Les catholiques français et les évolutions de la société : une nouvelle enquête de BVA, publiée avant-hier par Le Parisien, vient de mesurer l'adhésion des catholiques aux réformes de société. Quelques mots d'introduction donnent le ton : 91% des catholiques (63% des pratiquants) sont favorables au droit à l'IVG, 74% à la PMA (58% des pratiquants), 54% au mariage de couples homosexuels (37% des pratiquants)...
Qu'une réforme institutionnellement adoptée soit plus facile à accepter, soit. Que l'ensemble des catholiques ne soit pas aussi fondamentalement opposé aux réformes de société qu'on a pu le penser, je le mesure tous les jours à travers les rencontres ordinaires de la vie paroissiale. Ces rencontres donnent l'impression d'une Eglise beaucoup plus ouverte que les caricatures entendues ici ou là ne le laissent supposer. L'immense majorité des catholiques vit dans des situations familiales et sociales similaires à celles de tous les Français.
Cela ne dispense pas de s'interroger sur le degré de crédibilité à accorder à un tel sondage.
Première question : les personnes interrogées. Il y en a eu 994. Parmi elles, 8% de pratiquants réguliers, soit 80 personnes. Ce sont elles qui parlent au nom des cinq millions de Français qui vont à la messe le dimanche. Les chiffres se passent ici de commentaires.
Deuxième question : qu'est-ce qu'un pratiquant "régulier" ? "Occasionnel" ? "Non pratiquant" ? Depuis les enquêtes des années 1950 orchestrées par le chanoine Boulart, c'est la fréquentation de la messe le dimanche qui a servi à évaluer la place du catholicisme dans la société française. En trois quarts de siècle, la France et l'Eglise ont changé, les manières de croire se sont bouleversées. La pratique dominicale n'est plus qu'une des dimensions permettant de mesurer la vitalité de l'Eglise dans notre pays. Une enquête nationale ne permet pas, en outre, de prendre en compte la variété des situations locales, la différence qui se creuse entre rural et urbain, et surtout la réalité d'un sentiment d'appartenance à l'Eglise, forcément diffus, sinon ambigu.
Troisième remarque, les questions posées ("Approuvez-vous ou désapprouvez-vous le droit à l'IVG ? Le droit au mariage pour les couples homosexuels ? Le droit à l'adoption pour ces mêmes couples ?") ne donnent pas dans la nuance. Elles ne font que mettre en évidence le manque de connaissance des éléments essentiels du débat : ainsi, à strictement parler, il n'y a toujours pas dans notre pays de droit à l'IVG ; de même, on ne peut pas être partisan du mariage entre personnes de même sexe en leur refusant le droit d'adopter.
Conclusion : on attend toujours la vraie enquête sur l'opinion des catholiques de France... Une enquête au cours de laquelle seraient menés de véritables entretiens, et non pas posées une dizaine de questions auxquelles on ne peut raisonnablement pas simplement répondre par "Oui" ou "Non". Une enquête qui commencerait par la constitution d'un échantillon vraiment représentatif du catholicisme dans sa diversité. Une enquête, enfin, qui admettrait que l'on ne peut pas sonder l'insondable : la foi, et les convictions éthiques profondes des uns et des autres.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire