samedi 19 novembre 2011

Place nette (suite) : des nouvelles des demandeurs d'asile.

Ils campaient place Wilson, ils avaient disparu. On les a retrouvés, eux et les six cents autres qui attendent de se voir accordé (ou refusé) l'asile qu'ils demandent à la France : ils se trouvent à Dijon, rue du Dr Bertillon ; à Chenove, rue Paul Langevin ; ailleurs, dans la zone Nord... Dans des locaux abandonnés, sans électricité, avec un peu d'eau courante, et dans le froid.

On entend déjà des (justes) remarques : nous ne pouvons pas accueillir le monde entier sans mettre en péril notre mode de vie. C'est vrai. Mais l'une des caractéristiques de la démocratie dans laquelle nous vivons, c'est le respect de l'état de droit. Que dit le droit ? Que ces hommes et ces femmes, en attendant que soit statué sur leur sort, ont le droit à des conditions de vie qui respectent leur dignité. Le corollaire est, sans aucun doute, d'accepter la décision qui sera prise au final. En attendant, on ne peut laisser personne dehors en hiver.

Alors, on va faire un effort. Il faut des matelas, des couvertures, des réchauds pour cuisiner, des casseroles, des assiettes, des tables, des chaises, de quoi manger et se laver... On apporte tout ça rue du Dr Bertillon, ça donnera l'occasion de voir sur place à quoi ressemblent nos hôtes...

Associations signataires de l'appel : ACAT Dijon ; Action Catholique Ouvrière ; ADiSaR ; Afrane ; Amnesty International ; ATTAC 21 ; Club Unesco Dijon ;CCFD Terre Solidaire ; Espace Autogéré des Tanneries ;Fraternité St François d'Assise; FSU 21 ; La Cimade ; La Vie Nouvelle ; LICRA ; Ligue des Droits de l’Homme ; MRAP ; Pastorale des Migrants ; RESF21; Secours Catholique ; SOS Refoulement ; Syndicat de la Magistrature.

mercredi 16 novembre 2011

Croire dans ceux qui croient.

Une enquête menée conjointement par Sciences-Po et le ministère des armées donne un résultat surprenant : 85% des jeunes (lycéens) ont confiance dans l'armée. L'armée française est, et de loin, l'institution dans laquelle les jeunes français ont le plus confiance, devant l'école (78%), les entreprises (60%), la justice (59%)... et très loin devant l’Église, qui enregistre un petit 28% (dont 9% de "tout-à-fait confiance"), et se situe juste avant la télévision (24%) et les partis politiques (13%). Dans le même ordre d'idées, 7% des jeunes sondés se déclarent prêts à faire partie d'une association religieuse (45% d'un club sportif). 29% se déclarent catholiques, 51% sans religion : on imagine volontiers que les seuls jeunes qui ont confiance dans l’Église sont ceux qui se déclarent catholiques. Ce qui ne va pas sans poser problème.

Ce n'est pas jouer les Cassandre que de prédire que, si on s'en tient là, ces 28% de lycéens seront les 28% de catholiques de demain - deux Français sur trois aujourd'hui ; voilà qui annonce pour l’Église des lendemains fort difficiles. Car on n'imagine pas les trois quarts restants faisant baptiser leurs enfants ou se mariant religieusement, à moins de les faire changer d'avis.

On aimerait, du coup, en savoir plus long. Qu'est-ce qui vaut à notre Église une si mauvaise opinion de la part des jeunes ?

Peut-être, en attendant que la conférence des évêques de France ne se lance dans un travail équivalent, cela vaut-il le coup de regarder pourquoi l'armée a si bonne presse, et en tirer quelques leçons pour l’Église.

Première constatation, qui ne surprendra personne : une bonne communication (spots à la télé en particulier) a permis un redressement spectaculaire en une petite vingtaine d'années. Cette communication, chose intéressante, s'appuie sur l'usage que font en particulier les garçons des jeux vidéos, grands pourvoyeurs d'images guerrières. Interrogeons-nous donc sur notre propre communication : quel est l'impact, auprès des jeunes, des images diffusées ces dernières semaines de manifestants priant le chapelet dans les rues de Paris, ou appelant à une contestation violente contre une œuvre supposée blasphématoire ? Quelle image dans cet univers culturel que sont les jeux, la bande dessinée, la télé ? Pourquoi ne parvient-on pas à mettre en avant l'action des organismes de solidarité de l’Eglise ? Sa présence de proximité auprès des familles, dans les moments les plus importants de leur vie ?

