dimanche 31 octobre 2010

Violence Noire.

Je suis allé voir un film encensé par une critique quasi-unanime. Désolé, je suis sorti avant la fin.

J'avais plutôt aimé La graine et le mulet, malgré un rythme parfois très, très lent. Le sujet de Vénus noire, le nouveau film d'Abdelatif Kechiche, est intéressant, l'histoire de cette femme qu'on a exhibée en Europe au début du XIX° siècle parce que les scientifiques de l'époque ne savaient où la classer dans l'arbre généalogique des espèces - il paraît qu'on pouvait la voir encore il y a trente ans au Musée de l'Homme, et qu'il a fallu attendre le XXI° siècle pour que sa dépouille soit rendue à ses ancêtres, en terre sud-africaine.

Ça commence dans un cirque de Piccadilly. Sara est en cage, exhibée comme une bête de foire. C'est dur, et en plus, c'est long. On découvre ensuite qu'il ne s'agit que d'un spectacle, accordé aux mœurs de l'époque : la dame, qui a un penchant pour l'alcool et le tabac, n'est pas si maltraitée que cela par son maître. Plutôt moins, même, que les prostituées londoniennes qu'elle croise dans les bars où elle s'arsouille à l'envi.

Le spectacle se répète plusieurs fois, à la fin on finit par le connaître par cœur et on serait envahi par l'ennui si on n'était pas aussi profondément écœuré. Il faut dire qu'il n'y a pas grand-chose à raconter dans la vie de cette malheureuse, à part le procès intenté dans un tribunal crasseux par une ligue de pères-la-pudeur, finalement déboutés par des juges mal perruqués. Heureusement, la petite équipe décide de partir pour Paris ; on quitte les bas-fonds londoniens pour les petits salons privés des bordels de la fin de l'Empire. Ça se renouvelle un peu, mais toujours pas dans le genre léger. Une fois, deux fois. La deuxième est de trop : c'est un viol, ma parole, perpétré par une vingtaine de personnes curieuses de découvrir les particularités anatomiques de Sara. Pendant ce temps, son nouveau maître lui tape copieusement dessus. Ensuite, nouvelle scène de bordel, qui commence par l'épilation intime d'une des pensionnaires de la maison et se poursuit par un plan à trois. C'est là que je suis sorti, dégoûté mais plus encore affreusement mal à l'aise : il y avait derrière moi un monsieur qui avait emmené son petit garçon voir une histoire qu'il pensait édifiante. Car rien ne prévient le spectateur qu'il va être affrontée pendant plus de deux heures à autant de violence crue. Il paraît que j'ai raté le découpage et la mise en bocal des organes génitaux de Sara. Je ne regrette pas.

samedi 30 octobre 2010

Politiques cherchent petites mains.

On commence à s'agiter, en Côte d'Or comme ailleurs sans doute, autour de la prochaine échéance électorale : au printemps prochain auront lieu les élections cantonales. Des paroissiens commencent à m'en parler : "On m'a encore demandé de rejoindre l'équipe d'Untel". Un tel -plus rarement une telle-, c'est le candidat officiel d'un des grands partis. Dans un petit canton, en général quelqu'un qui connaît bien son monde (il y a souvent moins de mille électeurs). Dans une circonscription urbaine, le candidat est susceptible de siéger un jour dans une de nos assemblées nationales, ou d'être élu maire d'une importante commune. S'il veut y arriver, c'est un travail à plein temps, qui nécessite une ambition et une patience à toute épreuve. La politique devient un métier. Et, quand on veut y faire carrière, on perd le contact avec les électeurs. C'est pourquoi nos élus ont un si grand besoin de petites mains, qui vont leur permettre de sentir la température, de les conseiller, de façon à ce qu'ils puissent s'acquitter correctement de leurs tâches de gouvernement et s'y consacrer totalement.

