jeudi 26 novembre 2009

Les écolos-cathos.

Ecolos-cathos : la formule est bien trouvée, elle nous vient de Guillaume de Prémare et de son blog qui porte le souci de faire connaître la face cachée de l'Eglise catholique, c'est-à-dire tout ce qu'elle fait de positif et dont on ne parle pas.

Les chrétiens se préoccupent d'écologie, et ce n'est pas nouveau, puisque ça dure depuis le récit de la Genèse, qui présente l'homme (et la femme) comme les jardiniers du monde que Dieu leur confie. Un récit qui nous parle d'une harmonie originelle, détruite par un acte humain : on n'est vraiment pas loin des interrogations actuelles sur la responsabilité de l'homme dans les évolutions géologiques, biologiques et climatiques. Il trouve son prolongement dans les paraboles de Jésus, si souvent situées dans le monde rural, et tout près de nous dans les catéchèses des évêques français, de Jean-Paul II et de Benoît XVI, sans parler de la dynamique ouverte par le Conseil oecuménique des Eglises à Graz en 1997.

A Dijon, un événement important sur ce thème aura lieu sur le parvis de l'église Notre-Dame ; en plein centre ville et dans l'agitation des jours précédant Noël, le collectif "Noël autrement" y proposera pour la deuxième année une animation aux centaines de touristes et de croyants qui entrent dans cette église, la plus visitée de Dijon.

samedi 21 novembre 2009

Faire du chiffre.

L'obsession du chiffre est partout, et pas seulement dans le monde de l'économie. Elle vient de se traduire d'une manière dramatique à Dijon, dans une affaire qui fait de plus en plus causer : l'expulsion d'une famille géorgienne, membre d'une minorité persécutée dans son pays, de l'hôtel dijonnais dans lequel elle était hébergée. Il faut en faire, des expulsions, pour atteindre le chiffre de 29 000 par an exigé par les services de l'Etat.

Voici quelques lignes écrites par un témoin :
Une bonne partie des personnes présentes se rassemblent devant les portes de l’hôtel, mais les gendarmes entrent en force. Il est insupportable de voir dans la nuit cette famille (père, mère, un enfant de 2 ans et deux enfants de 8 et 11 ans, scolarisés au collège des Lentillères) monter dans le fourgon de la gendarmerie, direction le centre de rétention avec un retour quasi certain en Géorgie, après leur renvoi en Pologne. L’une des personnes présentes caresse la tête du petit de deux ans avant qu’il ne disparaisse ; j’espère que ce sera son seul souvenir de la France, jadis terre d’asile.
 Arrivés à l'aéroport, pour contraindre les adultes à monter dans l'avion, on y a embarqué de force les enfants en menaçant leurs parents de les renvoyer seuls vers la Pologne, pays dans lequel ils avaient eu l'audace de pénétrer pour entrer dans l'Union européenne.

Petit nouveau dans le monde des blogues.



Ecclesia21.fr : une adresse à faire figurer d'urgence dans vos favoris... Le blog lancé par le diocèse de Dijon, pour préparer le rassemblement diocésain du même nom qui portera sur le renouveau de la catéchèse, le 27 février à l'église Sainte-Bernadette, attend désormais vos commentaires et vos articles !

jeudi 19 novembre 2009

2012, châtiment ou rédemption ?

Coïncidence ? La sortie du dernier film-catastrophe de Columbia Pictures a lieu au moment où la liturgie de l'Eglise catholique nous fait lire les récits apocalyptiques de l'Ecriture. C'est aussi le moment choisi par la revue Biblia pour publier un excellent dossier sur l'Apocalypse, signé Jacques Descreux. A la lecture de ces pages érudites mais accessibles à tous, on remisera au placard les fantasmes millénaristes pour découvrir un texte finalement méconnu, qui parle d'abord d'espérance et de salut, et qui surtout nous fait poser une question essentielle : quel regard les croyants doivent-ils porter sur le monde dans lequel ils vivent ? Car tel est le propos de cet ouvrage, écrit vers la fin du premier siècle par un disciple du Christ en exil quelque part dans une île de Méditerranée : les chrétiens n'y sont pas persécutés, mais ils vivent dans l'attente d'un autre monde, une attente qui leur fait voir d'un oeil pessimiste la société de leur époque. Au même moment, un autre auteur, qui signe du nom de Paul, écrit des lettres dans lesquelles il encourage plutôt le compromis avec ce monde.



Les lettres de Paul, l'Apocalypse de Jean, ont été recueillies dans le Nouveau Testament et sont considérées par les chrétiens comme parole de Dieu. Elles nous renvoient à ces deux manières d'envisager la relation de l'Eglise et du "monde" chez les chrétiens d'aujourd'hui : les uns seront soucieux d'accueillir la réalité telle qu'elle est, pour le meilleur et pour le pire, et tenteront d'y apporter le ferment de l'Evangile ; les autres préfèreront se mettre à l'écart et proposer d'autres manières de faire et de penser.

samedi 14 novembre 2009

Courrier des lecteurs : que faut-il faire pour être sauvé ?


