mercredi 3 octobre 2012

Nouvelle évangélisation (4) : aimer le monde en s'opposant à lui.

Koz et Doudette sont deux blogueurs invétérés. A la fois semblables, et absolument différents. Leur dernier billet, dans lequel l'un répond à l'autre, illustre à merveille ce qu'il y a de "nouveau" dans la "nouvelle évangélisation" : il ne s'agit pas seulement d'inventer de nouvelles méthodes pour une évangélisation plus performante, mais de répondre à une évolution des mentalités en parlant un langage nouveau. Et leur dialogue permet de comprendre pourquoi, aujourd'hui, et malgré tous les efforts des enfants de Vatican II, l’Église (catholique, s'entend) ne peut être qu'à contre-courant de son temps, et pourquoi elle est, envers et contre tout, contrainte d'aimer ce temps-ci comme elle l'a toujours fait.

Koz et Doudette, en apparence, tout les oppose : d'un côté, une femme, juive, libérale, athée, qui reprend à son compte l'expression "ni Dieu, ni maître" ; de l'autre, un catho capable de digérer toutes les couleuvres que l’Église lui fera avaler, tant il fait profession de fidélité inébranlable au magistère.

Pourtant, dans leurs veines, circule le même sang spirituel. "Spirituel", au sens de l'esprit commun d'un monde et d'une époque. Ils ne font confiance qu'à leur raison, nourrissent un amour immodéré de la liberté, ne reconnaissent d'autre autorité que celle de la loi (et comme ils sont juristes, on se doute que même la loi...). On devine que la vie idéale, pour eux, c'est celle qu'ils construisent à leur guise.

Cet idéal pourrait faire d'eux d'insupportables égoïstes. Il n'en est rien, car ils sont capables de le questionner, et ils le font en ligne quotidiennement. Doudette ne croit pas en Dieu, mais il lui arrive de prier ; Koz avoue son égotisme, mais il sait comme Newman que c'est là que réside la vraie modestie (Oui, Koz a lu Newman).

En réalité, Koz et Doudette sont comme tout le monde : des gens qui s'en remettent d'abord à eux-mêmes, qui se rient des traditions, qui n'aiment pas être emprisonnés dans des institutions, qui demandent qu'on leur donne raison de tout, qui pensent qu'une vie réussie est une vie qu'ils ont construite eux-mêmes, qui vivent dans un monde créé par les hommes. Or, l’Évangile, c'est a priori le contraire : le monde est créé par Dieu, une vie réussie est une vie perdue, il y a plein de choses qui ne s’expliquent pas, et tout ça est affirmé froidement au nom de la tradition par l'institution la plus caricaturale qui puisse s'imaginer (l’Église catholique, ma mère). D'où un gros malaise. On voit bien que plus ça va, plus le fossé ne peut que se creuser, en apparence du moins, entre l’Église et ce monde-ci.

C'est là que les histoires de Koz et de Doudette nous intéressent. A cause des questions qu'ils se posent. Car petit à petit, un doute s'est insinué en eux. Et si, finalement, la vie était donnée plus que construite ? Mais alors, donné par qui ? Y a-t-il un don s'il n'y a pas de donateur ?

C'est là que j'ai envie de les prendre par la main. On continue à se questionner. On pense aux grands moments où l'on reçoit sa vie de quelqu'un d'autre. A la naissance - ou au moment où on donne soi-même la vie. A l'amour. A la mort, qui nous rappelle que nous ne sommes décidément pas les maîtres de cette foutue vie. D'où vient cette émotion qui s'empare de toi, à la naissance de chacun de tes enfants ? Pourquoi cette chaleur qui t'envahit au moment où tu parles de toi à celle que tu aimes ? Quel est cet abîme qui s'est creusé au jour où ton frère est mort ? Ces moments-là sont des moments où le ciel s'est ouvert - c'est-à-dire : où est apparu quelque chose d'une vie plus grande. Pile poil les moments où l’Église nous rejoint - baptême, mariage, funérailles. Je parle de l’Église parce que je suis catho, hein Doudette, mais je serais autre chose, je pense que je dirai à peu-près pareil sans parler d'elle.

Je continue. Quand on reçoit, on dit quoi ? On dit "merci". Oui, mais à qui ? Justement. L’eucharistie, chez nous, c'est ça : le Merci que l'homme dit à son Dieu. Et on devient débiteur - la prière que Jésus nous a apprise demande à Dieu de nous remettre nos dettes, parce que cette dette-là nous ne pourrons jamais la rembourser.

On pourrait continuer ; aux limites de la modernité, il y a place pour une catéchèse pour l'homme (la femme, puisqu'il faut toujours préciser) moderne. On comprend pourquoi l’Eglise va à contre-courant du monde, et pourquoi elle s'en prend plein la tronche. On comprend aussi que ce monde rêvé n'est pas un monde idéal, et que l'honnêteté conduit forcément à le questionner, à envisager une vie autre, à s'y engager peut-être. Si la foi n'est pas alors en jeu, vous conviendrez qu'elle n'est pas bien loin, et qu'il y a là un boulevard pour l’Évangile. Enfin, on comprend pourquoi l’Église est condamnée à aimer ce monde avec lequel elle est si profondément en désaccord : car ce qu'on vient d'écrire ne peut être entendu que sur la toile de fond d'une bienveillance profonde, d'un amour sincère pour les personnes à qui on s'adresse, d'une vie fraternelle. Il ne s'agit pas de juger : il s'agit de faire comprendre que la voie sur laquelle on s'engage est sans issue. Il ne s'agit pas de condamner ou de punir, mais d'appeler à la conversion. Jésus ne fait rien d'autre, lorsqu'il annonce que le Royaume de son Père est tout proche de nous.

mardi 2 octobre 2012

En attendant de reprendre le fil de mes billets...

... Deux liens à honorer :

- Ce soir à 18h30 : marche silencieuse à Grenoble, en mémoire de Kevin et Sofiane, massacrés la semaine dernière dans un joli jardin public au pied des montagnes...

Kevin est le fils d'une amie d'amie, si on ne peut pas marcher, on peut au moins prier.

- Quand vous aurez un peu de temps devant vous : allez voir l'admirable texte de la conférence des évêques de France à propos du "mariage pour tous". Il me dispense d'ajouter mon grain de sel au débat... Tout y est dit, avec respect, mieux : amour. C'est long (dix pages). Mais on ne peut pas dire en trois lignes tout ce qu'il y a à dire sur ce sujet : à la fois, qu'on ne peut pas être d'accord avec un projet à ce point bâclé, qui remet en cause autant de choix fondamentaux pour notre société ; et que l'amour, quel qu'il soit, est toujours digne de considération.