Je reçois souvent d'anciens paroissiens partis fonder au loin une famille ; il reviennent pour un baptême, pour les obsèques d'un parent. Ces visiteurs évoquent toujours avec sympathie la vie qu'ils ont connue autrefois dans les vieux murs du presbytère. Les souvenirs tournent autour de la figure d'un prêtre, d'une religieuse, qui les ont marqués ; il y avait alors toute une activité qui leur paraît avoir disparu : les messes, le catéchisme, les enfants de chœur, les scouts, les Cœurs vaillants - Âmes vaillantes... Des centaines et des centaines d'enfants et de jeunes. Le curé était une figure respectée, parfois crainte, parfois aimée ; les jeunes vicaires s'attiraient souvent la sympathie générale, par la modestie de leur vie et la générosité avec laquelle ils se donnaient à leur ministère. Quant aux sœurs, leurs activités professionnelles (en général médicales) leur permettait de connaître toutes les familles du quartier.
Mais lors des célébrations, ces même paroissiens, pourtant lestés de nombreuses années de catéchisme et de merveilleux souvenirs du patronage, ne savent même plus faire un signe de croix, et restent dans un silence de plomb au moment où j'attendrais de leur part ne serait-ce qu'un "amen" de politesse. Toutes ces années du catholicisme de masse, où les églises étaient pleines à craquer, où il n'était pas question de se marier autrement qu'à l'église et de ne pas faire baptiser les enfants, où même les communistes envoyaient leurs enfants à la messe, ces années ont finalement fabriqué des générations d'incroyants. Voilà qui doit relativiser les propos nostalgiques sur l’Église d'autrefois. Et voilà qui fait des prêtres, particulièrement des prêtres en paroisse, des témoins directs de la déchristianisation, et les premiers concernés par la perspective d'une "nouvelle évangélisation".
Le plus étrange est que cette disparition des repères traditionnels ne s'accompagne pas purement et simplement d'une extinction du catholicisme. Car ces mêmes personnes sont dans une attitude exigeante vis-à-vis de l’Église - et donc des prêtres. Elles ne font pas que demander des rites, elles ont des idées bien arrêtées au sujet des célébrations et de la vie de la paroisse. Elles font des demandes précises : tel morceau de musique, telle prise de parole, tel lieu (l'église n'étant pas toujours l'endroit qui paraît le plus approprié), voire telle tenue vestimentaire (il m'est arrivé de voir arriver une noce tout entière en déguisement médiéval, car le thème du mariage était le Moyen-Age). Toute célébration est aujourd'hui le lieu d'une négociation serrée avec ceux qui préparent. Lorsque les demandes ne sont pas prises en considération, ou lorsque les familles s'estiment mal reçues, elles le font savoir avec véhémence.
Beaucoup de prêtres, et pas seulement les plus âgés, sont déconcertés par cette attitude. La tentation peut être alors de se réfugier dans une posture autoritaire : ce sera comme ça, et pas autrement. Elle peut aussi résider dans un repli autour des quelques-uns qui entrent encore dans l'ancienne manière de voir : les enfants, les personnes âgées, ainsi que ceux parmi les plus jeunes (et ils ne sont pas rares) qui vivent une authentique vie de foi. Mais la plupart du temps, on entrera dans un pragmatisme résigné, appuyé par un solide sens de l'humour. Il m'arrive souvent de me dire : "Je renonce à comprendre", et de prier pour que la grâce de Dieu fasse ton travail dans les cœurs. Tout en poursuivant, bien sûr, ma mission sacerdotale auprès des nombreux paroissiens qui veulent persévérer dans une vie de disciples du Christ.
