Les images qui se sont succédées ce soir au 20h de TF1 m'ont laissé songeur... on y est passé, sans transition pour reprendre l'expression consacrée, du président présentant ses vœux au corps diplomatique, à des milliers de manifestants musulmans dans divers pays du monde foulant aux pieds le drapeau de notre pays.
La rédaction avait choisi de diffuser un très court extrait des vœux présidentiels : "Les attentats de Paris sont une insulte à l'islam." Certes. Les manifestants musulmans de Jérusalem et de Karachi n'avaient pas l'air d'accord, car ils ont vu, eux, l'insulte ailleurs. Rachid Benzine, l'un des intellectuels musulmans qui militent pour une lecture du Coran laissant plus de place à la critique, sans doute non plus, lui qui estime dans La Croix de mercredi que ces violences ont tout de même quelque chose à voir avec l'islam. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que la majorité des musulmans les approuvent. Mais que des musulmans, qui ont une certaine lecture de leur tradition, les ont provoquées, que d'autres les soutiennent et les inspirent, et qu'il faut donc s'interroger sur cette interprétation, précisément, que des musulmans font de l'islam. Ce travail de mise en question, je ne vois pas d'où il pourrait venir sinon des musulmans eux-mêmes.
J'ai du mal, donc, de parler simplement d' "insulte à l'islam". Mais les musulmans sont sans aucun doute des victimes collatérales, comme ils le sont en Irak, en Syrie et ailleurs. Une digne maman musulmane confiait l'autre jour qu'elle se sentait maintenant dévisagée lorsqu'elle se promenait dans la rue. Je ne suis pas sûr qu'elle le soit vraiment plus qu'avant, mais je comprends son malaise. Il est sans aucun doute le même que celui des jeunes beurs de nos quartiers périphériques, dont tout le monde a noté la faible présence à la manifestation de dimanche.
Comment, alors éviter l'amalgame ? Coup de chance, je suis tombé sur un exemplaire d'un tout récent Que sais-je, écrit par la dijonnaise Anne-Clémentine Larroque : Géopolitique des islamismes. On y trouve, me semble-t-il, tout ce qu'il faut pour ne pas tout mélanger : la distinction à faire n'est pas entre islam et terrorisme, mais entre islam et islamisme, entre religion et idéologie. Une question nouvelle se pose alors, qui me paraît la seule méritant de l'être vraiment mais qui ouvre sur des abîmes d'autocritique : c'est celle de la véritable place pris par les mouvements islamistes, qu'ils soient ou non ouvertement soutiens du terrorisme chez nous ou au loin, dans les communautés musulmanes de France et d'Europe. Et, corrélativement, de leur compatibilité avec une société laïque comme la nôtre.
Le Blog du Curé
vendredi 16 janvier 2015
lundi 12 janvier 2015
Questions d´après : dialogue, laïcité, terrorisme, violence et religions.
Cloué au lit depuis mardi, je n'ai qu'une chose à faire : suivre les infos,
lire les articles et billets de blogs, répondre aux coups de fil d'amis
consternés par les récents événements et réfléchir à tout cela dans un recul
forcé. Comme me le disait hier une amie et paroissienne : maintenant, on est
obligés d'être intelligents. Sous-entendu : en parlant de l'islam, du dialogue
interreligieux, du terrorisme et de ce qui arrive à notre pays. Car le regard
porté sur tout cela change manifestement. On entend, ici ou là, triompher
discrètement ceux qui ont toujours considéré les musulmans comme indésirables
sur le territoire français, ceux qui s'en sont toujours méfiés. Le changement
était à l'œuvre depuis le battage fait autour des chrétiens d'Irak ; il s'est accentué,
dans ma paroisse, avec l'épisode tragique de la "voiture folle"
qui a fauché deux d'entre nous au sortir du concert de Noël au cri de Allahou
Akbar. Le mouvement n'est pas près de s'arrêter : il y aura bien un
avant-Charlie et un après-Charlie. Mais l'après-Charlie a commencé, en réalité,
avant Charlie.
Après la manif d’hier à Dijon, le groupe de dialogue entre chrétiens et
musulmans s’est retrouvé pour partager la traditionnelle galette des Rois. Je n’ai
pu participer à ce partage, mais j’imagine les questions et les remises en
cause que portent, pour les artisans du dialogue, les événements de cette
semaine.Que devient l'interreligieux, quand religion et idéologie sont à ce point mélangés ?
