lundi 30 mars 2009

Les uns contre les autres.

Le Bien Public, organe régional d'information, n'en finit plus de souffler sur les braises de la polémique soulevée par les propos de Benoît XVI. Un coup pour, un coup contre... Le dernier épisode est un sondage qui s'intitule "santé et religion".
On n'en revient pas : les questions, plus que tendancieuses, y présentent le pape comme un chef religieux qui lancerait des fatwas auxquelles ses fidèles seraient tenus d'obéir, mélangent interdits religieux, questions éthiques et convictions personnelles, et remettent en cause le principe fondamental de la liberté de conscience des médecins (100% des "lecteurs" sondés y seraient d'ailleurs hostiles). Tout cela rédigé par un anonyme "Dr Bien Public", sans aucune garantie de scientificité...
Le résultat de tout cela est la bagarre qui a eu lieu l'autre dimanche sur le parvis de Notre-Dame. Images troublantes à la télé, qui montrent que l'action des militants d'Act-Up s'est déroulée sous protection policière... Pourquoi la police a-t-elle reçu de telles instructions ? On ne saurait mieux dresser les gens les uns contre les autres, et donner enfin naissance au fantasme n° 1 des anti-cathos : une Église catholique qui devient la proie de ses extrémistes, et qui n'en sera que plus facile à caricaturer ensuite.
Dimanche, à la sortie de la messe ici à Saint-Pierre, quelques jeunes ont distribué (sans me demander mon avis, mais j'ai trouvé l'initiative intéressante) des tracts au nom du "Comité urgence pape-Sida". Ils ont été pris à partie par des paroissiens qui n'étaient pas d'accord avec eux. Si ça continue, ça va mal finir...

jeudi 26 mars 2009

Petite paroisse tranquille.

Saint-Pierre : quartier bourgeois (le mot est faible), petite église néo-gothique fréquentée le dimanche par des gens bien tranquilles. Pour le carême, un cahier est disposé à l'entrée, dans le but de recueillir les intentions de prière des paroissiens.

Il est émouvant, ce cahier, car bien des misères s'y donnent rendez-vous. Ce qui y est écrit donne de la vie des gens une autre image que celle, insouciante et sérieuse, que l'on peut en avoir en se promenant le dimanche sur les allées bordées de marronniers : maladie, difficultés scolaires, chômage, conflits familiaux, insécurité, précarité sociale... Les habitants de la Place Wilson ne sont pas ceux que vous croyez.

Une des particularités de l'église est de se trouver à mi-chemin entre la synagogue et l'une des cinq mosquées de Dijon. Cela nous a valu, hier, la visite de voisins qui ont laissé une profession de foi que je vous laisse apprécier à sa juste valeur.

samedi 21 mars 2009

La haine.

Pourquoi tant de haine ? J'avoue que pour moi, la tentation est forte de ne plus écouter la radio et de parler d'autre chose. Je le fais quand même, au risque d'entendre des journalistes que je croyais honnêtes abreuver d'insultes Benoît XVI (gâteux, nazi, assassin, et j'en passe), et des hommes politiques en rajouter (la palme revient à Alain Juppé, à qui je demanderais bien de préciser sa pensée : va-t-il envoyer l'armée au Vatican pour le déposer ?). La désinformation n'a vraiment aucune limite, et la haine contre l'Eglise - car maintenant c'est bien de ça qu'il s'agit - aucun mal à se déverser.

Ce matin, une conversation téléphonique avec l'Afrique m'a mis du baume au cœur, et m'en a rappelé une autre, celle que j'avais eue avec un ami prêtre, là-bas, au Congo. Je lui avais dit mon étonnement de constater que l'Église, en Afrique, exprimait publiquement des réticences à la campagne de prévention du Sida mise en œuvre par les ONG.

