jeudi 18 novembre 2010

La croisade ou le dialogue ?

L'écho suscité par l'assassinat de dizaines de chrétiens à Bagdad révèle notre préoccupation devant ce que le Nouvel Obs appelle "La chasse aux chrétiens" : le christianisme est la religion la plus persécutée au monde. Une inquiétude mesurable à l'importance de la mobilisation lors des manifestations de protestation, et par le grand nombre de personnes assistant aux témoignages de chrétiens convertis de l'Islam (ainsi, à Dijon, la semaine dernière, Joseph Fadelle, dont le livre est un véritable succès de librairie).

Loin de moi l'idée de mettre en cause la sincérité des témoignages recueillis. Mais notre réflexion ne doit pas se limiter aux témoignages et à l'émotion qu'ils suscitent forcément. D'abord, parce que l'émotion, lorsqu'elle est seule à décider, est mauvaise conseillère. Ensuite, parce qu'à ce petit jeu, nous ne tarderons pas à entendre d'autres témoignages, mettant en cause les chrétiens ; quel sera alors le témoignage le plus crédible ? Enfin, parce qu'un témoignage risque d'être l'objet de manipulations et de récupérations, ce qui est le cas pour celui de Joseph Fadelle, à voir le nombre de blogs d'extrême-droite qui le reprennent.

Mais par-dessus tout, il faut se garder de confondre deux situations : celles des chrétiens persécutés en Irak ou ailleurs (n'oublions pas l'Inde et le Pakistan), et la nôtre. Les chrétiens sont certes en France l'objet de tracasseries et le christianisme est souvent tourné en dérision. Il ne s'agit pas pour autant d'une situation de persécution. Et ceux qui se moquent ne sont pas musulmans : si adversaire il y a, en France, l'adversaire est ailleurs, dans l'ignorance et la mauvaise foi de ceux qui caricaturent les prises de position de l'Église. Je suis, personnellement, plus inquiet de ce qui se passe en ce moment dans l'Éducation nationale, ou par le traitement réservé au catholicisme par les grands médias, que de l'attitude des musulmans de France. Et je vois que musulmans et chrétiens sont capables de s'associer, comme je l'ai moi-même souvent vécu dans ma précédente paroisse, pour rendre à Dieu un témoignage commun : c'était le cas hier à Dijon, pour un temps de recueillement après le drame de l'incendie du foyer Adoma. C'était le cas, il y a quelques semaines, après le caillassage d'une église dans le sud de la France.

Pour conclure, une phrase de Jésus tirée de l'évangile de dimanche dernier : "Ce sera pour vous l'occasion de rendre témoignage". Le témoignage dont il s'agit est témoignage rendu au Christ, au Royaume de paix et de justice. Le seul témoignage qui tienne est celui qui peut aider au dialogue et à la réconciliation.

A lire :

mercredi 17 novembre 2010

Le drame et les belles choses.

Tout le monde est au courant du drame qui a eu lieu dimanche matin à Dijon. Un drame d'autant plus injuste que le foyer incendié accueillait un bonne part des demandeurs d'asile dijonnais : pour eux, c'est la double peine, ils sont arrivés ici avec rien et on leur a pris le peu qu'ils avaient.

Les médias ont d'abord titré sur les visites des politiques : un ministre, et non des moindres ; des élus, et c'est bien normal. Aujourd'hui vient le temps de la recherche des responsabilités, et des inévitables polémiques. Bien peu ont parlé du formidable élan de solidarité qui a eu lieu, dans le quartier et autour : dévouement des bénévoles du Secours populaire, mobilisation des paroissiens de l'église Bienheureuse Elisabeth de la Trinité.

Voici le communiqué invitant aux dons, et à un temps de recueillement forcément multi-confessionnel :

Invitation au recueillement et à la prière

Suite au drame survenu lors de l'incendie du Foyer ADOMA de Fontaine d'Ouche dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 novembre, de nombreux élans de solidarité nous ont permis de recueillir des vêtements et autre matériel permettant d'aider les familles touchées par ce malheur.

Pourtant, ces gestes de soutien ne peuvent suffire à exprimer notre tristesse devant l'ampleur de ce désastre humain touchant une fois de plus les plus démunis, nos frères et sœurs immigrées. Nos mots ont peine à se former, le silence et la communion s'imposent alors.

C'est pour cela que notre communauté s'associera au temps de recueillement rassemblant élus, acteurs sociaux et représentants des religions catholique, musulmane et protestante de Dijon le mercredi 17 novembre à 18h00 devant la résidence ADOMA. Chacun peut venir avec un fleur.

Nous sommes aussi invités à un temps de prière qui aura lieu samedi prochain, 20 novembre, à 18h15, à l'église Élisabeth de la Trinité lors de la messe dominicale. Les prêtres qui le peuvent sont invités à venir concélébrer et se joindre à la messe du samedi soir. Il ne s'agit pas d'annuler vos offices respectifs, mais s'il y a des prêtres disponibles, vous serez les bienvenus. il serait bon qu'il y ait quelques prêtres. Merci à vous"

Les besoins des sinistrés sont multiples mais dans l'immédiat, il semble que chaussettes et chaussures, vaisselle et nécessaire de toilette soient le plus urgent (voir le site du diocèse).

