vendredi 30 janvier 2009

On n'en finira pas comme ça avec les fondamentalismes.

Toujours en marge de l' "affaire" de la levée de l'excommunication des évêques lefebvristes, voici une conviction : excommunié ou pas, le fondamentalisme est une des données essentielles du religieux aujourd'hui, que l'on rencontre à l'intérieur du mouvement d'Ecône, mais aussi dans l'Eglise catholique, dans les Eglises protestantes, dans l'orthodoxie et dans tous les mouvements religieux. Il est l'une des manifestations, sans doute la plus paradoxale, de la modernité, dans le champ du religieux : expression, à la fois, de la liberté qui est donnée à chacun de construire sa propre démarche spirituelle comme il l'entend ; et, sans aucun doute, d'une inquiétude vis-à-vis d'un monde perçu comme dangereux.

Que faire, donc, avec les fondamentalismes ?

Les excommunications ne sont certainement pas une solution. Elles aboutissent à marginaliser davantage une population qui a déjà tendance à s'estimer mise à l'écart, et concourent au morcellement du paysage religieux.

Une voie semble incontournable, celle de la compréhension et de l'analyse du phénomène, en le resituant dans ce grand mouvement dans lequel nous sommes embarqués sans trop savoir où nous allons et auquel nous donnons le nom commode de "modernité". Un mouvement qui transforme de fond en comble notre rapport à l'autorité et aux dogmes : sous ce rapport, il est frappant de constater que le lefebvrisme a été d'abord un refus d'adhérer aux décisions d'un concile, et d'obéir au magistère de l'Eglise ; position éminemment "moderne", qui ne peut se fonder en dernière analyse que sur la revendication d'une liberté de conscience totale vis-à-vis de l'enseignement romain. Il est frappant, aussi, de constater à quel point les disciples de Mgr Lefebvre "habitent" des rites et des convictions à un degré qui était sans doute inconnu des générations précédant Vatican II : souci de la beauté des lieux et des célébrations, travail approfondi sur les textes, connaissance fine de l'histoire de l'Eglise, tout cela manifeste davantage la nouveauté de l'intégrisme que son enracinement dans une tradition vécue.

Des liens pour aller plus loin :
- Une interview de Danièle Hervieu-Léger
- Un article de Jean Baubérot

jeudi 29 janvier 2009


Pour suivre le débat lancé par le journal La Croix :

http://vatican-integristes.blogs.la-croix.com/

Le silence des pasteurs.

La Croix n'a pas manqué de le relever : bien peu de mes confrères blogueurs se sont exprimés sur le début de pardon accordé par le pape aux évêques lefebvristes... Bien peu, à commencer par votre serviteur, qui n'a pas manqué d'être interpellé par quelques-uns de ses lecteurs.

Pourquoi les pasteurs ne disent-ils rien ?

Je ne veux pas parler à leur place, mais puisque j'ai la parole, je la prends, comme dirait l'autre. Voici donc les raisons de ce silence :
  • D'abord parce que j'étais à Paris et ne suis revenu que mardi soir ; et que, hier, il m'a fallu écrire un petit billet pour La Croix qui prépare un blog dédié à l'événement, sur le modèle de ce qui avait été fait pour la venue en France de Benoît XVI.
  • Aussi, parce qu'une sortie de messe un peu houleuse dimanche m'a fait réaliser à quel point le sujet était sensible, et donc le recul difficile à prendre, sur ce sujet. Surtout avec le choc provoqué par les déclarations de Williamson.
  • Aussi, parce que je trouve qu'il y a des choses plus importantes à dire sur l'Eglise que cet épisode, qui n'est qu'une étape (symboliquement importante, j'en conviens) dans la négociation qui s'ouvre, et qui ne concerne qu'une petite poignée de gens.
  • Mais surtout, surtout, parce que je pense que les excommunications ne règlaient pas la question de fond à laquelle nous sommes affrontés : on n'en a pas fini avec les fondamentalismes, ni chez les catholiques, ni ailleurs ; ils sont une expression structurelle de la modernité, et ce n'est pas en disant que nous n'avons rien à voir avec ces gens-là (ce qui est un peu vrai, quand même, mais aussi un peu faux) qu'on résoudra le problème. J'aimerais bien qu'on entame la conversation sur ce sujet.
Pour conclure, une petite histoire qui date de mardi soir : ça se passe lors d'une rencontre de chrétiens où nous avions providentiellement décidé de parler de Vatican II. Marielle, mariée avec un divorcé, me pose la question, en toute innocence : "Alors, si je comprends bien, ils n'avaient plus accès aux sacrements, et maintenant ils l'ont ?"