" Toute cette campagne, m'avait-il alors dit en substance, est conçue par vous, les Occidentaux, en fonction de votre propre culture, et de vos intérêts. Elle ne tient pas compte de nos structures sociales, et en particulier de la façon dont nous envisageons la vie de famille et la sexualité, et dans ce sens elle contribue à la destruction d'un pan important de notre culture. D'autre part, la distribution de préservatifs vous coûtera toujours moins cher que de rendre l'accès aux traitements aussi facile que chez vous, et en plus elle vous enrichit puisque c'est vous qui fabriquez les préservatifs".

P.S. : quand j'aurai le temps, je ferai un florilège de ce qui a été publié ces deux derniers jours. Et je propose à tous ceux qui veulent de créer un nouveau prix : il serait décerné à l'homme public (journaliste, élu...) qui aura dit la plus grosse connerie sur l'Église catholique.

jeudi 19 mars 2009

Explosif.

Certains mots sont des bombes. Je l'ai déjà mesuré dans ce blog : "latin", "avortement", par exemple, déclenchent immédiatement la polémique, et le simple fait de les employer au détour d'une phrase les transforme en un arbre qui cache la forêt. Il y a alors un abîme entre ce qu'on a voulu dire et ce qui est effectivement entendu. Je rajouterai donc dans mon dictionnaire des mots piégés : "préservatif", en particulier s'il est associé à un autre mot : "Sida".

Sur le fond, je ne veux rien rajouter sinon renvoyer à l'article de La Croix du 18 mars, qui essaye de remettre les paroles de Benoît XVI, non seulement dans leur contexte originel -un bavardage avec des journalistes, mais plus généralement dans celui de la pratique de l'Eglise catholique et de sa tradition éthique. Et souhaiter que l'on entende ce que le pape a voulu dire. Mais je reconnais que ce n'est pas facile.

Sur la forme, cela me paraît évident que, à nouveau, le pape n'a pas mesuré, au moment où il les a prononcées, la portée réelle de ses paroles. Ce n'est pas la première fois. Il en était de même lors du discours de Ratisbonne : quelques phrases d'universitaire sur l'Islam ont suffit à disqualifier durablement, dans l'opinion, un texte fondamental sur les rapports entre la raison et la foi. Sur ce point-là, personne ne fait de cadeaux à l'Église catholique, pas plus qu'à n'importe quel acteur de notre vie publique. C'est normal, et tant pis pour nous : la faute, ici, n'est pas celle des médias, mais celle de ceux qui communiquent. Dommage que le poids en soit porté par autant de gens de bonne volonté : il y a deux jours, à une rencontre à laquelle participaient plusieurs médecins, l'ambiance était plutôt morose, et dans bien des lieux, les chrétiens rasent aujourd'hui les murs.

mardi 17 mars 2009

Humaniste et chrétien ?


Le commentaire laissé par Didier au billet précédent celui-ci me va droit au coeur :

Je vois les questionnements que vous lancez sur votre blog. Ils sont justes, légitimes, citoyens, humains, humaniste même. Comment faites-vous pour les vivre par rapport à votre sacerdoce? Il me semble qu'ils différent d'une orientation qui vous est imposée par votre choix de vie. Peut on critiquer la volonté du Pape ?

Didier, vous me faites rougir...