Tous ceux qui s'y sont investis le disent : le dialogue entre chrétiens et musulmans est devenu problématique de la part des chrétiens, alors que c'était plutôt eux qui en avaient l'initiative. Benoit XVI avait déjà posé des limites en semblant cantonner ce dialogue à sa dimension culturelle ; il devient courant, sinon légitime, de se demander si les conditions en sont vraiment réunies. Il ne faut pas ici chercher à convaincre les adversaires de ce dialogue qu'ils ont tort ; il faut prendre au sérieux leurs objections.
Mon repos forcé m'a permis de lire un article éclairant, paru sur le site Atlantico : une interview-dialogue entre un journaliste et deux personnes présentées comme des spécialistes de l'islam. Je n'aime guère le titre donné par les rédacteurs du site, qui me semble orienter les propos des interviewés. Ceux-ci (surtout le second, plus nuancé que le premier) font remarquer à juste titre que, s'il faut distinguer les musulmans de l'islamisme, s'il faut rappeler qu'être islamiste n'est pas forcément faire l'apologie du terrorisme, il ne faut pas non plus nier l'importance et l'influence des courants islamiques parmi les musulmans d'aujourd'hui, en France comme ailleurs. Or, l'islamisme n'est pas une religion, c'est une idéologie qui, sous couvert de religion, vise à transformer radicalement la société. Il faut dire avec force, et à nouveau, que cette question ne peut être traitée que par des musulmans, et non pas à un niveau "religieux" ou interreligieux. Le dialogue interreligieux, qui ne peut avoir lieu dans la confusion, peut aider à bien distinguer les domaines idéologique et religieux.
La notion de laïcité peut-elle résoudre les difficultés ?
En confondant religion et idéologie, l'islamisme doit être interrogé par la laïcité, qui oblige à séparer les deux. Or, c'est dans notre pays, pour qui la laïcité est si importante, que le terrorisme islamiste a frappé. Une autre question se pose donc : le concept de laïcité, du moins telle qu'il est entendu et vécu en France, est-il pertinent pour résoudre les difficultés dans lesquelles nous sommes ? Certes non, si ce qu'on entend par laïcité (et ce discours est extrêmement répandu, surtout parmi les jeunes) l'exclusion du religieux de l'espace public. Car vouloir faire disparaître les religions, c'est justement confondre religions et idéologies, et tomber dans l'un des pièges qui nous est tendu par l'islamisme. On me dira que ce n'est pas l'esprit, ni la lettre, de la loi de 1905. Certes, mais la manière dont les lois de laïcité sont appliquées et vécues au quotidien aboutit bien à une exclusion du religieux. Cela ne permet pas de comprendre de l'intérieur ce qui se passe dans les religions aujourd'hui, ni d'aborder sereinement les questions religieuses.
La laïcité se conjugue avec l'état de droit. Cela oblige à traiter de la même manière toutes les religions. Il est impossible, par exemple, de voter une loi sur le voile islamique ; cette loi doit concerner les signes religieux dans leur ensemble. Nous vivons ainsi dans l'idée abstraite que le christianisme est une religion comme les autres, dans une France désormais multi-confessionnelle. Or, d'une part, le christianisme, infiniment plus que d'autres religions, est aux racines de notre vie en société, et connaître cette religion-là donne des clés essentielles pour nous comprendre nous-mêmes, ainsi que le monde dans lequel nous vivons. D'autre part, toutes les religions ne sont pas en cause de la même manière dans les événements de cette semaine. En obligeant à traiter toutes les religions sur un pied d'égalité, notre laïcité empêche de considérer l'islamisme comme une question qui concerne au premier chef les musulmans. On ne peut certes pas se dispenser d'une réflexion globale sur les transformations du religieux et les nouvelles manières de croire qu'implique l'hyper-modernité ; mais c'est bien à l'islam, et non au christianisme, qu'est posée la question de l'islamisme. L'islamisme interroge jusqu'à la possibilité d'envisager un islam "laïc", c'est-à-dire perméable aux remises en causes et aux moqueries auxquelles le christianisme est accoutumé. La réponse apportée par la société française doit donc concerner l'islam, et non toutes les religions.
