samedi 29 novembre 2008

Petit précis de guerre africaine : les forces en présence.

Il n'est pas facile de se repérer dans le maquis des forces qui prennent part aux guerres d'Afrique centrale. On y trouve :
  • L'armée congolaise, souvent appelée FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo). Cette armée bénéficie du soutien et de la formation de l'armée angolaise, aguerrie par des années de conflits internes.
  • Des armées nationales : Alliées du Congo (Angola, Zimbabwe, Namibie, et à des degrés moindres Lybie, Tchad et Soudan) ; Ennemies du Congo : Rwanda, Burundi, Ouganda.
  • Des mouvements rebelles congolais, sur lesquels s'appuient les parties en présence :
  1. Les Interahamwe sont les milices hutues qui se sont enfuies du Rwanda après le génocide de 1994 et réfugiées en RDC.
  2. Les Banyamulenge, milices "tutsies" qui soutiennent les Rwandais au sein du RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie).
  3. Les Maï-Maï, milices d'autodéfense hutues proches du gouvernement congolais.
  • Le contingent de l'ONU, appelé MONUC.
A l'exception de la MONUC, ces troupes ne sont pas payées -ou très mal - par les gouvernements qui les engagent. Elles ne vivent donc que du pillage et de l'exploitation des ressources locales (forêts, animaux - dont les grands singes des parcs nationaux, mines), ce qui explique pourquoi la guerre est aussi dévastatrice.

Lorsque la deuxième guerre du Congo prend fin, un nouveau personnage entre en scène : Laurent Nkunda, officier de l'armée congolaise, remarqué pour sa cruauté lors des massacres commis en 2002. Nkunda entre rapidement en conflit avec le gouvernement de RDC et, nanti d'un grade de général, se replie avec quelques régiments dans les forêts du Nord-Kivu.

Rapport de Human Rights Watch mettant en cause Laurent Nkunda lors des massacres de Kisangani - mai 2002.

jeudi 27 novembre 2008

Petit précis de guerre africaine : le mystère Kabila

L'assassin de Laurent-Désiré Kabila court toujours. Mais ce n'est pas le seul mystère recelé par la vie de cet homme étrange.

A la mort de Kabila se pose évidemment la question de savoir qui va être appelé à lui succéder. Le Parlement congolais désigne alors à l'unanimité son fils, Joseph. Curieusement, nul n'avait jamais entendu parler de l'existence de ce Joseph, dont on sait aujourd'hui qu'il n'est pas le fils de Laurent-Désiré. Qui est-il alors ? Le fils d'un de ses compagnons d'armes mort au combat ? Un officier de la garde prétorienne du président Kagamé ? Toujours est-il que le nouveau président se montre plus accommodant que son père : il rencontre Kagamé aux USA, et accepte de constituer un gouvernement collégial au sein duquel figure, inévitablement, un Rwandais.

La paix est signée en septembre 2002 à Luanda. Mais les troupes d'occupation étrangères ne se retirent que très lentement, et le Rwanda se réserve toujours le droit d'intervenir s'il estime que sa sécurité est menacée par les Hutus réfugiés au Kivu. De fait, de nombreuses incursions de l'armée rwandaise ont lieu dès 2004 dans l'est du pays. L'exploitation illégale des richesses minières de la région se poursuit.

mercredi 26 novembre 2008



Le Congo divisé en trois zones d'occupation : au nord, l'Ouganda ; à l'Est, le Rwanda ; à l'Ouest, les forces gouvernementales.
Crédit Image : wikipedia.fr

Voir un article de la Documentation Française sur le pillage des ressources naturelles du Congo.


Petit précis de guerre africaine (suite) : le grain de sable

Dans les mécanismes les mieux huilés, un grain de sable peut perturber beaucoup de choses. Pour les projets rwandais, le grain de sable s'est appelé, en 1998, Laurent-Désiré Kabila : porté au pouvoir par le Rwanda, il ne tarde pas à s'en émanciper et chasse ses "conseillers" rwandais, au premier rang desquels figure James Kabarebe (qui deviendra par la suite chef d'état-major de l'armée rwandaise). La réaction ne se fait pas attendre : le Rwanda soutient et arme une rébellion qui éclate dans l'Est, celle des Banyamulenge qui sont des Tutsis. Renforcée par les troupes ougandaises, la coalition commence à s'emparer des centres miniers : diamants, or, coltan, uranium... et les exploite pour son propre compte (voir le rapport de l'ONU sur ce sujet). La seconde guerre du Congo bat son plein quand, en août 1998, le gouvernement de Kabila reçoit le soutien de ses voisins angolais, namibien et zimbabwéen. On commence à parler de "guerre mondiale africaine" : petit à petit, l'ensemble des pays de la région est emporté par le tourbillon de la violence. Un cessez-le-feu conclu en 1999 n'est pas respecté par les belligérants et provoque l'installation sur place de la MONUC, qui est le plus considérable déploiement de forces de l'ONU depuis 1945.

