mardi 31 août 2010

Belles choses de l'été (4) - Plus de vérité sur l'Afrique.


Quatrième belle chose de l'été - elle vient d'arriver, mais elle couvait depuis longtemps : au moment où les Africains victimes de la guerre ont tant de mal à trouver refuge chez nous, l'ONU, par la voix de son Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme, recense dix années (1993-2003) de crimes de guerre en République Démocratique du Congo. Le mot de "génocide" est enfin prononcé à ce sujet, ce qui déclenche évidemment l'ire du minuscule et puissant voisin rwandais, désigné comme principal responsable de ces crimes et qui revendique pour lui seul l'usage du mot qui fait trembler les États.

Rien de nouveau, bien sûr, dans ce rapport. Cela fait des lustres que les évêques du Congo dénoncent une situation qui n'a fait qu'empirer. Et, hélas, rien ne s'est terminé en 2003. Au Rwanda, Paul Kagamé vient d'être réélu Président avec 93% des suffrages, les observateurs de la même ONU déclarant sans rire qu'ils n'avaient constaté aucune irrégularité dans le scrutin (normal, il avait éliminé tous les autres candidats dangereux pour lui). Le même Kagamé conseille aujourd'hui, non sans cynisme, d'enquêter plutôt sur les agissements des soldats de l'ONU, et menace de retirer ses propres troupes des contingents onusiens actuellement en opération. Mais ce rapport, lorsqu'il sera définitivement approuvé, ouvre la possibilité d'un futur tribunal pénal international pour juger des crimes terribles commis alors par les belligérants. Un peu d'espoir, donc, pour les habitants de ce pays et pour tous ceux qui, en Afrique, souffrent autant des guerres que de l'impunité de ceux qui les déclenchent.

PS : Petite pensée pour le Père Pierre Ntiama, longtemps vicaire à la paroisse Sainte-Bernadette de Dijon, et qui s'est vu refuser cette année, pour une raison obscure, son visa pour la France.

samedi 28 août 2010

Belles choses de l'été (3) - Ministres et serviteurs.

Troisième belle chose de l'été : la session de formation des futurs diacres de Bourgogne. Ils étaient treize, avec leurs épouses, plus des diacres déjà expérimentés pour les accompagner et aider éventuellement les intervenants à ajuster le tir.

Je me répète : c'est un nouveau visage de l'Eglise, une révolution silencieuse, qui commencent là. Le diaconat prend lentement sa place dans les diocèses français : on y découvre une nouvelle figure du ministère ordonné. Ce qui saute aux yeux en général est qu'il s'agit d'hommes mariés (pas toujours) ; mais quand on prend la peine d'aller un peu plus loin, on dépasse cette première impression pour découvrir autre chose : des hommes au travail ; des hommes qui manifestent que l'Eglise est là fondamentalement pour un service de l'humanité, et qui sont là pour rappeler que tout ministre de l'Eglise est là pour ce même service ; des hommes qui partagent, davantage que les prêtres, les conditions de vie de leurs contemporains, leurs questions, leurs difficultés et leurs joies. De plus en plus, ce sont ces mêmes hommes qui marient, baptisent, célèbrent des funérailles : c'est-à-dire qu'ils se manifestent en public dans le rôle qu'on attribue le plus souvent aux prêtres.

Quand ils ont restauré le diaconat comme "degré permanent du sacrement de l'ordre", les évêques à Vatican II n'avaient sans doute absolument pas mesuré l'impact de cette décision ; en tout cas, ils n'avaient guère d'idée précise sur ce qu'allait devenir le diaconat - et n'ont pas donné beaucoup de détails sur le contenu de ce qui s'avère être un nouveau ministère. C'est pourquoi on entend souvent les gens se demander ce que c'est qu'un diacre : normal, on est en train d'inventer (de réinventer ?) le diaconat. Cette réinvention se fait pas à pas, au plus près des préoccupations et des besoins des Églises.

jeudi 26 août 2010

Belles choses de l'été - 2 : coup de rouge dans le Médoc.



Dans la série "belles choses de l'été", un événement qu'on ne pouvait pas manquer : en plein coeur des vacances, 10 000 scouts et guides de France se sont retrouvés à Fort-Médoc, au bord de la Gironde, pour un jamboree rassemblant pionniers et caravelles (14 à 17 ans).

Une gageure ; et pourtant ils l'ont fait. La dame de l'office de tourisme en était tout émue : "Quand je les ai vus arriver sur le bateau, en chantant à tue-tête, j'ai eu envie de pleurer..." Et de ne point tarir d'éloges sur la gentillesse, la bonne éducation, et patati et patata, j'aurais aimé que les responsables du mouvement entendent ça. Car réunir autant de garçons et de filles de cet âge, les faire camper ensemble, leur donner à manger et de quoi se laver... Pas évident. Peut-être bien qu'il n'y a que les cathos à le faire, chez nous, avec aussi peu de moyens.

Moi, j'y allais avec un boulot bien précis : témoigner à deux reprises de ce que cela veut dire, être prêtre dans la cité des hommes. Ah oui, parce que le thème du rassemblement, c'était justement : l'engagement au service de la Cité, d'où le nom, vous l'avez compris. Avec une couleur écolo : chacun devait rejoindre le lieu du jamboree avec le moyen de locomotion le moins crade possible (perso, j'ai commencé en bateau et fini en vélo).

