mardi 23 décembre 2014

De fou de Dieu à fou tout court.

L'actualité me donne envie de me remettre à écrire.

Dimanche soir, sur la place où se trouvent mon église et le presbytère où j'habite, un fou (de Dieu ?) au volant de sa voiture a grièvement blessé deux paroissiens qui venaient de finir de ranger l'église, après le concert de Noël qu'ils avaient organisé. Le véhicule a terminé sa course folle en faisant neuf autres victimes dans les rues du centre qui commençaient à se vider de leurs chalands dominicaux. L'homme portait la djellabah toute neuve que sa vieille maman lui avait achetée la semaine précédente, a crié Allahou Akbar et fait allusion à la souffrance des enfants palestiniens.

On en sait aujourd'hui plus sur lui : une maladie mentale grave et ancienne, un intérêt soudain manifesté pour l'islam, une compassion extrême et excessive pour les enfants victimes des guerres dans les pays du Proche et du Moyen-Orient. La procureure, qu'on imagine sous une pression augmentée par la présence sur place de deux poids lourds du gouvernement, n'a pas estimé devoir qualifier les faits d'acte de terrorisme (ce qui aurait entraîné la saisine du parquet anti-terroriste, et la possibilité de mener une enquête approfondie).

La veille, un autre homme, sans doute tout aussi déséquilibré, a agressé des policiers près de Tours. Il s'agit ici de terrorisme, du moins cette conclusion a-t-elle été tirée au vu de l'activité que le meurtrier avait déployée sur Internet, et des liens de son frère avec l'islam radical.

On imagine que la qualification des faits a été influencée par des motifs qui leur sont extérieurs : souci de ne pas dramatiser la situation à Dijon, cibles policières à Joué-lès-Tours ainsi que le suggère un intéressant article du Figaro. Le tourangeau a été manifestement en lien avec la nébuleuse islamiste, ce qui n'était pas le cas du dijonnais. Il n'empêche : ainsi que le relève la sénatrice Esther Benbassa (@EstherBenbassa) : "Les derniers actes à Dijon et à Nantes rappellent les fièvres messianiques d'antan auxquelles les personnes fragiles ont toujours été perméables." Ce qui est en cause est, tout autant que la maladie mentale, l'incontestable fait que des leaders religieux appellent à la violence, et que ces appels trouvent un écho dans des consciences troublées.

De quelle fragilité s'agit-il au juste ? et de quelle conscience ?

A Dijon, le problème est celui de la conscience au sens psychiatrique du terme. Mais ailleurs, il s'agit de conscience morale : les jeunes gens qui partent faire la guerre ont manifestement perdu le sens du bien et du mal. J'en rencontre quelques-uns, chrétiens ou musulmans, qui souffrent de cette disparition des repères ordinaires ; ils ont un travail, une famille, des amis, et il leur arrive de tenir avec conviction des propos délirants - les hommes ne sont jamais allés sur la Lune, les attentats du 11 septembre n'ont jamais eu lieu... Tout est manipulation, tantôt sioniste, tantôt états-unienne. Ils accordent le plus grand intérêt aux propos d'Eric Zemmour et aux provocations de Dieudonné. Impossible de les faire changer d'avis. L'éclipse de la conscience morale est aussi (et peut-être d'abord) une éclipse de la raison. Elle est donc une forme de folie, que l'on ne soigne pas dans les hôpitaux. C'est elle, autant que la maladie mentale, qui fait le lit des violences de demain.

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