pris la parole pour dénoncer la manipulation, ce qui lui avait valu des torrents d'insultes. D'où l'importance du message de ce début d'année, dans lequel les évêques dénoncent les tricheries, les atteintes aux droits de l'homme et les menaces adressées aux opposants, et appellent élus et gouvernants au respect de l'état de droit.
Ce n'est pas être exagérément pessimiste que de dire que cette intervention restera lettre morte : tout le monde, sauf les congolais eux-mêmes, a intérêt à ce que la situation perdure. Du moins les évêques congolais ont-ils sauvé l'honneur, et à nouveau montré l'importance que revêt la parole de l’Église catholique dans le pays.
2 commentaires:
Faut-il donc que la situation soit dramatique pour que des évêques se dressent comme un seul homme ? Bien souvent, lorsque l'un d'entre eux s'exprime sur, par exemple, un sujet de société qui inquiète, il s'en trouve toujours quelques uns pour aller dire à la TV qu'il ne faut quand même pas exagérer...et combien de prêtres et bons cathos pour s'en scandaliser et vouer ledit prélat aux gémonies ? Et ce, dans tous les domaines et toutes les "sensibilités"
Un prêtre de notre paroisse,
originaire de RDC,porte douloureusement son pays,
et de fait n'en parle guère, par discrétion ou faute d'oreille attentive.
Merci pour ce texte et votre billet
qui faciliteront un dialogue
et nourriront la prière.
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