Seulement voilà : les petites mains en ont marre. Au parti, ce n'est pas elles qui ont voix au chapitre, mais les grandes gueules. Au conseil municipal, elles se taisent devant les ténors. A l'Assemblée nationale, elles n'ont aucune chance, et au Sénat encore moins. Du coup, un tas de gens très bien se détournent de la politique : quand on est un commerçant qui se bat pour que le magasin reste ouvert, un chef d'entreprise qui réussit, un responsable associatif qui se donne pour l'idéal qu'il défend, il faut une bonne dose d'abnégation pour accepter d'avaler les couleuvres imposées par ceux qui ont décidé de consacrer leur vie à leur carrière.

Je fais un rêve : celui d'une démocratie où les élus ne le seraient que le temps d'un ou deux mandats, où ils siègeraient aux assemblées forts d'une véritable expérience du monde du travail, et où ils n'exerceraient qu'un seul mandat à la fois. Un monde où les ministres seraient ce qu'ils devraient être : des serviteurs. Ce rêve est réalité dans un certain nombre de pays européens. Il semble que chez nous ce soit impossible.

samedi 23 octobre 2010

Les chanteurs, pas la chanson.

De Jean-Paul II, on disait : les jeunes aiment le chanteur, mais pas la chanson... Quand je vois sous mes fenêtres les lycéens d'Hyppolite-Fontaine descendre leur boulevard pour aller chercher leurs congénères de Saint-Jo, je me dis : on est un peu dans le même cas de figure.

Voyez ce reportage de France 2. Un jeune héros, dont les parents sont journalistes, qui étudie dans un des plus prestigieux lycées parisiens, et qui vient d'être élu président de la FIDEL. Il est sympa, super à l'aise à la télé, un aplomb désarmant et toujours la réponse aux questions politiques et sociales qu'on lui pose. Séduit, on l'est. Enfin un jeune qui s'engage. On aime le chanteur.

La chanson ? Là, Victor est plus court. "Un million de chômeurs en plus à cause de cette réforme". Ah bon ? Passons. Il n'a peut-être pas eu le temps d'affûter ses arguments. Manifestement, personne ne lui en demande plus, d'ailleurs.

Les chanteurs : des jeunes qui s'engagent. Voilà qui devrait faire taire tous ceux qui désespèrent de cette jeunesse, soi-disant sans idéal. Engagement : mais lequel, au juste ? Dans un syndicat, avant de passer dans un autre (les grands frères de l'UNEF ne s'y sont pas trompés, d'ailleurs : une fois le bac en poche, Victor, tu ne devrais pas tarder à avoir une promesse d'embauche). Et après l'UNEF... Devinez quoi ? Victor, Victor... Fais gaffe : tu vas devenir comme les autres, un professionnel de la politique, qui a perdu le contact avec la réalité. Pendant ce temps, d'autres essayent de faire vivre, dans un lycée, une association au service des autres, un club théâtre ou un journal : ça aussi, c'est de l'engagement, et ça mérite qu'on en parle plus.

La chanson : celle de la réforme des retraites, on a du mal à y croire. D'autres voix se font entendre, dans ce même reportage : angoisse de l'avenir, inquiétude dans un monde qui n'a plus de repères, méfiance vis-à-vis des partis politiques. Tout ça, alimenté par un rejet massif qui vise plus les personnes qui gouvernent que leurs décisions. Des choses autrement fondamentales, qui évoquent le rapport du médiateur de la République l'an dernier sur l'état de "fatigue psychique" des Français. Du psychique au spirituel, il n'y a guère de distance, sinon celle du politiquement correct. On est loin de la question des retraites.

samedi 9 octobre 2010

Vies bouleversées.

C'est une famille sympa, normale, que celle de ce monsieur dont je vais célébrer les obsèques. Au nom que m'ont donné les Pompes funèbres, j'avais juste compris qu'il s'agissait d'un de ces immigrés italiens, qui sont venus au siècle dernier se nourrir du bonheur français, dont on s'est tellement moqué quand ils sont arrivés et qui font maintenant partie du paysage.