Que voulez-vous dire après une telle question ? Que l'Eglise entende la souffrance des chrétiens qui ne se reconnaissent pas dans toutes les orientations prises par l'Eglise après Vatican II, soit. Mais je ne peux être sourd à cette autre souffrance qui s'est exprimée, une fois de plus, ce soir-là, sans avoir été entendue. Les grandes souffrances sont muettes : c'est aussi pour cela que je n'ai pas envie de parler.

Merci à Caran d'Ache pour son involontaire participation

mercredi 28 janvier 2009

Les pauvres travaillent aussi.

Lundi et mardi, à Paris : rencontre annuelle des "Antennes sociales", groupes de chrétiens qui portent dans leurs diocèses le souci des questions de société. Denis Clerc y présentait son dernier ouvrage : La France des travailleurs pauvres. On y découvre, non sans inquiétude, que plus d'un million et demi de personnes sont en France considérées comme des travailleurs pauvres, c'est-à-dire vivant avec moins de 880 euros par mois : travailleurs au SMIC à temps partiel, emplois temporaires, foyers vivant avec un seul SMIC.

L'explosion de ces situations est dûe : pour une part, à la dégradation du marché du travail ; pour une autre, aux mauvaises conditions dans lesquelles le chômage est indemnisé ; enfin, à la fragilité des situations familiales (divorces, parents isolés).

Le débat qui a suivi n'a porté que sur les deux premiers points. Comme si l'économie était incapable de prendre en compte les difficultés provoquées par le bouleversement des structures familiales.

Pour aller plus loin :
- Une enquête de l'observatoire des inégalités
- Un travail produit par l'université d'Evry

- Rendez-vous jeudi 5 février à 20H30, salle Robert Schuman à Talant, pour une rencontre avec Denis Clerc.

dimanche 25 janvier 2009

Paix et Justice.

Bonne nouvelle du Congo : le général Nkunda a été arrêté par ses anciens supporters rwandais, et les deux armées congolaises et rwandaises semblent maintenant collaborer pour finir la guerre.

Bonne nouvelle qui se nuance de questions :

- L'initiative de paix, d'origine française, semble comporter un projet d'exploitation commune (RDC-Rwanda) des richesses minières de l'Est du Congo. En clair, cela signifie qu'un des objectifs du Rwanda, jamais avoué -mettre la main sur tout ou partie des richesses de son voisin - est atteint par la guerre.

- L'un des artisan de ce renversement des alliances est le "général" Bosco Ntaganda, qui a été surnommé Terminator en raison de son comportement durant la guerre et des innombrables crimes qu'il a effectués. Cela suppose-t-il que la cour pénale internationale suspende les poursuites dont il est l'objet ?

Pas de paix sans justice : cette vérité, proclamée depuis le livre des Psaumes à Jean-Paul II, mérite d'être rappelée à cette occasion.

Carte : www.lemonde.fr

samedi 24 janvier 2009

Il ferait bien de passer.


Jeudi dernier, sortie du Restaurant universitaire. Un étudiant interpelle ceux qui y ont pris leur repas : "Si tu avais une question à poser à Dieu, ce serait quoi ?"
Réponse de l'un d'entre eux : "Quand est-ce que tu passes me voir ?"

Merci Alban pour cette histoire, plus profonde qu'elle n'en a l'air.

jeudi 22 janvier 2009

Au-delà du bien et du mal.

Le conflit israélo-palestinien va-t-il avoir des conséquences chez nous ? En tout cas, il agite les consciences et fait bouger les frontières... Il n'y a pas les bons et les méchants, il y a seulement une guerre qui ne sert à rien. Témoin, ces entretiens menés par La Gazette de Côte d'Or, qui permet d'entendre la voix d'une grande dame : Evelyne Reberg, juive et sensible à la cause palestinienne.