Voici une brève réponse aux questions que vous posez, si je l'inclus à un billet c'est qu'elle me permet de dire des choses qui me tiennent à cœur et qui concernent tout le monde :
  • Prêtre, citoyen, humaniste : ces mots ne sont pas contradictoires. L'une des grandes figures emblématiques de l'humanisme était, à l'époque de la Renaissance, Erasme : c'était également un homme d'une foi profonde. Plus près de nous, Jacques et Raïssa Maritain, Emmanuel Mounier, François Mauriac, Julien Green... et tant d'autres, sont très représentatifs d'un courant que l'on appelle à juste titre l'humanisme chrétien. Cet humanisme plonge ses racines dans l'Evangile, il est donc normal qu'il n'y ait pas de contradiction.
  • Comment les vivre par rapport au sacerdoce ? Un prêtre est un chrétien, donc un "humaniste"... Je suis prêtre, mais aussi électeur et donc citoyen, préoccupé du bien commun comme chacun doit l'être... Le christianisme social est un courant qui a une grande vigueur dans l'Eglise aujourd'hui et dans lequel je me reconnais à titre personnel.
  • Mon choix de vie signifie-t-il qu'une orientation me soit imposée ? Au jour de mon ordination, je me suis engagé à vivre dans le célibat, à prier quotidiennement et à obéir à l'évêque de Dijon. Nulle consigne ne m'est donnée dans ce blog. D'autre part, obéissance ne signifie pas absence d'esprit critique ni de liberté, mais plutôt confiance réciproque. L'Église est, depuis les origines, un lieu de débats - ce qui pose problème, à mon sens, n'est pas l'absence de débat, mais la manière dont le débat est mené. Elle n'est pas une armée totalitaire dans laquelle tout le monde pense pareil, mais un formidable lieu de liberté.
  • Enfin, on peut critiquer la volonté du pape, mais de toute façon je ne vois pas en quoi ce que j'écris relève d'une telle critique ?

vendredi 13 mars 2009

Le génie de la com'.



Le tintamarre commençait à s'apaiser, on passait à autre chose -l'horrible histoire de cet évêque brésilien qui excommunie une petite fille - et voilà : le débat sur les excommunications, celles du mois dernier, est relancé sur La Croix par la lettre que le pape vient d'écrire aux évêques.

Bonne lecture pour la saison II du Blog Le Vatican et les intégristes.

jeudi 12 mars 2009

A tous ceux qui en ont marre.


Aujourd'hui ce n'est pas moi qui parle ; je laisse la parole à un prêtre du Brésil (mon pays natal), qui, dimanche dernier à l'homélie, a préféré aborder un sujet d'actualité plutôt que de commenter l'Évangile de la Transfiguration.

Faut-il quitter l'Église ?
C'est au contraire le moment de s'y accrocher, mais de parler sans langue de bois, et surtout, de lire l'Évangile chaque jour, de le vivre. C'est ce qu'a fait Saint François d'Assise dans un moment encore pire...
Quand je vois ce que produit le mouvement qui a consisté à se couper de l'Église et à fonder d'autres Églises pour "réformer", cela me garde de la tentation quand elle se fait forte. Je suis chaque jour plus effaré de ce qui se passe dans les Églises "Évangéliques", et, lisant les Actes tous les soirs dans les communautés, je ne vois pas comment nous pourrons vivre du Christ, le signifier, en se coupant de son corps.
Mais oui, chaque jour j'ai un peu plus mal et ce que je vois ici m'inquiète profondément...
Ce peut être l'occasion de claquer la porte, ou de s'attacher au Christ vraiment, de méditer sur son choix fou de s'en remettre à des hommes limités, qui n'ont pas arrêté de le trahir, le renier, lutter pour savoir qui serait le plus grand alors qu'il annonçait la Croix, de vouloir éloigner ceux qui dérangeaient".


Ce billet est dédié à tous ceux que je rencontre, comme Christophe, Christelle, Emmanuel -pour ceux que j'ai vu récemment - et qui sont exposés par leur engagement de chrétiens à la critique de ceux qui s'indignent de l'attitude des hommes d'Eglise dans une ou deux affaires récentes.

PS : entendu cet après-midi, dans la bouche d'une veille dame : "La barque de saint-Pierre avance à coups de gaffe"

mercredi 11 mars 2009

Méconnaissance de l'Eglise.

Que des élus locaux prennent de leur temps pour aller à la rencontre de pasteurs, sans essayer de les instrumentaliser, n'est pas courant. C'est arrivé cette semaine : rencontre passionnante, au cours de laquelle lesdits responsables ont évoqué devant quelques prêtres les grandes questions qui se posent à eux - dans notre région, il s'agit essentiellement de l'équilibre à respecter entre la grande ville et la campagne, qui représentent chacune la moitié de la Côte d'Or ; mais aussi, de la politique familiale, de la bioéthique...