Enfin, la laïcité-sécularisation à la française se traduit par un effondrement du nombre de baptêmes et de personnes déclarant appartenir à une religion. Je ne crois pas me tromper, ni être particulièrement alarmiste, en disant que le développement de l'athéisme, en particulier dans les quartiers populaires, joue en faveur de l'islam. J'ignore si l'explication que je vois à ce phénomène est la bonne, mais j'ai constaté que christianisme et islam ne se développaient pas de la même manière. Devenir chrétien est d'abord une question de conviction. Devenir musulman est davantage une question de mode de vie. Ce que j'ai observé, depuis la fenêtre de mon précédent presbytère, c'est la difficulté de jeunes de quartiers populaires à ne pas devenir musulmans ; si on veut être ami avec un musulman, si on veut l'épouser et entrer dans sa famille (réalité ô combien plus importante que pour les chrétiens), il faut s'adapter à son mode de vie, à son régime alimentaire... Je ne dis pas qu'il est impossible de vivre avec un musulman en restant chrétien (je l'ai moi-même vécu pendant trois ans, et j'accueille en ce moment même au presbytère un étudiant musulman) ; mais si l'on n'est pas doté de convictions fortes, il est difficile de résister à une pression qui est d'ordre social, d'autant que la perte de convictions religieuses va de pair avec une perte de repères plus générale.
En quoi le terrorisme relève-t-il de la folie ?
Le terrorisme n'a pas qu'un seul visage. Il y a celui que nous montrent les auteurs de la tuerie de mercredi. Il y a aussi, pour reprendre l'expression d'Alain Bauer dans "La Croix" de vendredi, un "lumpen-terrorisme" au sens où Marx parlait du Lumpenproletariat : un terrorisme des pauvres, dans lequel la voiture ou le fusil de chasse remplacent avec autant d'efficacité les armes de guerre. Un terrorisme spontané, inorganisé certes mais qui trouve sa source dans les appels au meurtre lancés par Daesh et ses alliés, et qui s'enracine facilement dans des esprits perturbés. Pas de réseaux, pas de plan de bataille, la simple folie humaine manipulée par des esprits maléfiques.
Il n'y a pas, pour autant, un terrorisme "responsable" et des actes qui relèveraient de la simple folie. Certaines personnes, certes, ont besoin de recevoir des soins, ce qui les exonère de leur responsabilité. Mais il y a un autre type de folie, qui est le dévoiement de la raison et son exercice dans un contexte dénué de références morales. Lorsque les notions de bien et de mal disparaissent, la folie est là, d'autant plus dangereuse qu'elle n'est pas pathologique et ne peut donc être soignée. Ces notions transcendent les religions, dans le sens où elles ne sont pas le monopole d'une religion ou d'une autre, et sont donc également un lieu d'exercice du dialogue interreligieux. Ce même dialogue devrait être également l'occasion de prendre conscience du caractère universel, et non pas contingent, des normes morales.
Les religions sont-elles porteuses de violence ?
Enfin, les tueries de Charlie-Hebdo et de la porte de Vincennes ont fait resurgir la question que j'entends poser de manière très forte, surtout parmi les jeunes : les religions sont vecteurs de violence. C'est sur ce terreau que se développe la nouvelle conception de la laïcité comme cantonnement du religieux à l'espace strictement domestique : éliminons le religieux, nous ferons disparaître la violence. Il y a là, bien sûr, une forme d'ignorance historique, oubliant que les pires tueries du XX° siècle ont été l'œuvre de régimes athées. Ignorance spirituelle également, qui méconnaît l'importance accordée à l'amour et à la paix par les différentes traditions religieuses. Mais il y a là également une question à côté de laquelle aucune religion ne peut passer : la place de la violence dans ses textes sacrés. La violence est présente dans la Bible comme dans le Coran. Le traitement qui lui est réservé aujourd'hui n'est pas le même dans les deux traditions. Il importe donc que l'islam et le christianisme s'interrogent, ensemble et séparément, sur leur propre rapport à cette violence-là, et réussissent à s'enrichir de leurs approches différentes. Peut-être y a-t-il là une place, encore assez peu occupée, pour le dialogue interreligieux.
lundi 29 décembre 2014
Les malentendus de la vie spirituelle (1)
Aux funérailles de ce paroissien, on a lu de beaux textes bibliques, qui parlent d'espérance, de résurrection, de vie éternelle. Un ami du défunt prend la parole, au nom de tous les amis qui sont venus nombreux. La célébration bascule alors dans un autre univers, révèle d'autres croyances : il n'est plus question de résurrection de la chair ou de rencontre avec un Dieu personnel, mais de survie de l'âme dans un océan d'amour, de dissolution dans un grand tout chaleureux, d'ondes, d'esprits, de communion psychique...