Deuxième constatation : les missions prioritaires de l'armée sont comprises comme des missions de protection, ou des missions humanitaires au sens large (opérations de maintien de la paix), ce qui est cohérent avec les préoccupations des jeunes (environnement, faim dans le monde, risques de guerre). Il serait intéressant de savoir ce qui, pour les jeunes, devrait être la préoccupation première de l’Église ; il y a gros à parier que la charité viendrait en premier. La présence de l'Eglise dans ce domaine est immense et mal connue des catholiques eux-mêmes.

Certes, on peut douter de la valeur de ce genre d'enquête, remarquer que les jeunes n'ont pas eu encore de véritable contact avec l’Église (ni mariage, ni baptême...), affirmer que ce qui doit être annoncé c'est le Christ et non l’Église. Une chose est certaine : si nous ne parvenons pas à faire grandir la confiance dans l’Église, les chrétiens, de minoritaires qu'ils sont déjà, vont devenir un corps étranger dans une société qui finira par les rejeter.

vendredi 4 novembre 2011

Tous saints ?


Ce matin, grande première : dans le cadre de l'heure d'échange (je crois que ça s'appelle comme ça), je devais intervenir devant deux classes de 4T (quatrième technologique) pour leur parler de la Toussaint. A huit heures. Du matin. Les profs sont sans pitié.

En entrant dans la classe, je me demandais ce que j'allais bien pouvoir dire à ces ados pour les intéresser. En sortant, je me suis dit : "Pari gagné..." On a passé deux fois une heure à parler, peut-être pas de Dieu, mais au moins de ses saints, du christianisme, de sa place dans la France d'aujourd'hui et dans le monde. Car les saints sont bien présents dans notre pays, plus encore peut-être que Dieu : tout le monde (enfin les baptisés) a un saint patron, c'est fou d'ailleurs ce que ça les a intéressés, ces jeunes, d'en savoir un peu plus sur celui dont ils portent le nom ; tous les villages ont des églises consacrées à un saint particulier, et certains s'appellent eux-mêmes Saint quelque chose. Comme quoi, quand on parle du christianisme, ça aide à mieux se connaître et à comprendre le monde dans lequel on vit.

A midi, je retrouve par hasard un ami perdu de vue depuis quelque temps. Il s'étonne de ce temps d'échange, dans lequel on ne présente que le christianisme : n'est-ce pas irrespectueux d'une laïcité qui impose que les différentes religions soient traitées sur un pied d'égalité ? n'est-ce pas intéressant de connaître également l'islam ? le judaïsme ?

A la réflexion, je réponds : non. Enfin, si, c'est intéressant ; mais pas aussi important. Car l'objectif de ces temps d'échange n'est pas d'abord une ouverture au religieux ; il est de faire prendre conscience de l'importance du religieux dans le monde dans lequel nous vivons, et du coup d'aider à la compréhension de ce monde. Bien sûr que l'islam a sa place dans ce pays. Mais il marque infiniment moins nos manières de vivre. Connaître l'islam pour un chrétien (un agnostique, un athée), c'est s'intéresser à l'autre, ce qui est honorable ; c'est peut-être aussi comprendre mieux un bon nombre de nos compatriotes, dont les manières de vivre et de penser sont influencés par lui. Quoiqu'on en dise, ce n'est pas mieux connaître la France que de mettre sur un pied d'égalité des religions qui n'ont pas la même importance pour comprendre la culture de ce pays-ci. Je dirais même plus : c'est fausser notre regard.

Une anecdote pour conclure : cet été, mon neveu sert la messe du 15 août. Avant de sortir de la sacristie, pris d'un scrupule, il se tourne vers moi et me demande : "C'est une église ou une synagogue ?" Ses parents m'ont expliqué qu'il avait eu, en catéchèse, une année où on avait beaucoup insisté sur la connaissance des différentes religions. Cette manière de faire l'avait peut-être éveillé à l'importance du dialogue inter-religieux, mais ne l'avait apparemment pas aidé à comprendre ce qui se passait dans son propre monde.

mardi 1 novembre 2011

Visage montré, visage caché.