La Gazette de Côte d'Or - n°141 - Allez à la page 12.

Carte : Le Monde diplomatique

The man of the future.

Petit moment d'agacement qui vient ternir la liesse générale : le nouveau président américain nous est présenté comme "l'homme du futur".

L'homme du futur ? Aussitôt se présentent à mon esprit inquiet des images de cyborg, le corps scarifié, les organes trafiqués, squelette de carbone et muscles d'acier. Il nous vient par l'entremise d'une machine à voyager dans le temps, à moins que ce ne soit d'une autre planète. L'homme du futur, c'est l'homme de l'inconnu, car le futur, nous ne le connaissons pas. A vrai dire, il n'existe même pas.

Je lui préfère l'homme de l'avenir : l'avenir, c'est, au sens propre, ce qui advient, ce qui est en germe, qui commence aujourd'hui et se révèle déjà lourd de promesses. L'avenir a des racines, il est une plante dont nous voyons les premières pousses et dont on espère qu'elle sera un jour le plus bel arbre du jardin.

Bien sûr, il y a derrière tout cela un problème de traduction : l'anglais dit "the man of the future". Attention aux faux amis, disait ma prof d'anglais au collège. Il me vient alors une question : la langue anglaise est-elle langue du futur ou langue de l'avenir ?

vendredi 16 janvier 2009

Sans religion, mais avec quoi ?

Sur ce blog se croisent, et s'expriment parfois, pour le plus grand bonheur de son rédacteur, croyants et incroyants, "talas" et libertaires de la foi.

L'un d'entre eux m'écrivait l'autre jour son agacement à être appelé "a-thée", "in-croyant", "sans-religion". Comme si la norme était d'être : déiste, croyant, religieux. Moi, disait-il en substance, je n'existe pas par rapport à ceux qui ont la foi. Croire ne me fait pas défaut. Je suis né là-dedans, et les convictions qui me font vivre ne se dessinent pas en creux par rapport aux tiennes.

Comment parler positivement (c'est-à-dire : sans les définir par ce qui leur manquerait, mais qui en définitive ne leur manque pas) de ces hommes et de ces femmes qui représentent, je crois bien, environ le tiers de la population française ? Dans un numéro déjà ancien du Monde diplomatique, le sociologue Dominique Vidal se livrait à un portrait de La France des sans-religion que je livre à votre bonne lecture.

La France des sans-religion, in Le Monde diplomatique de septembre 2001

P.S. Dans la rubrique "on parle de moi dans les médias", le Bien Public de ce jour publie un article sympa, sous la plume trop bienveillante d'Emmanuel Haslé. Article qui est un prélude à une série d'autres sur les blogs côte d'oriens dans ce même journal.

jeudi 15 janvier 2009

Canicule à l'envers.

Les grands froids sont arrivés. C'est beau, c'est bon, et... c'est froid. Pour beaucoup, c'est un cap très difficile à passer : sait-on que les mois d'hiver font plus de victimes que la fameuse canicule qui fut chez nous si meurtrière ?

Du coup, la semaine paroissiale a été marquée par des célébrations d'obsèques. Des moments pas toujours faciles pour un prêtre, qui se trouve alors confronté à des demandes complexes et à une population peu habituelle : la mort rassemble des gens de tous horizons, de toutes convictions, de tous milieux sociaux.

Le plus dur n'est pas d'accueillir la douleur des familles et de les accompagner. Le plus dur est de se retrouver face à une assemblée complètement paumée dans le rituel chrétien : beaucoup ne franchissent le seuil de l'église qu'à l'occasion des funérailles. C'est alors l'occasion d'un constat impressionnant : ces enfants qui fréquentaient en masse, dans les années soixante, les bancs du catéchisme, sont aujourd'hui, sinon incroyants, du moins très loin de l'Eglise. Presque plus personne ne fait le signe de croix, ne répond "amen". L'arrière-grand-mère qu'on enterre allait à la messe tous les jours, sa fille tous les dimanche, son petit-fils est allé au catéchisme, et les arrière-petits-enfants sont, au mieux, baptisés, mais n'ont aucune culture chrétienne.

mardi 13 janvier 2009

Après les sectes, les sorciers.