En 2001, le pays est divisé en trois : le nord est occupé par l'Ouganda, l'est par le Rwanda, et l'ouest est administré par le gouvernement de Kabila. C'est alors que, en janvier de cette année, Laurent-Désiré Kabila est assassiné par un des ses gardes du corps. ce dernier est toujours en fuite, et les véritables commanditaires du meurtre n'ont jamais été identifiés.

samedi 22 novembre 2008

On n'est jamais loin de la guerre


Revenir du Congo, c'est un peu une épreuve. C'est passer des choses sérieuses (la guerre, la faim) aux choses futiles (les grèves, la crise au PS). C'est se voir soumis à toujours la même question : "C'était loin de chez toi ?"

Loin de là où j'étais, la guerre ?

On n'est jamais loin d'une guerre, c'est ça le problème.

Là où j'étais : la province du Bas-Congo, trois fois la Belgique, aussi loin du Kivu que Dijon de Kiev, avec des routes bien pires. Donc, la géographie m'a maintenu en sécurité.

Mais dix ans de guerre, cela veut dire : dix ans sans qu'un trou dans une route ne soit bouché, sans qu'une canalisation ne soit réparée, sans qu'une ligne électrique ne soit posée. Dix ans au cours desquels toutes les économies du pays sont parties en fumée. Dix ans, ressentis comme une terrible injustice par les habitants d'un pays qui n'ont rien demandé à personne, sinon le droit de vivre en paix. Alors, oui, j'étais dans un pays en guerre, qui en souffre, qui a vu l'espérance de vie à la naissance tomber à 47 ans. Un pays où les enfants meurent, où la malaria tue, où l'Etat n'existe pas.

Bon, et nous, ici en Europe ? On est loin de la guerre ?

Détrompez-vous, nous en sommes tout près. C'est à cause d'elle que des centaines de milliers d'hommes et de femmes traversent la Méditerranée au péril de leur vie pour s'installer chez nous.

Nous en sommes tout près aussi parce que, ce qui se passe là-bas, c'est un test pour notre avenir.

Car si on laisse faire le général Nkunda, qui veut prendre Goma, marcher sur Kinshasa, s'emparer du pouvoir : cela veut dire que nous abandonnons un gouvernement qui a été désigné par un peuple libre après des élections démocratiques. Si nous laissons faire ça là-bas, qui empêchera qu'un jour cela se passe chez nous ? Si on laisse le Rwanda occuper l'est de ce pays et en piller les ressources, cela veut dire que nous acceptons que la force et l'avidité prennent le pas sur le bon droit et la justice. Quels arguments pourrons-nous trouver, le jour où d'autres, peut-être les mêmes, voudront en faire autant en Europe ?

Photo : le Journal du Dimanche -

Petit précis de guerre africaine (suite)

Nous sommes en 1994 ; le génocide rwandais s'est terminé par l'accession au pouvoir de Paul Kagamé, qui décide de pourchasser les centaines de milliers de Hutus qui se sont réfugiés à l'Est du Zaïre. Avec le soutien des occidentaux, en particulier des américains qui ont décidé de faire du Rwanda la pièce maîtresse de leur présence stratégique en Afrique, il occupe les provinces du Kivu et en exploite les immenses richesses minières. Il s'accorde avec un chef rebelle qui mène depuis longtemps une guerre contre le pouvoir du président Mobutu : Laurent-Désiré Kabila.

Kabila, aidé par les Rwandais et les Ougandais qui voient en lui un allié facilement manipulable, marche sur Kinshasa dont il s'empare en mai 1997. Mobutu en fuite, il se proclame président de la nouvelle République démocratique du Congo, et nomme un gouvernement dans lequel figurent des ministres rwandais. Ainsi se termine la "première guerre du Congo", qui voit le triomphe des Rwandais.

La prise du pouvoir par Kabila en mai 1997

jeudi 20 novembre 2008

Pas mal de gens ne comprennent pas ce qui se passe en RDC... Voici quelques éléments pour comprendre pourquoi cette guerre est aussi la nôtre.

Il faut pour cela remonter à l'élection de Bill Clinton à la présidence américaine, et à la chute du Mur de Berlin... les USA ont les mains libres pour s'intéresser de plus près à l'Afrique, qu'ils avaient jusqu'à présent déléguée aux Européens. Comme au Proche-Orient, ils se cherchent un allié privilégié ; ils choisissent le Rwanda, à cause de sa position stratégique, mais aussi parce que Mme Clinton avait un peu connu Paul Kagamé lors de ses études en Amérique. Kagamé est alors un dissident en guerre contre le président Habyarimana : le pays est en effet divisé entre deux factions rivales, les Hutus et les Tutsis. Habyarimana, qui est hutu, est assassiné dans des circonstances mystérieuses (peut-être à l'instigation de Kagamé lui-même), ce qui déclenche une violente répression anti-tutsie, qui fera des centaines de milliers de victimes.