Une famille ordinaire, mais un défunt qui ne l'était pas. Monsieur M... est de ces gens qui ont été emportés, plus que d'autres, dans les tourmentes du siècle passé. Ses enfants n'ont peut-être pas vraiment conscience de cela ; ils me racontent, simplement, l'histoire d'une vie bouleversée. A vingt ans, la guerre, dans les troupes de Mussolini. Après la campagne de France, l'Afrique du Nord ; et, donc, puisque l'Italie ne comptait pas pour grand-chose, l'Afrika Korps de Rommel, où ont été versés, pour plus de facilité, un certain nombre de soldats des pays de l'Axe ; son bateau bombardé, voilà notre jeune Italien qui choisit le côté des Alliés plutôt que la prison. Il débarque en France dans l'armée de Patton, remonte jusqu'à Dijon, et là, enfin, il rencontre celle qui allait devenir sa femme.

Je rencontre, de temps en temps, de ces baroudeurs devenus de tranquilles pères de famille. C'est la grâce du sacerdoce de pouvoir écouter ces récits de la part de ceux qui les ont vécus ou de leurs enfants. C'était hier. Pourquoi cela nous semble-t-il aussi lointain ?

samedi 2 octobre 2010

Droit à des "soins médicaux légaux" et liberté de conscience.

Mme Mc Cafferty est membre du groupe socialiste au Conseil de l'Europe. Une assemblée "parlementaire" qui est aussi représentative des Européens que l'étaient les parlements de l'Ancien Régime. Elle est à l'origine d'une résolution, qui doit être mise en discussion le 7 octobre prochain, dont le but est de limiter la possibilité, pour un membre du corps médical, de refuser un acte qu'il estime contraire à sa conscience. Il s'agit, tout le monde l'aura compris, de l'IVG, ici désigné comme un "soin médical légal" - comme si le fait d'attendre un enfant était une maladie que l'on devrait soigner. La loi prévoit en effet la possibilité pour tout médecin de refuser de pratiquer cet acte, s'il l'estime contraire à ses convictions.

Premier motif d'étonnement : Mme Mc Cafferty relève que "l'objection de conscience se développe dans le domaine des soins de santé". Elle pourrait se demander pourquoi. Est-ce le résultat de l'influence grandissante de l'Église catholique ? Qu'il me soit permis d'en douter. J'y vois plutôt la manifestation d'une évidence : un gynécologue, une sage-femme, voient bien ce que c'est qu'un avortement, et savent qu'un embryon n'est pas une simple tumeur que l'on opère.

Deuxième motif : la proposition du groupe socialiste invite à distinguer entre les "personnes prestataires de soins de santé", dont le droit à l'objection de conscience resterait garanti ; et les "institutions publiques de l'Etat", qui (évidemment) ne peuvent se prévaloir de ce droit. Jusqu'à nouvel ordre, ce sont des personnes humaines qui pratiquent les IVG.

J'ignore ce que va devenir ce projet. Il permet de redire deux choses, qui sont bien souvent complètement occultées du débat public (enfin, si on peut parler de débat) sur l'avortement :

1) L'immense majorité des citoyens européens semble aujourd'hui favorable à un accès le plus facile possible à l'IVG, au mépris de la lettre de la loi qui réserve, chez nous, cette intervention aux situations de détresse. Mais, dans les faits, de plus en plus de praticiens s'y opposent. Il y a là une question morale importante : la morale n'est pas seulement une affaire d'idéal (tout le monde doit avoir accès à ce que la loi prévoit), elle est aussi une question de réalisme (personne ne veut pratiquer certains "soins").

2) Dans les faits, l'objection de conscience, qui est un droit absolument imprescriptible et doit être protégée, n'est plus respectée en France. Dans les hôpitaux publics, les médecins sont obligés, sous peine de sanctions, de pratiquer à tour de rôle des IVG, qu'ils le veuillent ou non. Je n'ose parler du sort réservé aux autres personnels, sage-femmes et infirmiers, qui n'ont en pratique jamais le droit à rien.

Le texte du projet de résolution
Pour signer la pétition qui s'oppose au projet