jeudi 26 mai 2011

Rabelais est aussi sérieux.



Rabelais n'est pas seulement rabelaisien : il sait aussi être sérieux. Un collectif de chercheurs, dont on gage qu'il va bientôt s'étoffer de nouveaux membres, s'est placé (peut-être sans le savoir ?) sous son invocation : "Science en conscience" reprend une phrase du Pantagruel (chap. VIII) : "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme".

De quoi s'agit-il ? D'une histoire sans fin : encore, et toujours, sur le métier, les parlementaires remettent leur ouvrage et reprennent les débats autour du projet de loi de bioéthique. Un député courageux, Xavier Breton, s'est mouillé hier devant ses confrères pour rappeler que nous sommes depuis longtemps en plein eugénisme. Un eugénisme "soft", certes : rien à voir avec ce qui a pu être organisé par certains États européens à l'époque du nazisme. Mais un eugénisme quand même, encouragé (et subventionné) par la République.

Citons aussi, pour mémoire, la réaction du Grand Orient, qui tourne résolument le dos à l'humanisme de ses origines : « Sans dénier à l’Église le droit de dire une morale qui concerne ses adeptes, le Grand Orient de France rappelle que dans ce débat qui intéresse le pays tout entier dans la diversité de ses composantes philosophiques et religieuses, l'État est chez lui et l’Église doit rester chez elle ». Ici, messieurs, les principes qui sont rappelés ne concernent pas que les adeptes de l’Église ; elle prétend défendre aussi les droits fondamentaux de personnes qui ne sont pas baptisées, et ne peuvent pas se défendre (et aussi les vôtres, au passage). Reprenez vos esprits, ou avouez que vous avez changé.

Enfin, le député Jean-Marc Nesme avait en main, ce même jour et dans le même lieu, une lettre adressée à la ministre de la Recherche, par le président d'un syndicat d'entreprises pharmaceutiques, plaidant bien évidemment pour libéraliser la recherche sur l'embryon. Combien de députés avoueront avoir été démarchés par ce syndicat dans le même but ? Et à votre avis, mesdames et messieurs, ces entreprises poursuivent-elles des objectifs humanistes, pour ne pas parler de "religieux" puisque ce seul mot soulève bien des difficultés ?

PS : Oui, le mot "UMP" apparaît sur la vidéo qui se trouve en tête de ce billet. J'aimerais un jour publier le même billet, en citant un député socialiste ou écologiste, ou ce que vous voudrez. Mais pour l'instant je n'en trouve pas.

Un point de vue, publié dans le Monde.fr
La conférence de presse du Cardinal Vingt-Trois

jeudi 12 mai 2011

Bien commun.

Il y a quelques années, tout à mes illusions de jeune curé, j’avais invité un élu à venir de temps en temps fréquenter la messe paroissiale. Réponse immédiate, et irréfléchie : « Ce n’est pas mon électorat. »

Dans cette petite histoire, il y a toute une manière de faire de la politique. Peu importe que le but soit d’être au service de tous : d’abord, on gagne, après, on voit. Pour gagner, il faut récolter la moitié des voix plus une. A droite, on a un électorat, on le cajole ; à gauche, on en a un aussi et ce n’est pas le même (ah bon ?). On complète pour faire le compte : comment obtenir le vote gay ? celui des noirs ? des cathos ? D’un côté, on dit « non » au communautarisme ; de l’autre, on le conforte, en constituant une coalition représentative des diverses communautés.

Confirmation de la thèse qui vient d’être développée : le rapport de la fondation Terra Nova, qui est destiné à inspirer les stratèges d’un de nos grands partis. L’électorat traditionnel : plus la peine de compter dessus, il vote à droite maintenant. Alors il faut servir des intérêts épars : ceux des diplômés, des jeunes, des minorités, des femmes (rien qu’avec elles, on gagne, mais comment savoir ce qui intéresse « les femmes » ?), et, cerise sur le gâteau : des non-catholiques (suit une analyse cynique de l’inexorable déclin du catholicisme et de la clientèle musulmane qu’il s’agit de flatter). Pour dresser les gens les uns contre les autres, il n’y a pas mieux. Même pas la peine de rechercher les enregistrements de la réunion au cours de laquelle ont été proférées de telles énormités, c’est à la page 41 du rapport et signé par les auteurs. Ne nous étonnons pas de ce qui se dit dans les clubs de foot, puisque nos édiles semblent raisonner de cette manière.

Il y aurait pourtant une autre manière de faire. C’est celle qui a été évoquée lors d’une rencontre, samedi dernier, destinée à lancer Diaconia 2013, une dynamique pendant laquelle, pendant deux ans, les catholiques sont invités à s’interroger sur la manière dont ils se mettent au service de leurs frères. Avec une question-clé : « repérer les situations de fragilité et les enjeux sociaux que l’on connaît dans notre entourage ». Et si, faire de la politique, c’était cela : commencer par repérer ces situations, et essayer de faire que cela change ? Dans le langage catho, on appelle ça : la recherche du bien commun. Zéro exclus. Tout le monde y gagne.