Lundi matin, on jugeait un sorcier à Dijon. Il faut le faire quand même ! Il avait extorqué 160 euros à un personne déficiente psychique, en échange de Dieu sait quel service. En Afrique, il paraît que ce genre de procès est monnaie courante : et les juges sont bien ennuyés pour faire leur travail, car le Code civil et le Code pénal, héritiers de la tradition napoléonienne, ignorent superbement ces situations.

Le chiffre d'affaires de la sorcellerie en France étant supérieur à celui de la médecine libérale, si on jugeait tous ceux qui en tirent profit, les tribunaux seraient encore plus encombrés qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Lire le Bien Public de ce matin

jeudi 8 janvier 2009

Des gens qui ont la secte facile.

Ces derniers temps, les médias locaux ont découvert (un peu tard...) une nouvelle secte : autour d'une femme qui prétend voir la Vierge à intervalles réguliers, un petit groupe de gens vit en communauté. Certain d'entre eux ont rejoint le groupe contre l'avis de leur famille, d'anciens adeptes se plaignent d'avoir subi des pressions, du chantage affectif, et d'une manière générale du déséquilibre manifeste de celle qu'on appelle la "gourelle".

Problème : a priori, rien ne peut être vraiment retenu contre elle... Il faut lire l'interview accordée par le délégué de la Miviludes pour s'en rendre compte : "des pratiques pouvant conduire à un comportement anormal dans la société", "il a été fait état de mariages", "des enfants participent aux séances de prière", et pour les accusations, exclusivement portées par le journaliste de La Gazette de Côte d'Or, de consommation de drogue ou de dérapage sexuel, rien de tel. On en profite pour mettre en cause, avec délectation, l'archevêque de Dijon.

Il y a deux trucs qui me gènent là-dedans. Le premier : toutes les personnes en cause sont majeures et elles sont libres d'aller où bon leur semble ; si d'autres ont regretté leur choix après coup, c'est dommage pour elles mais il est normal de subir les conséquences de ses actes, tant qu'il n'y a rien eu de vraiment répréhensible. Le deuxième : l'attitude de la Miviludes, qui est chargée de veiller aux dérives sectaires mais qui, dans ce cas-là, me semble instruire un procès à charge.

Je ne dis pas que ce mouvement soit au-dessus de tout soupçon et que ses membres soient irréprochables : la visionnaire n'est manifestement pas très équilibrée, si on en croit les témoignages de ses proches. Mais j'ai des amis qui sont entrés au séminaire contre la volonté de leur famille, je connais des religieuses qui ont choisi d'être cloîtrées et qui ne voient plus leurs parents ni leurs amies, sont-elles pour autant entrées dans une secte ? On touche ici à la fragile liberté des personnes. Cette liberté implique aussi la responsabilité, c'est-à-dire la perspective d'un échec lorsqu'on a agi à la suite d'une erreur de jugement. Une société qui se mettrait à surprotéger ses membres risquerait de devenir une société ennemie des libertés.

L'article de la gazette de Côte d'Or
L'interview du président de la Miviludes
Le site web de la Miviludes

mercredi 7 janvier 2009

Soldes.


Aujourd'hui commencent les soldes.

Pour éclairer votre lanterne, voici comment se partage l'argent que vous versez pour acheter un jean fabriqué quelque part en Amérique du Sud (enfin, si on peut dire, car avec la mondialisation on ne sait pas trop où tout ça a été "fabriqué" en réalité) :
  • Marge du détaillant : 45%
  • Marge de la marque : 40% (publicité comprise)
  • Coût du transport : 5%
  • Coût de production total : 10%, dont 80% de matières premières et 15% de salaires.
Vous avez donc versé 1,5% du prix de votre jean pour faire vivre l'ouvrier qui l'a fabriqué.

Cerise sur le gâteau, ce jean, que vous avez payé 35 euros dont 50 centimes iront au travailleur, aura parcouru plus de 65 000 km avant d'arriver dans votre placard.

Bonne journée de soldes !

Source : CCFD-Terre Solidaire