A l'heure où l'archevêque de Paris "siffle la fin de la récré", pour reprendre la jolie expression de la consoeur Natalia Trouiller dans La Vie, quelques lignes (tardives ? Mais il faut savoir prendre un peu de recul avec l’actualité) à propos de la pièce controversée de Romeo Castellucci. Et plus encore sur la manifestation de protestation qui s'est déroulée samedi dans les rues de Paris.

Pour commencer, une citation de l’archevêque de Paris : ''On est en face de gens qui sont organisés pour des manifestations de violence et pour obtenir ce qu'ils ont obtenu d'ailleurs, une place dans les journaux''. On a vu en effet, bénéficiant d’une couverture médiatique des plus complaisantes, un gros millier de personnes dans les rues de Paris. Pour info, la cathédrale de ma petite ville de province compte 1400 places, il n'est pas rare de la voir pleine à craquer, mais les médias s’en moquent. Ce qui s'est donné à voir de l’Église catholique samedi n’est qu’un petit groupe de personnes déterminées et extrémistes, d'autant moins crédibles qu'elles ont protesté contre une pièce de théâtre qu'elles ne s'étaient pas donné la peine de voir. Ce qui reste caché, ce sont les milliers de petites mains anonymes qui tissent un formidable réseau de solidarités spirituelles et humaines : bénévoles du Secours catholique, correspondants du CCFD, animateurs liturgiques, catéchistes, équipes d'accueil de familles en deuil, membres de mouvements de jeunesse, visiteurs de malades... Ceux-là ne manifestent jamais. L’Église a deux visages : celui des plateaux télé, celui qui restera à jamais loin des feux de la rampe. Le vrai visage est bien sûr celui qui est caché. Qui le dira ?

Ce qu’on a vu samedi n’est pas né d’hier, mais été précédé par un énorme travail de présence dans les médias, et particulièrement dans le plus facilement manipulable d’entre eux, Internet. Ces gens sont « organisés pour des manifestations de violence », dit Mgr Vingt-Trois : dans le réseau virtuel des fondamentalistes de tout poils, la violence n’est que verbale, mais elle n’en est pas moins réelle. Ceux qui osent élever la voix pour la dénoncer sont pris à partie sans ménagement – il m’arrive de temps en temps d’en faire les frais.

Comment se fait-il que ce soit ce visage-là de l’Eglise qui se soit montré cette semaine ?

C’est que l’autre visage est occulté.

D’abord parce qu’il n’intéresse aucun média. On ne vend pas un journal qui titre « Aujourd’hui, il ne s’est rien passé ». Dans l’Eglise (la vraie), il ne se passe pas grand-chose : on essaye juste de faire le bien et de prier Dieu. Ça ne vaut pas le coup d'en parler.

Ensuite et surtout, à cause de la conception bizarre de la laïcité qui prévaut dans beaucoup d’esprits : en République, il faudrait absolument ignorer l’existence du religieux. Ignorons donc, nions, refoulons. Comme on peut s'en douter, ce qui est refoulé violemment – même si cette violence est légale – ne tarde pas à se manifester de la même manière. C’est ce qui se passe sous nos yeux. Castellucci a déclaré que la France était le seul pays dans lequel s’étaient déroulées ces manifestations de protestation : c’est parce que, dans notre pays, la sécularisation s’impose par la force. La vraie christianophobie n’est évidemment pas dans une œuvre d’art ; elle se vit au quotidien, dans un mélange de mauvaise foi, de mensonge et de méconnaissance du christianisme qui se répand à toute vitesse. Il fallait entendre la semaine dernière sur une radio nationale cette auditrice qui se disait persuadée que l’Eglise encourageait la souffrance des malades dans les hôpitaux ; ou cette autre, estimant que toute religion était source de violence… La manifestation de samedi n’a fait que donner du grain à moudre à ceux qui tiennent ce genre de propos. Elle n’est sans doute pas, hélas, la dernière du genre. La preuve : les paroles de condamnation sans appel du cardinal Vingt-Trois sont loin d'avoir bénéficié du même traitement médiatique que la présence de nos excités intégristes. Un homme contre mille. La cause est entendue.