Quand il s'agit d'aborder la vie de l'Eglise, c'est moins facile. L'élu ne voit le catholicisme que par le prisme de la paroisse et de son curé, qu'il rencontre souvent dans un tas de petites et de grandes occasions. Du coup, c'est l'effondrement des vocations qui l'interroge. Cela devient l'arbre qui cache la forêt : car la vie de l'Eglise en France ne se réduit pas, loin de là, au nombre de prêtres en activité. On en oublie une évidence : à travers les réseaux des catéchistes, des bénévoles du Secours catholique, des équipes CCFD, des Equipes d'animation paroissiales, des conseils pastoraux, de l'accueil des familles en deuil, et tant d'autres choses qui constituent un maillage vraiment unique dans la société française, l'Eglise catholique est pour notre pays une force vive indispensable ; les difficultés qu'elle rencontre aujourd'hui, si l'on fait abstraction de la crise des vocations (OK ce n'est pas rien), sont les mêmes que celles qui traversent les autres composantes de notre pays.

jeudi 5 mars 2009

Du bon usage des bons mots.


Ça y est : le petit auto-collant que je voyais affiché sur les descentes de gouttières dans les rues de Dijon a fini par fleurir, un peu avant l'arrivée du printemps, sur le panneau d'affichage de l'église.

"A bas toutes les religions". Bonne idée : comme ça, on évite de dire "mort aux Juifs", "les Arabes dehors". C'est plus tendance que "à bas la calotte", franchement daté, mais ça évoque les bons souvenirs de l'époque du petit père Combe. La citation de Bakounine donne un vernis intellectuel - elle pourrait évoquer aussi cette autre citation, du même auteur, qui ne prenait pas de gants, lui, pour parler des Juifs "peuple de sangsues assoiffé de sang". Elle fait l'impasse, tout de même, sur ce fait : les deux grands totalitarismes du XX° siècle ont été deux machines de guerre dirigées contre les religions, et contre l'une d'entre elles en particulier.

Bref. Le site de la fédération anarchiste, cité en référence, est curieusement bien discret sur la question. Moi, je me pose juste une question : qu'est-ce qu'on leur a fait, à ces gens-là ? Pourquoi sont-ils aussi oublieux -ignorants ? - de l'histoire ? Quel monde se proposent-ils de construire, puisqu'apparemment le liberté d'opinion n'y aura pas droit de cité ? Pourquoi sont-ils aussi désireux de se construire un adversaire qui n'existe pas en réalité ?

mercredi 4 mars 2009

Histoires d'IVG, histoires d'argent

Une interview du patron de la maternité du CHU, dans le Bien Public de samedi, met courageusement le doigt sur deux non-dits (à défaut d'être des tabous...) : les réticences (pour ne pas parler de refus) du corps médical dans son ensemble à pratiquer des IVG ; la logique de rentabilité qui pousse à ne pratiquer que les actes les plus coûteux - c'est-à-dire les mieux rémunérés. L'article, quant à lui, met l'accent sur l'échec de la contraception que signalent ces difficultés, et suggère qu'on fasse appel aux sages-femmes pour pratiquer les IVG... Tout ça pour dire que le journaliste n'a sans doute pas compris ce que voulait dire le médecin qu'il interroge : tout le monde veut que l'IVG soit libre, mais personne ne veut se charger du sale boulot. Alors, faisons-le faire par les sages-femmes : comme elles n'ont pas prêté le serment d'Hippocrate, elles ne peuvent pas s'en prévaloir pour refuser de faire le travail.

On aimerait que le professeur Sagot aille plus loin dans ce qu'il dénonce. Mais le peut-il vraiment ?

L'interview de Paul Sagot