A nouveau, un commentaire qui demande une réponse publique. Voici la question qui m'est posée par Alice :
Je souhaiterais vous contacter au sujet de la vie après la mort, du problème du Jugement Dernier durant lequel apparemment très peu seront sauvés... Je souhaiterais savoir ce qu'il faut faire ou être pour être sauvés, d'après mes lectures seul le peuple Juif sera sauvé alors que nous sommes tous enfants de Dieu, non? Dieu nous aime n'est-ce-pas? Pourquoi veut-Il nous punir de la sorte dans ce cas? De plus, qu'en sera t'il de nos familles, des êtres qui nous sont chers, devrons nous les voir être condamnés si toutefois nous sommes sauvés? Tout ceci me décourage énormément, je ne comprends plus rien...
D'abord, la question "que faut-il faire pour être sauvé ?" : elle est posée par le jeune homme riche à Jésus, par exemple en Luc 18, 18-23. La réponse de Jésus tient en deux phrases : d'abord, obéir aux commandements (tu ne tueras pas, tu ne voleras pas...) ; ensuite, suivre Jésus en se détachant de ce qui encombre, et en particulier des richesses. A chacun d'adapter, dans sa vie personnelle, ce dernier conseil, qui ne signifie pas le détachement absolu (impossible humainement et même nuisible), mais la priorité donnée à la suite de Jésus dans tout ce que nous faisons.

Ensuite, qui peut être sauvé ? La question est posée par les disciples dans la suite de l'histoire (Luc, 18, 26-27), et la réponse donnée par Jésus est la suivante : "Ce qui est impossible pour les hommes est possible pour Dieu". Les hommes condamnent, et nous nous condamnons nous-mêmes, car nous avons du mal à accepter nos échecs ; Dieu, lui, ne condamne pas, il sauve et ne fait que ça. Le problème est que nous  lisons souvent la parole de Dieu comme une parole de condamnation, parce que cela rejoint notre propre manière de penser et sans doute aussi cela conforte nos fantasmes. L'idée que "seul le peuple juif sera sauvé" est absente de l'Évangile, autant que je sache. Et quand il y a un dénombrement à ce sujet, par exemple dans l'Apocalypse (7,4), il s'agit de chiffres symboliques (144 000, c'est 12 fois 12 fois 1000) et non réels, et d'ailleurs ce chiffre est complété par un autre : "une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes races, peuples, nations" (Apocalypse 7, 9) qui indique bien l'infinité de l'amour de Dieu et le fait qu'il n'y a pas que des juifs parmi les élus.

Enfin, dans le mot "jugement" il y a d'abord le mot "juste". Que Dieu nous juge signifie qu'il nous rend juste, qu'il nous "ajuste" à ce qu'il attend de nous ; cela veut dire aussi qu'il rétablit la justice, par rapport à un monde dans lequel cette même justice est souvent défaillante. "Jugement" ne veut donc pas dire simplement condamnation.

samedi 7 novembre 2009

Baptêmes.

Un commentaire en forme de question me donne l'idée d'un petit billet sur le baptême. Un billet qui va prendre l'allure d'une mise au point ? Bon, si ça peut remettre quelques pendules à l'heure, après tout..

D'abord, bien sûr, une petite histoire, racontée par la responsable de l'équipe baptême de mon ancienne paroisse. Elle demandait à des parents si le parrain choisi pour leur enfant était bien baptisé ; réponse de la mère : "Je ne sais plus si c'est à la mairie ou à l'église, mais oui il est baptisé"... Merci à la République qui en rajoute encore à la confusion dans laquelle sont plongées bien des familles, en réinstaurant une pratique destinée à l'origine à déchristianiser la France et à développer le culte de la déesse Raison (elle remonte à l'année 1794). Le portail très officiel de l'administration prétend qu'il s'agit de "faire adhérer l'enfant de manière symbolique aux valeurs républicaines", et un autre portail fort bien référencé prétend y voir "un bon compromis quand les parents sont de religions différentes". Mais les uns et les autres sont contraints de dire la vérité : cet acte n'a aucune valeur juridique (alors que bien des parents s'imaginent que les parrains et marraines seront là pour s'occuper de l'enfant en cas de besoin), et les maires ne sont même pas obligés de le pratiquer. Le terme même de "baptême" est complètement ridicule : il signifie "plongeon" et fait référence à l'eau que l'on verse, à l'église, sur la tête du nouveau chrétien, il ne saurait donc être appliqué à cette coutume, sauf à vouloir piller l'Église catholique jusque dans son patrimoine symbolique le plus précieux.

