Saïd et Bertrand : intégrisme et modernité.
Saïd a vingt ans ; il est né en Algérie, où son père était fonctionnaire des chemins de fer et sa mère directrice de la poste municipale d'une petite ville. Arrivé en France à l'âge de huit ans, il est maintenant français. Il lui a fallu changer de monde, apprendre et étudier dans une langue inconnue, affronter la baisse de niveau de vie de ses parents : son père est devenu ouvrier dans le bâtiment, sa mère femme de ménage, ils sont aujourd'hui tous les deux au chômage. Lui qui était un bon élève, qui s'intéresse à la culture, à l'art, il va passer un bac pro à la fin de l'année, après un BEP. Il fréquente un groupe de jeunes très fondamentalistes, liés à un imam en rupture de ban avec la communauté musulmane du quartier. Il ne boit pas d'alcool, fait le ramadan, prie tous les jours, et fume du haschich dont il fait parfois le commerce pour dépanner des voisins.
Bertrand n'est guère plus âgé. Son univers s'est écroulé lors du divorce de ses parents : à quinze ans, il s'est retrouvé en queue de classe, contraint par les difficultés financières liées à la séparation familiale à changer de lycée, de maison, de quartier... Il a arrêté ses études, travaillé tôt pour aider sa mère. C'est le scoutisme (d'Europe) qui lui a permis de garder un équilibre personnel et un minimum de discipline de vie. Il est l'un des fidèles de la paroisse intégriste de Dijon, et vit maritalement avec Sophie, en attendant de pouvoir l'épouser quand sa situation professionnelle se sera stabilisée.
Pour l'un comme pour l'autre, l'intégrisme n'a pas été un refus de la modernité. Il en a été à la fois la conséquence, et la possibilité pour eux d'en contrecarrer les effets négatifs. Mais ils en restent, l'un et l'autre, de purs produits, par le particularisme de leurs choix apparemment contradictoires.
1 commentaire:
Les engagements religieux intégristes sont souvent une quête de stabilité et de racines dans un monde en pleine relativisation des moeurs, complément totalement corrélé aux ... dérèglementations libérales.
Dans un système qui met en concurrence les travailleurs (libéralisme) et déresponsabilise, infantilise les consommateurs (libertarisme), la seule porte ouverte est l'extremisme religieux! On vit dans un monde extrêmement agressif pour l'esprit (massification & pornocratisation de la publicité, télévision débilitante, culte de la flexibilité...).
Et le pire de l'histoire, c'est que ce sont les gouvernants qui favorisent cette dynamique intégriste, en remplaçant les anciennes solidarités de classe par l'incitation aux solidarités religieuses (cf. le bouquin de Sarkozy sur les religions). Le repli sur soi religieux et communautaire est la seule réponse de millions de gens marginalisés et interdits d'engagement politique classique.
C'est en sens que j'ai un grand respect pour le Pape actuel. Il est un des rares dirigeants à avoir compris les dérèglements produits par la société libertaire et ses dynamiques régressives...
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