Cet épisode, tous les prêtres l'ont vécu et le vivent au quotidien, particulièrement lors des célébrations à l'église. Certains demandent à voir d'avance le texte qui va être lu, et n'hésitent pas à le corriger ; d'autres (dont je suis) essayent de trouver les points d'achoppement qui vont permettre de parler du Dieu de Jésus-Christ. Mais il faut s'y résoudre : la vie spirituelle (que l'on préfère à un "religieux" éminemment suspect) est le lieu de la subjectivité la plus absolue. Chacun se fait sa petite sauce, et considère que l'affirmation d'un dogme quelconque est une atteinte à la liberté de conscience, qui vient conforter l'idée que les religions, particulièrement si elles sont monothéistes, engendrent de l'intolérance, voire de la violence. La vie spirituelle est le lieu de tous les malentendus.
Le premier de ces malentendus tient au vocabulaire. Le mot même de "spiritualité" semble porter en lui l'affirmation de la force de l'esprit sur la matière. Il sous-entend qu'il existe, quelque part, un monde immatériel, invisible, et que le divin relève de cette réalité-là. Le "royaume de Dieu", dont parle si souvent Jésus, n'est-il pas ce monde de l'esprit ? La vie spirituelle serait-elle une porte d'entrée dans cet autre univers ? Ne faut-il pas, pour y accéder, développer les forces insoupçonnées recelées par notre esprit, en s'aidant de sagesses millénaires que notre époque découvre avec fascination ?
Pour Jésus, pour l'Evangile, il y a bien, en l'homme, un esprit, une âme, une réalité qui dépasse ce qui est matériel et visible. Mais la vie spirituelle n'est pas la vie de cet esprit-là (le nôtre). Elle est la vie de l'Esprit-Saint en nous, ce qui n'est pas la même chose. Elle est accueil d'une réalité autre qui vient prendre chair en nous, s'y incarner au sens propre. A cet Esprit, l'homme est invité à donner sa propre chair : ce n'est plus nous qui décidons, c'est Dieu qui prend les commandes. La vie spirituelle consiste d'abord à faire toute sa place à l'Esprit-Saint, à nous laisser transformer par lui, à nous mettre à l'école de Dieu. Le christianisme, qui est ancré sur la prédication de Jésus, n'est pas un idéalisme ; il adopte au contraire la posture du réalisme le plus ingrat. Peut-être est-ce l'une des raisons qui le rendent si difficile à vivre.
Cet épisode, tous les prêtres l'ont vécu et le vivent au quotidien, particulièrement lors des célébrations à l'église. Certains demandent à voir d'avance le texte qui va être lu, et n'hésitent pas à le corriger ; d'autres (dont je suis) essayent de trouver les points d'achoppement qui vont permettre de parler du Dieu de Jésus-Christ. Mais il faut s'y résoudre : la vie spirituelle (que l'on préfère à un "religieux" éminemment suspect) est le lieu de la subjectivité la plus absolue. Chacun se fait sa petite sauce, et considère que l'affirmation d'un dogme quelconque est une atteinte à la liberté de conscience, qui vient conforter l'idée que les religions, particulièrement si elles sont monothéistes, engendrent de l'intolérance, voire de la violence. La vie spirituelle est le lieu de tous les malentendus.
Le premier de ces malentendus tient au vocabulaire. Le mot même de "spiritualité" semble porter en lui l'affirmation de la force de l'esprit sur la matière. Il sous-entend qu'il existe, quelque part, un monde immatériel, invisible, et que le divin relève de cette réalité-là. Le "royaume de Dieu", dont parle si souvent Jésus, n'est-il pas ce monde de l'esprit ? La vie spirituelle serait-elle une porte d'entrée dans cet autre univers ? Ne faut-il pas, pour y accéder, développer les forces insoupçonnées recelées par notre esprit, en s'aidant de sagesses millénaires que notre époque découvre avec fascination ?