Faut-il incriminer les pratiques d'antan qui ont détourné les jeunes de la foi ? Ou, au contraire, dénoncer le traumatisme d'une réforme conciliaire imposée trop rapidement et qui aurait désorienté tout le monde ? Peu importe au fond. Il est plus instructif de mener avec les personnes concernées des entretiens approfondis. Ce qui apparaît alors, c'est plus qu'une déception née de pastorales inadaptées : c'est un désaccord profond avec une discipline, des discours, des attitudes, des prises de position ecclésiales que l'on acceptait autrefois et qui ne sont plus ressentis aujourd'hui comme pertinents. La foi étant une histoire personnelle, à chacun de tracer sa propre trajectoire : "Ma mère m'a baptisé à sa manière", m'a dit un jour un jeune. "Je ne l'enverrai pas au catéchisme, mais je lui parlerai de Dieu - des religions, de l’Église, de la morale..." "Il va à la messe quand il est chez sa grand-mère." Chacun ayant pour tâche de construire sa vie à sa manière, de rechercher le bonheur en fonction de ce qu'il pense être bon pour lui, la vie chrétienne n'échappe pas à cette logique ; et la pratique cultuelle est le premier des lieux où cette manière de voir va se vérifier.
Comment poursuivre, dans un tel contexte, le travail de l'évangélisation ? C'est là, me semble-t-il, que l'expression "Nouvelle évangélisation" prend son sens. Elle doit se comprendre de deux manières : ré-évangélisation de personnes qui ont déjà été catéchisées ; mais, plus encore, prise en compte des transformations profondes induites dans les mentalités par la modernité. Cette mission ne relève pas seulement, et peut-être même pas d'abord, d'institutions nouvelles pratiquant des méthodes originales ; il me semble qu'elle incombe en premier lieu aux prêtres des paroisses, qui sont confrontés quotidiennement au "tout-venant" de la population de notre pays (si l'on excepte, bien sûr, les familles musulmanes, qui forment un cas particulier). Les billets qui vont suivre essayeront de dire comment un curé se situe devant cette exigence nouvelle.
3 commentaires:
Moi je me pose la question de manière différente. Si la foi peut prendre différentes formes, on peut se demander ce qui fait la substantifique moelle d'une foi basé sur la peur de l'enfer ou de la croyance par héritage ? Des générations de personnes sont allé à l'église et ont répété des gestes qui avaient, au mieux, pour eux, un intérêt culturel. Cette période est, semble t-il, révolue. Mais l’évangélisation à de beaux jours devant elle, à mon avis. Et je pense sincèrement, que votre église se remplira de gens avec une foi sincère, qui fait sens pour eux.
Toutes ces années du catholicisme de masse, où les églises étaient pleines à craquer, où il n'était pas question de se marier autrement qu'à l'église et de ne pas faire baptiser les enfants, où même les communistes envoyaient leurs enfants à la messe, ces années ont finalement fabriqué des générations d'incroyants. Voilà qui doit relativiser les propos nostalgiques sur l’Église d'autrefois. Et voilà qui fait des prêtres, particulièrement des prêtres en paroisse, des témoins directs de la déchristianisation, et les premiers concernés par la perspective d'une "nouvelle évangélisation".
Ajoutez-y les pasteurs - c'est pas mieux "chez nous". Et je commence à croire que plus une pratique religieuse est ancrée dans la culture locale (ce qui, concernant la pratique protestante, n'est le cas en France qu'en peu de régions : hors mis l'Alsace, notamment les Cévennes et la Drôme, et puis la Saintonge maritime...), plus de personnes se disent encore adhérents de cette religion par héritage ou par culture. Je conteste là le terme de Sébastien, qui parle de croyance par héritage, car pour une croyance il faut croire (en) quelque chose. Par contre, je partage son avis suivant, avec les grains de sel exposés ci-haut.
Et il me semble - à moi qu'on qualifie parfois de traditionaliste - qu'il y a lieu non pas de renforcer nos Églises respectives, mais de mettre des personnes en contact avec le CHrist et Son Évangile, peu importe qu'ils se fassent plus tard catholiques romains ou évangéliques baptistes.
Concernant la question du début du billet, il y a pour moi des questions de fond desquelles "on ne discute pas", à commencer par le fait que Dieu le Père n'est pas Dieu la Mère, et à continuer par le culte public dans un temple et non pas dans un endroit privé, jusqu'au couple obligatoirement formé d'un homme et une femme - et il y a des questions de forme où peut-être je ne serai pas à mon aise, mais qu'on peut prévoir assez librement. Dont le moyenâgeux.
Propositions pour La Nouvelle Évangélisation
Le synode sur La Nouvelle Évangélisation a commencé le 8 octobr, le cinquantenaire du concile Vatican II le 11 octob, il y a lieu de regretter que le concile n’ait pas rejeté le créationnisme.
