mercredi 29 août 2007

21 juin 2007, place de la Libération à Dijon...



Something a la mode
(Thomas Roussel, Yannick Grandjean)
en pleine action
Enfants sorciers.

Au Congo, il arrive qu'on décrète dans une famille qu'un enfant soit "sorcier", sur la déclaration d'un de ces pasteurs autoproclamés qui écument villes et villages. Il est alors d'usage de se débarrasser de lui. Ceux qui ne meurent pas rejoignent les dizaines d'enfants abandonnés recueillis dans le centre dont s'occupe l'abbé Antoine, qui avait réuni ce soir des paroissiens intéressés pour nous présenter son travail là-bas.

Des enfants-sorciers : comment peut-on en arriver là ? L'indignation et l'incompréhension ont été unanimes. Je suis souvent gêné par ces réactions condescendantes, qui considèrent que les mentalités magiques, sensées gouverner les esprits africains, sont inférieures aux nôtres et ô combien plus dangereuses. C'est oublier que nos esprits à nous sont sous l'emprise d'une autre idéologie, qui vaut bien celle des sorciers congolais : nous avons, nous aussi, notre manière de nous représenter le monde et d'être en relation avec lui, une manière d'être qui est façonnée par la rationalité scientifique. Et nous ne sommes même pas conscients que cette idéologie, comme l'autre, est responsable de dégâts humains tout aussi terribles.

jeudi 23 août 2007


Une religion sans spiritualité ?

Jean-Claude Carrière est un écrivain connu. On ignorait jusqu'à présent son intérêt pour les mystiques, dont il fait part dans le dernier numéro du Monde des Religions. Il fait partie de tous ceux - ils sont innombrables - qui allient quête spirituelle et méfiance pour le christianisme, : "La foi est évidemment plus dangereuse que l'espérance et la charité", "Les croyances sont un poison du savoir", "la science cherche et la foi affirme". Il se désole pourtant de constater que "le catholicisme est moribond en France".

Cet entretien doit être lu et médité. Il témoigne d'une irritante méconnaissance du christianisme, sacrifiant à tous les lieux communs sur les religions facteur de guerre, sur le bouddhisme jugé seule discipline capable d'allier démarche spirituelle et connaissance scientifique... Il réflète ainsi les contradictions contemporaines de chercheurs de Dieu qui se refusent à considérer avec sérieux la tradition catholique comme porteuse d'une vraie spiritualité. Il est dommage que les questions des journalistes n'aident pas à ouvrir un véritable débat sur ce sujet.

mardi 21 août 2007

Alliances et désalliances.

Entendu dimanche après-midi sur France-Inter, dans la bouche de Jacques Salomé, psychanalyste, à propos de la vie de couple : "Il faut savoir se désallier pour bien s'allier" (je cite de mémoire). Et ce matin, à la lecture de l'Evangile : "Celui qui ne quittera pas sa maison, son père, sa mère, etc... à cause de moi, ne peut être mon disciple".

Ici, la parole de foi de Jésus rejoint la parole de sagesse de l'homme de l'art : il n'est pas de véritable engagement possible, entendu comme le don de soi-même, sans rupture des liens antérieurs.

samedi 18 août 2007


Partir pour les étoiles.

Comme tout le monde le sait, la saison des mariages c'est l'été. Et pour les prêtres, c'est l'occasion de rencontrer une foule de gens qu'ils ne voient jamais autrement, et de risquer une parole, toujours délicate mais toujours attendue - c'est d'ailleurs ce qui frappe l'abbé Antoine, qui est décidément mon Persan à Dijon : les gens sont très attentifs à tout ce que nous pouvons dire.

Aujourd'hui, deux étudiants se marient, ce qui est rare ; je vais dire deux choses :

- Il est tout-à-fait normal de se marier lorsque l'on s'aime, inutile de chercher à donner des explications du genre "on est prêts", ou "on est bien installés dans la vie", ou "ca fait longtemps qu'on se connaît et on sait qu'on est bien ensemble"...

- Le mariage, c'est comme une fusée qui s'envole vers les étoiles : il y a une fenêtre de tir qui s'ouvre à un moment donné de la vie, et quand on l'a laissé passer c'est trop tard... Alors si vous êtes prêts, n'attendez pas.

PS : ne cherchez pas de rapport entre la photo et le texte, il n'y en a pas.

vendredi 10 août 2007


Le libéralisme et la foi.

C'est bien dommage que la Lettre des Semaines sociales ne soit pas en ligne dès sa parution, car l'éditorial de Jérôme Vignon mériterait d'être très largement diffusé. Il aborde une question-clé pour l'avenir des relations entre Eglise et société, entre foi et modernité : le croyant doit-il être un élément critique dans une société trop marquée par la pensée unique libérale ? Ou doit-il adopter une autre posture ?

La tentation évidente est celle de se cantonner dans la critique. N'est-ce pas la place du prophète que de dénoncer les dérives, de prévoir les évolutions, d'annoncer les périls à venir ? C'est donc très naturellement que beaucoup de chrétiens se retrouvent aux côtés de militants alter-mondialistes, critiques de l'idéologie libérale, ou proches de la mouvance écologiste. Très naturellement aussi que notre théologie morale a souvent des accents de condamnation. Curieusement, dans ce sens-là, les catholiques les plus conservateurs rejoignent, dans la dénonciation des maux de notre époque, ceux qui sont les plus sensibles à la question sociale.