Le génocide attire l'attention du monde entier sur le Rwanda et sur la lutte que mène Kagamé pour obtenir le pouvoir. Les troupes tutsies, soutenues par les Occidentaux, gagnent la guerre contre les Hutus et Kagamé prend le pouvoir. Un bon nombre de hutus fuient alors le pays et se réfugient au Congo voisin, sur la suggestion de l'ONU qui craint de nouveaux massacres. Kagamé décide alors de les pourchasser, et envahit l'Est de Congo, ce qui déstabilise brutalement le pouvoir du général Mobutu.

A suivre...

dimanche 16 novembre 2008

Misère noire.


En quatre séjours là-bas, je n'étais encore jamais entré dans la maison d'une famille paysanne. Cette fois, maman Angèle m'a invité chez elle, afin que je salue sa mère et sa belle-mère.

Maman Angèle n'est pas pauvre. Son mari est infirmier à Kisantu, la petite ville distante d'une dizaine de km. Elle a trois enfants, dont l'un répond au doux prénom de Rineidi, qui est l'abréviation, vous l'avez compris, de "Rien n'est impossible à Dieu". Depuis deux semaines, elle vit à Zunzi, car son beau-père est mort et elle doit s'occuper de sa belle-mère.

Chez elle, c'est tout noir. Le sol est noir, les murs sont noirs, et l'unique fenêtre est obstruée par un drap déchiré qui est sensé protéger des moustiques. Les deux vieilles dames sont assises par terre, comme dort, par terre et sans couverture, le petit Rineidi. Il y a aussi une table bancale et des chaises hors d'état. Les toilettes - une cahute de bambou - sont au fond de la "cour" , la cuisine se réduit à trois pierres posées par terre sur lesquelles on installera la marmite avec le foufou dedans.

C'est bien que je ne sois pas entré chez elle il y a quatre ans. Car maintenant, j'ai pris les enfants dans les bras, j'ai joué avec eux, j'ai parlé avec les parents. Ils m'ont dit qu'ils en avaient assez de vivre dans ses conditions-là, mais comment en sortir ?

Une ONG a fait l'expérience : en dépensant 120 dollars par an et par habitant, un village africain connaît un développement spectaculaire, voit les maladies reculer, l'agriculture produire davantage, l'éducation progresser.

120 dollars par an, ça fait dix dollars par mois.

L'article du Monde qui relate l'expérience des villages du Millénaire
Pour les anglophones, le site de Millenium Village

vendredi 14 novembre 2008

Tartufferies.

Deux anecdotes pour comprendre la guerre à l'est de la RDC :

- A peine le général Nkunda commençait-il sa marche sur Goma, le commandant espagnol des forces onusiennes chargées de défendre la ville démissionnait. Dans n'importe quelle armée du monde, il aurait été traduit en conseil de guerre et condamné à des années de forteresse. Chez les casques bleus, on trouve ça très bien.

- Entendu dans la bouche d'un diplomate occidental : "La communauté internationale ne peut pas agir seule". Doit-elle faire appel à des secours en provenance de la planète Mars ?

jeudi 13 novembre 2008

Les enfants de choeur de Zunzi

Lendemains difficiles.


Il y a le froid, la pâleur des visages, les regards inexpressifs. L'absence de bruits humains, le vacarme des machines. Le soleil fade.
C'est dur de rentrer.
Et pourtant, c'est dur aussi de vivre au Congo. La guerre y est plus présente encore que l'an dernier ; elle est en train de gagner, après dix ans de combats, d'insécurité, de misère.

Tous les soirs, au Congo, les images brouillées de la télé nationale apportent leur lot de catastrophes : inondations meurtrières à Kinshasa, routes emportées par les pluies de la saison humide, dérisoires proclamations des hommes politiques et des diplomates, irrésistible avancée du général Nkunda dans sa marche sur Goma.
Ah, ce Nkunda. Son visage fin et dénué de sentiments. Ses petites lunettes rondes, sa canne à pommeau d'or. Le pliant sur lequel il siège et auquel il donne la majesté d'un trône sanglant. L'anglais qu'il affecte de parler, par détestation de la France qui veut juger ses maîtres rwandais. Son absence de scrupules.

Je préfère commencer ma série d'articles africaine par cette photo d'enfants : elle vous dira que, si la guerre est à des milliers de kilomètres de là, elle n'en étend pas moins ses ravages jusqu'à l'autre bout de cet immense et malheureux pays.