Le baptême (je ne précise pas "baptême chrétien", puisqu'après tout à ma connaissance il n'y a que celui-ci) a un autre sens : il est, comme tout sacrement, une rencontre avec Dieu ; c'est de cette rencontre que naît la foi. Il ne s'agit donc pas d'adhérer à des valeurs, ou d'entrer dans l'Église, en tout cas il ne s'agit pas d'abord de cela. Il s'agit de foi, c'est-à-dire d'expérience de Dieu. Dans l'Eglise, le lieu privilégié de cette expérience est la vie sacramentelle : des rites, accompagnés de paroles, par lesquels la vie de Dieu va prendre forme dans une personne humaine.

Plus profondément, je m'interroge sur le bien-fondé des encouragements accordés par nos édiles à ce genre de démarches. Le raisonnement est le suivant : les grands moments de la vie (naissance, mariage, décès) doivent être marqués de manière forte et symbolique. Or, bien des gens ne sont plus chrétiens. Pourquoi ne pas développer des rituels civils, ou plutôt "républicains", c'est-à-dire non seulement sans Dieu mais à caractère officiel ? On n'est pas loin, ici, de la religion civique. Et donc d'une confusion que je trouve regrettable entre la vie des citoyens et leurs convictions religieuses personnelles. On a connu ça, il y a longtemps : c'était le culte impérial tel qu'il était pratiqué à Rome, et tel qu'il est dénoncé par exemple dans le livre de l'Apocalypse. Le christianisme d'abord, les Lumières ensuite, nous ont libérés de ces tentations totalitaires. Doit-on y revenir, sous prétexte que des gens sont à nouveau en quête de repères et que les religions sont à nouveau suspectes ?

vendredi 6 novembre 2009

Perte de repères devant la mort.

Lundi 2 novembre, jour des défunts. A la messe ce soir-là, une assistance moins fournie que d'habitude, mais j'y retrouve un certain nombre de paroissiens à la porte desquels la mort a frappé plus souvent qu'à son tour. Il y a là, en particulier, beaucoup de parents qui ont eu la douleur de perdre un enfant. Ce deuil-là ne se fait jamais ; ils viennent donc avec des questions qui n'ont pas reçu de réponse.

Le deuil est un chemin sur lequel on avance sans savoir où il nous mène. On y fait une expérience terrible et fondamentale : nul n'est maître de sa propre vie. Il ne s'agit pas de la vie de celui qui n'est plus, mais de celle de l'endeuillé, tout-à-coup précipité dans une tempête qui peut aller jusqu'à lui faire perdre la maîtrise du fragile esquif dans lequel il se meut. La mort est un formidable coup d'accélérateur dans la vie de ceux qui restent, une embardée qui nous fait comprendre que nous ne sommes pas seuls aux commandes.

Là-dessus, l'Eglise est étonnamment discrète. Elle pourrait en profiter pour asséner des certitudes, dresser la fresque magnifique de la béatitude des élus et le tableau terrifiant du jugement ; elle aime mieux écouter, accompagner, pleurer avec. Aux dogmes, elle préfère les conseils ; plutôt que de parler, elle agit.

Devant la mort, il faut faire. A chaque fois que je célèbre des funérailles, je pense au livre d'Henri Laborit, Eloge de la fuite, dont Alain Resnais avait tiré un film remarquable : ce qui est épouvantable dans l'inconnu, c'est de se sentir impuissant. C'est là que les chrétiens (je précise : les catholiques) ont quelque chose à dire. En quelques mots, ce soir du 2 novembre, je rappelle toujours ce que le christianisme a changé dans l'approche de la mort : les nécropoles sont devenues des cimetières (c'est-à-dire des dortoirs), les défunts ont été mis en terre pour évoquer le grain de blé de l'Evangile et la plante de Paul, allongés sur le dos comme pour un sommeil. La célébration a lieu en présence du corps, ce qui signifie la foi en la résurrection de la chair. Quant aux morts, ils continuent à faire partie de cette communion des saints qu'est l'Eglise, et c'est la raison pour laquelle nous continuons à prier pour eux. La liturgie de l'Eglise, qui se poursuit jusqu'à l'inhumation, agit comme un message subliminal, plus fort que tous les discours que l'on peut tenir.

Plus que des repères, donc, la célébration des obsèques chrétiennes est une invitation à entrer, avec tout ce que nous sommes et pas seulement nos pensées, dans l'univers de l'espérance. Et c'est bien là, aujourd'hui, que les questions se posent : car les repères disparaissent, et sont remplacés par nos représentations subjectives et contradictoires, avec l'encouragement de sociétés de pompes funèbres qui n'ont qu'un souci, satisfaire leurs clients. Allons au supposé moins cher (la crémation), au plus rapide (la célébration dans une funeral home), au moins traumatisant (on laissera les enfants à la maison pour ne pas leur faire peur). Quant à la prière pour les défunts, à quoi bon puisque de toute façon ils sont morts et on ne peut plus rien pour eux. La mort est mal partie.