Pour Jésus, pour l'Evangile, il y a bien, en l'homme, un esprit, une âme, une réalité qui dépasse ce qui est matériel et visible. Mais la vie spirituelle n'est pas la vie de cet esprit-là (le nôtre). Elle est la vie de l'Esprit-Saint en nous, ce qui n'est pas la même chose. Elle est accueil d'une réalité autre qui vient prendre chair en nous, s'y incarner au sens propre. A cet Esprit, l'homme est invité à donner sa propre chair : ce n'est plus nous qui décidons, c'est Dieu qui prend les commandes. La vie spirituelle consiste d'abord à faire toute sa place à l'Esprit-Saint, à nous laisser transformer par lui, à nous mettre à l'école de Dieu. Le christianisme, qui est ancré sur la prédication de Jésus, n'est pas un idéalisme ; il adopte au contraire la posture du réalisme le plus ingrat. Peut-être est-ce l'une des raisons qui le rendent si difficile à vivre.
mercredi 24 décembre 2014
Voeux pour noël
En ce soir de Noël, alors que la paroisse va se rassembler pour célébrer la naissance du Seigneur, je pense particulièrement à :
- Maurice et Catherine, sur leur lit d'hôpital depuis qu'ils ont été renversés dimanche soir par un fou
- Colette, qui va demain, comme tous les jours, se lever aux aurores pour porter du pain aux quelque cent cinquante réfugiés logés dans un squatt près de chez elle
- Catherine, infatigable visiteuse de malades, elle aussi sur son lit d'hôpital
- La famille de la jeune fille que l'on a trouvée morte un matin d'automne ensoleillé sous le kiosque en face de chez moi
- Cette jolie petite fille blonde de deux ans, qui dort avec ses parents au 115 et va demain, comme tous les matins, devoir quitter les lieux pour trouver refuge chez des gens compatissants
mardi 23 décembre 2014
De fou de Dieu à fou tout court.
L'actualité me donne envie de me remettre à écrire.
Dimanche soir, sur la place où se trouvent mon église et le presbytère où j'habite, un fou (de Dieu ?) au volant de sa voiture a grièvement blessé deux paroissiens qui venaient de finir de ranger l'église, après le concert de Noël qu'ils avaient organisé. Le véhicule a terminé sa course folle en faisant neuf autres victimes dans les rues du centre qui commençaient à se vider de leurs chalands dominicaux. L'homme portait la djellabah toute neuve que sa vieille maman lui avait achetée la semaine précédente, a crié Allahou Akbar et fait allusion à la souffrance des enfants palestiniens.
On en sait aujourd'hui plus sur lui : une maladie mentale grave et ancienne, un intérêt soudain manifesté pour l'islam, une compassion extrême et excessive pour les enfants victimes des guerres dans les pays du Proche et du Moyen-Orient. La procureure, qu'on imagine sous une pression augmentée par la présence sur place de deux poids lourds du gouvernement, n'a pas estimé devoir qualifier les faits d'acte de terrorisme (ce qui aurait entraîné la saisine du parquet anti-terroriste, et la possibilité de mener une enquête approfondie).
La veille, un autre homme, sans doute tout aussi déséquilibré, a agressé des policiers près de Tours. Il s'agit ici de terrorisme, du moins cette conclusion a-t-elle été tirée au vu de l'activité que le meurtrier avait déployée sur Internet, et des liens de son frère avec l'islam radical.
On imagine que la qualification des faits a été influencée par des motifs qui leur sont extérieurs : souci de ne pas dramatiser la situation à Dijon, cibles policières à Joué-lès-Tours ainsi que le suggère un intéressant article du Figaro. Le tourangeau a été manifestement en lien avec la nébuleuse islamiste, ce qui n'était pas le cas du dijonnais. Il n'empêche : ainsi que le relève la sénatrice Esther Benbassa (@EstherBenbassa) : "Les derniers actes à Dijon et à Nantes rappellent les fièvres messianiques d'antan auxquelles les personnes fragiles ont toujours été perméables." Ce qui est en cause est, tout autant que la maladie mentale, l'incontestable fait que des leaders religieux appellent à la violence, et que ces appels trouvent un écho dans des consciences troublées.
De quelle fragilité s'agit-il au juste ? et de quelle conscience ?
A Dijon, le problème est celui de la conscience au sens psychiatrique du terme. Mais ailleurs, il s'agit de conscience morale : les jeunes gens qui partent faire la guerre ont manifestement perdu le sens du bien et du mal. J'en rencontre quelques-uns, chrétiens ou musulmans, qui souffrent de cette disparition des repères ordinaires ; ils ont un travail, une famille, des amis, et il leur arrive de tenir avec conviction des propos délirants - les hommes ne sont jamais allés sur la Lune, les attentats du 11 septembre n'ont jamais eu lieu... Tout est manipulation, tantôt sioniste, tantôt états-unienne. Ils accordent le plus grand intérêt aux propos d'Eric Zemmour et aux provocations de Dieudonné. Impossible de les faire changer d'avis. L'éclipse de la conscience morale est aussi (et peut-être d'abord) une éclipse de la raison. Elle est donc une forme de folie, que l'on ne soigne pas dans les hôpitaux. C'est elle, autant que la maladie mentale, qui fait le lit des violences de demain.
Dimanche soir, sur la place où se trouvent mon église et le presbytère où j'habite, un fou (de Dieu ?) au volant de sa voiture a grièvement blessé deux paroissiens qui venaient de finir de ranger l'église, après le concert de Noël qu'ils avaient organisé. Le véhicule a terminé sa course folle en faisant neuf autres victimes dans les rues du centre qui commençaient à se vider de leurs chalands dominicaux. L'homme portait la djellabah toute neuve que sa vieille maman lui avait achetée la semaine précédente, a crié Allahou Akbar et fait allusion à la souffrance des enfants palestiniens.
On en sait aujourd'hui plus sur lui : une maladie mentale grave et ancienne, un intérêt soudain manifesté pour l'islam, une compassion extrême et excessive pour les enfants victimes des guerres dans les pays du Proche et du Moyen-Orient. La procureure, qu'on imagine sous une pression augmentée par la présence sur place de deux poids lourds du gouvernement, n'a pas estimé devoir qualifier les faits d'acte de terrorisme (ce qui aurait entraîné la saisine du parquet anti-terroriste, et la possibilité de mener une enquête approfondie).
La veille, un autre homme, sans doute tout aussi déséquilibré, a agressé des policiers près de Tours. Il s'agit ici de terrorisme, du moins cette conclusion a-t-elle été tirée au vu de l'activité que le meurtrier avait déployée sur Internet, et des liens de son frère avec l'islam radical.
On imagine que la qualification des faits a été influencée par des motifs qui leur sont extérieurs : souci de ne pas dramatiser la situation à Dijon, cibles policières à Joué-lès-Tours ainsi que le suggère un intéressant article du Figaro. Le tourangeau a été manifestement en lien avec la nébuleuse islamiste, ce qui n'était pas le cas du dijonnais. Il n'empêche : ainsi que le relève la sénatrice Esther Benbassa (@EstherBenbassa) : "Les derniers actes à Dijon et à Nantes rappellent les fièvres messianiques d'antan auxquelles les personnes fragiles ont toujours été perméables." Ce qui est en cause est, tout autant que la maladie mentale, l'incontestable fait que des leaders religieux appellent à la violence, et que ces appels trouvent un écho dans des consciences troublées.
De quelle fragilité s'agit-il au juste ? et de quelle conscience ?
A Dijon, le problème est celui de la conscience au sens psychiatrique du terme. Mais ailleurs, il s'agit de conscience morale : les jeunes gens qui partent faire la guerre ont manifestement perdu le sens du bien et du mal. J'en rencontre quelques-uns, chrétiens ou musulmans, qui souffrent de cette disparition des repères ordinaires ; ils ont un travail, une famille, des amis, et il leur arrive de tenir avec conviction des propos délirants - les hommes ne sont jamais allés sur la Lune, les attentats du 11 septembre n'ont jamais eu lieu... Tout est manipulation, tantôt sioniste, tantôt états-unienne. Ils accordent le plus grand intérêt aux propos d'Eric Zemmour et aux provocations de Dieudonné. Impossible de les faire changer d'avis. L'éclipse de la conscience morale est aussi (et peut-être d'abord) une éclipse de la raison. Elle est donc une forme de folie, que l'on ne soigne pas dans les hôpitaux. C'est elle, autant que la maladie mentale, qui fait le lit des violences de demain.
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