Vos dons peuvent être déposés :

-A la paroisse Élisabeth.

-Au CCAS de Dijon, 61 rue des Godrans à Dijon.

-A l'entrée du Palais des Sports Jean-Michel Geoffroy, 17 rue Léon Mauris à Dijon.

-A la Cathédrale de Dijon

-Au secrétariat de la paroisse Saint Bénigne, 6 rue Danton.

- Au secours Populaire, 3 Rue Jean Poncelet Jeudi jusqu’à 17h30

jeudi 11 novembre 2010

L'esprit de sacrifice.

Il y a des coïncidences stimulantes.

Aujourd'hui, 11 novembre, n'est pas seulement le fête de Saint Martin. A quelques dizaines de mètres de chez moi va se dérouler la traditionnelle cérémonie en mémoire des morts de toutes les guerres. Restes d'une religion civique aujourd'hui désertée, encore vivace dans mon enfance où les survivants de la Grande Guerre étaient nombreux ; ce qui était alors célébré était l'esprit de sacrifice : ces hommes avaient donné leur vie pour la patrie.

En même temps sort le troisième volume de la vaste fresque de Marcel Gauchet sur l'avènement de la démocratie : A l'épreuve des totalitarismes, 1914-1974. Livre touffu, dont l'idée maîtresse est de relier les totalitarismes du XX° siècle à l'immense boucherie qu'a été la première guerre mondiale, creuset diabolique où se sont constituées, pour la première fois, ces communions qui ont permis l'adhésion de millions d'hommes et de femmes à des idéologies destructrices. L'esprit de sacrifice a justifié, alors, bien des horreurs.

Enfin, plus modestement : une rapide passe d'armes entre confrères, hier, a opposé deux compréhensions de l'eucharistie : l'une, présentant la messe comme le mémorial du dernier repas du Christ ; l'autre - qui est ma manière de voir - considérant que l'eucharistie est le mémorial de sa passion et de sa mort, et que c'est à travers cela qu'elle se relie à la Cène de Jésus et à notre propre vie. Il ne s'agit pas là d'une fascination morbide ; mais de comprendre sa mort comme le moment par excellence où le Christ donne sa vie, où Dieu se donne à nous, et comme une ouverture sur la résurrection. Non pas un sacrifice, mais le sacrifice ultime qui dispense de tous les autres, et qui affirme de manière définitive que le seul sacrifice qui plaise à Dieu, c'est l'amour.

Du coup, à la suite de la discussion, nous sommes allés visiter, avec les deux laïcs missionnés pour la catéchèse sur la paroisse, les manuels destinés aux enfants qui préparent leur première communion. La messe y est présentée comme un repas. Il est bien difficile, à partir de là, d'expliquer pourquoi elle s'appelle Eucharistie, c'est-à-dire action de grâces, remerciement. De rendre compte de toute sa dimension proprement sacrificielle, qui est centrale tout au long de la prière justement appelée eucharistique. De la situer dans une logique de don et de contre-don, pour reprendre l'expression de Marcel Mauss.

Sans doute sommes-nous gênés aujourd'hui par l'idée de sacrifice, par la manière dont on l'a utilisée pour justifier tant de choses terribles, un tel écrasement de l'humain. Elle est pourtant bien là, la force du christianisme : affirmer, preuves à l'appui, qu'une vie réussie est une vie donnée, et que rien n'a de sens en-dehors de ce don, quand il est vécu comme une communion à l'unique sacrifice du Christ.

jeudi 4 novembre 2010

Rester avec eux.


Je me contente de reproduire ici le bref appel lancé par les évêques d'Irak aux chrétiens de France.

Notre Calvaire est lourd et il nous paraît long. Le carnage qui a eu lieu à la cathédrale Notre Dame du Perpétuel Secours de Bagdad, avec 58 morts, parmi lesquels deux jeunes prêtres et 67 blessés dont un prêtre, nous a profondément secoués. Nous perdons la patience, mais nous ne perdons pas la foi et l'espérance. Cet événement d'une telle ampleur qui se produit juste après la tenue du Synode nous choque encore plus. Ce dont nous avons besoin c'est de votre prière et de votre soutien fraternel et moral. Votre amitié nous encourage à rester sur notre terre, à persévérer et à espérer.

Sans cela nous nous sentons seuls et isolés.

Nous avons besoin de votre compassion face à tout ce qui vient toucher la vie des innocents, chrétiens et musulmans. Restez avec nous, restez avec nous jusqu'à ce que soit passé le fléau.

Que le Seigneur nous protège tous.

Le 2 novembre 2010

Mgr Athanase Matti MATOKA, archevêque de Bagdad des Syriens
Mgr Louis SAKO, archevêque de Kirkouk des Chaldéens
Mgr Emil NONA, archevêque de Mossoul des Chaldéens
Mgr Basile Geoges CASMOUSSA, arxchevêque de Mossoul des Syriens
Mgr Bashar WARDA, archevêque d'Erbil des Chaldéens

Source : site de la CEF.