Une question, depuis, me trotte dans la tête. Après le témoignage du curé de service, il y avait un temps de questions. Et là, ça y allait sur l'Eglise ringarde, le pape qu'on ne comprend pas, la messe où on s'ennuie, et tout ce qu'on peut trouver à la fois comme poncifs sur l'Eglise dans le monde des jeunes et comme interpellations auxquelles on ne peut échapper.

Alors, deux questions dans la question.

La première : oui, c'est vrai, ce sont des poncifs, c'est superficiel, ça ne rend pas justice à la vérité de ce que vit l'Eglise, à la complexité des sujets sur lesquels elle intervient, tous ces jeunes répètent trop ce qu'ils lisent et entendent dire et ne parlent pas de l'expérience de foi qu'ils vivent au sein de leur mouvement. Ca, c'est un problème : le décalage entre ce que vivent ces croyants en Eglise, et le retour qu'ils en ont à travers le filtre des médias et des copains de lycée. D'un côté, une formidable expérience de foi qui les construit et les marque pour la vie. De l'autre, un injuste dénigrement. Comment amener ces jeunes à parler d'abord de ce qu'ils vivent, avant de porter une parole critique sur l'institution ?

La deuxième : les questions posées - quelques-unes en vrac : célibat des prêtres, accès des femmes au ministère ordonné, pertinence des prises de position éthiques dans l'Eglise, place des jeunes dans les communautés chrétiennes, liturgies mal vécues - le sont avec tant d'insistance qu'on ne peut pas passer à côté. A cet âge-là, et dans ce mouvement-là, ce sont des garçons et des filles, bientôt des hommes et des femmes, engagés dans l'Eglise, qui les posent. Il y a, là, un débat interne à l'Eglise, qui reprend les interpellations et les incompréhensions de la société française à son égard. Ce débat pourra-t-il se poursuivre pour eux au sein de cette Eglise qui les a portés jusque-là ? Ou bien choisiront-ils de le mener d'un autre lieu, du-dehors de l'institution ? Il y a bien, aujourd'hui, des lieux de débat au sein de l'Eglise. Mais ces lieux ne sont guère fréquentés que par des gens de mon âge et au-delà. Les jeunes, eux, en grandissant, préfèrent se sauver sur la pointe des pieds, et ça me pose un problème.

PS 1 : Une vidéo, parmi d'autres :


Le grand Récap' de CitéCap - 26/07/2010
envoyé par scoutsetguides. - Regardez les vidéos des stars du web.

PS 2 : Petit clin d'oeil à Jacqueline, cheftaine qui m'a accompagné pendant ces journées à Cité Cap, et lectrice fidèle du Blog du Curé...

lundi 23 août 2010

Belles choses de l'été - 1 : Roms.

Pour reprendre l'activité en douceur, quelques billets évoquant rapidement ce qui s'est passé d'intéressant cet été. Aujourd'hui : les Roms.

Non pas, bien sûr, que je me réjouisse des déclarations d'un certain nombre de nos élus (et non des moindres). Mais entendre la France se faire rappeler à l'ordre successivement par l'ONU (droits de l'homme), la commission européenne (liberté de circulation), le pape (souci des pauvres et des étrangers), ca fait du bien même si ça fait aussi de la peine. Découvrir que les catholiques, dont il paraît que la moitié avait voté à droite dès le premier tour, commencent - enfin - à se poser des questions, ca donne de l'espérance. Apprendre que le ministre de l'Intérieur veut parler de tout ça avec l'archevêque de Paris, on se prend à penser que les gouvernements ne s'intéressent pas aux cathos que pour la messe du 11 novembre, et que des fois ils prennent au sérieux ce que dit l'Eglise.

Bref, je me sens moins seul. Car, à l'intention des nouveaux lecteurs de ce blog, je rappelle que mon premier article sur le sujet date de mars 2006 ; que c'est grâce au lobbying des chrétiens de la paroisse Jean XXIII, et à l'intelligence d'un maire sensible au sort des pauvres, que des Manouches avaient pu bénéficier d'un logement décent ; et que, depuis que Sergiu est devenu enfant de choeur à la paroisse, pour les gens du quartier les Roms ont maintenant un visage : celui d'un enfant de dix ans et de sa gentille maman qui fait ce qu'elle peut pour lui donner à manger et le vêtir décemment.

Pour conclure sur le sujet : je me souviens d'une réunion avec les paroissiens et le père Pierre, qui était alors mon vicaire congolais. On y parlait, déjà, des Roms. Et je voyais, sur le visage de Pierre, s'épanouir le sourire de l'Africain qui n'arrive pas à comprendre de quoi on parle. Alors, je lui ai expliqué : il y a en Europe plusieurs millions de nomades, dont on se préoccupe finalement assez peu et dont on dit beaucoup de mal, qui n'ont pas les mêmes droits que les sédentaires. Depuis dix ans qu'il était là, Pierre n'en avait jamais entendu parler. Un silence qui en dit long.