Or, agir de cette manière, c'est faire fi d'une réalité que l'on ne peut ignorer : le libéralisme n'est pas qu'un système économique, il s'agit d'une manière de vivre et de comprendre l'existence et le monde adoptée par l'immense majorité de nos contemporains. Il est certes criticable, il doit, comme toute idéologie, être interrogé, et il n'a certainement pas les promesses de la vie éternelle. Mais, pour la quasi-totalité des habitants de notre monde, c'est le meilleur système imaginable : la preuve en est que les exclus du système eux-mêmes n'ont qu'un rêve, c'est d'y accéder à leur tour.

Un baptisé est, certes, prophète ; il est aussi prêtre et roi, c'est à-dire qu'il doit rendre grâce pour ce qui se vit dans notre monde, et qu'il a la responsabilité de ce monde, et non pas d'un monde imaginaire. La foi est là pour nous aider à vivre dans ce monde-ci, avec ses limites, et non pas seulement pour nous en faire voir les imperfections.

jeudi 9 août 2007

Souvenirs de vacances.

Vous détestez les soirées diapos ? les photos de vacances de vos amis ? Alors n'allez pas voir mes photos de Louisiane... En plus la qualité n'est vraiment pas top, merci à Google video, franchements sur ma caméra c'est mieux.

mercredi 8 août 2007

Baptêmes.

Aujourd'hui avec Antoine (le prêtre congolais en visite pour un mois), préparation au baptême : nous avons reçu deux jeunes parents tout fiers de nous présenter leur petiot.

C'était parfait pour Antoine, il a été tout de suite dans le bain : la maman était pratiquante jusqu'à son entrée en fac, après des années d'aumônerie, et maintenant c'est fini ; le papa est baptisé et pas catéchisé, et de toute façon pas croyant. Mais pas contre. Ils ne sont pas mariés (on n'en a même pas parlé). Ils veulent faire baptiser leur enfant pour commencer son initiation chrétienne, et en espérant qu'il se plaira au catéchisme (bien sûr si ça ne lui plaît pas on n'insistera pas). Les parrain et marraine sont là au cas où il arriverait malheur aux parents, et si tout va bien de toute façon ils n'ont aucun rôle religieux. Bref, au Congo ils auraient eu tout faux...

Tout ça, ça a fait une discussion vraiment intéressante. Un peu courte, car le petit en a eu assez vite marre... On aurait pu se demander si sa place était vraiment là ? Mais vu que c'était pour son baptême, évidemment les parents l'ont emmené avec eux.

Ce qui est bien avec Antoine, c'est qu'il ne juge pas et qu'il est content d'apprendre.

dimanche 5 août 2007

Des messes pour ceux qui restent.

Les messes en vacances, c'est toujours du sport : où a lieu la célébration ? à quelle heure ?

C'est du sport aussi pour les prêtres qui sont appelés à remplacer les confrères qui partent prendre un repos bien mérité. C'est ainsi que Jacques, la semaine dernière, a fait près de deux cents km dans la journée pour célébrer la messe à l'autre bout du diocèse, devant une assemblée plus que clairsemée.

Heureusement pour lui, Jacques a une voiture. Antoine, lui, dans son diocèse du Congo, quand il part pour un village le dimanche, parcourt à pied des dizaines de km à travers la forêt. Il ne sait jamais s'il sera arrivé le soir en partant le matin, car beaucoup de choses peuvent arriver en chemin. Mais son sort me paraît plus enviable : car la fatigue du trajet est récompensée par l'accueil des villageois. La fête commence le samedi soir, se prolonge la nuit au son des tambours, et culmine le dimanche pendant les trois heures que dure la messe, conclue par un long temps de partage. Le même jour, Jacques part à 7h de Dijon, arrive à 9h, trouve l'église vide, installe tout, célèbre en une heure et repart sans que personne se soit préoccupé de savoir comment allait se poursuivre sa journée.

vendredi 3 août 2007

Il fallait bien que les vacances finissent un jour.

Je constate l'intérêt suscité par le post sur la messe en latin, dix réactions c'est pas mal pour mon petit blog... merci à tous. J'ai le regret de vous informer que cet intérêt n'est pas partagé par les deux confrères congolais qui sont venus découvrir la pastorale française et nous aider pendant les vacances d'été.

L'abbé Antoine, dont c'est le premier séjour en Europe, est professeur de latin à Muanda, la station balnéaire de RDC. Il a huit élèves : ce n'est pas que le latin n'intéresse pas, c'est qu'on le réserve aux meilleurs éléments. On ne l'utilise pas à la messe, qui est célébrée en Kikongo et dans le rite congolais. D'ailleurs, personne n'y a jamais pensé.

Dans sa paroisse (ils sont huit prêtres...), il est chargé de la pastorale des jeunes. Là-bas, c'est comme ici : s'il veut que les jeunes participent aux activités qu'il propose, il doit toujours annoncer qu'il y aura un match de foot. "Si on sait qu'on ne va pas danser pendant la messe, les jeunes ne viennent pas".

Antoine voudrait rapporter pour ses élèves des grammaires latines, introuvables là-bas, et des exemplaires du "Guide romain antique", indispensable outil des humanités classiques ; si vous en disposez dans vos bibliothèques, sachez qu'il rejoint le Congo à la fin du mois d'août.