#1 Il est clair que le récit de la création donné par la Bible et repris par le Coran, est contraire aux connaissances scientifiques acquises depuis 2 siècles.
L’univers a débuté par un Big Bang il y a 14 milliards d’années. Il n’a pas été créé en 6 jours. L’espèce humaine actuelle est le résultat de l’évolution très lente, étalée sur plusieurs millions de siècles, d’une longue suite d’espèces vivantes, qui se sont humanisées petit à petit devenant notre espèce actuelle homo sapiens dont les premiers vestiges remontent à 300 mille ans. Il n’y a pas eu tout à coup un unique premier couple humain. Le couple Adam et Ève n’a pas existé, il est légendaire.
Le récit de la Genèse est donc faux, mais cela n’exclut pas qu’il ait une valeur symbolique (la quelle ?). L’Église admet maintenant la théorie de l’évolution. Le pape l’a déclaré en octobre 1996, sur proposition de l’Académie pontificale des sciences.
L’homme n’a pas été créé d’un seul coup, dans une forme immuable. N’y a pas eu unique premier couple humain, immortel, sachant parler avec Dieu. Ni Paradis terrestre ni arbre de connaissance du bien et du mal. Dieu n’a sûrement pas interdit aux hommes cette connaissance, puisqu’il nous demande de faire le bien et de ne pas faire le mal. Il n’y a pas eu premier péché unique et énorme, sévèrement puni.
Faut abroger dogme du péché originel, héréditaire condamnant chaque être humain à l’enfer, et que seul le baptême pourrait effacer. Cela justifiait la formule néfaste « Hors de l’Église point de salut ».
Le philosophe catholique Vito Mancuso, dans un livre « De l'âme et de son destin » propose de réviser les fondamentaux théologiques, et de voir lesquels peuvent être conservés (et sous quelle forme), ce qui délesterait la théologie de tout le poids d’une vieille imagerie foisonnante, en particulier sur la création, l’enfer, le paradis, etc. Son livre a été approuvé et préfacé par le cardinal Carlo Maria Martini. Il faudrait que le synode mette en application ce programme.
Malheureusement tous les sermons qui parlent de la Genèse, disent encore : Adam a dit ou fait ci ou ça, de même Ève, le Serpent leur a parlé, ils ont mangé le fruit défendu. Caïn, qui a eu des enfants, aurait nécessairement pratiqué l’inceste avec sa mère ou une de ses sœurs !
Ces vielles habitudes, aux yeux de nos contemporains, sont ridicules ou repoussantes. Vont à l’encontre de l’évangélisation.
Encore 2 sujets sur lesquels le clergé devrait changer de discours :
#2 Les versets exécrables qui figurent dans Le lévitique (lapidez, tuez, brûlez...) sont-ils la parole de Dieu ? Non. Ce sont des paroles de Moïse, qui était convaincu d’exprimer la volonté de Dieu, mais qui s’est trompé lourdement. Jésus a rejeté ces lois cruelles, qui n’étaient pas de Dieu.
C’est pourquoi il est désastreux de proclamer « Parole de Dieu » après lecture des textes de la Bible. Il faut que le clergé supprime cette habitude fâcheuse, en la remplaçant par « Parole de la Bible », ou pour l’Évangile, par la réponse liturgique "Louange à toi Seigneur Jésus".
#3 Les 3 religions monothéistes ont-elles le même Dieu? Non, car: a) Dieu de l’Évangile est trinitaire, Dieu de l’islam ne l’est pas. b) Dieu de l’Évangile n’a pas dit : Coupez main des voleurs, tuez blasphémateurs, apostats, lapidez personnes adultères, faites guerre aux mécréants jusqu’à ce que la religion sainte triomphe partout dans le monde.
Faut arrêter de dire que les 3 religions, juive, chrétienne, musulmane ont même Dieu et que Coran et Évangile sont équivalents. Cette idée fausse est désastreuse et démobilise les chrétiens, car alors à quoi bon s’efforcer de vivre en chrétien, à quoi bon envoyer ses enfants au catéchisme ? D’autre part, aux yeux de beaucoup elle rabaisse le christianisme au rang d’une religion détestable, qui mérite de disparaître.
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