jeudi 31 mars 2011

Laïque comme Dieu en France.

Il y a des mots qui, à force d’être utilisés, s’usent tellement qu’ils ne veulent plus rien dire. Dans ce dictionnaire des mots en voie de dissolution, « Laïcité » figure en bonne place. La tribune publiée par la conférence des responsables de culte vient opportunément le rappeler : invoquer la laïcité à tort et à travers ne fait que rajouter à la confusion générale. Une confusion d’autant plus regrettable que, comme le rappellent les signataires, c’est « un des supports de notre démocratie » qui se trouve ainsi fragilisé.

(La suite sur www.sacristains.fr)

mardi 29 mars 2011

Pendant que tout le monde regarde ailleurs.

Tunisie, Égypte, Libye, Syrie, Yémen... Toutes les caméras de télévision sont braquées sur le nord de l'Afrique. Pendant ce temps, d'autres sont tranquilles pour faire leurs petites affaires. En Côte d'Ivoire, un homme, élu Président dans des conditions plus que douteuses en 2000, s'accroche à un pouvoir qu'il aurait dû quitter en 2005. Cinq ans durant, il avait réussi à repousser l'échéance électorale suivante, car il savait qu'il allait la perdre. Maintenant qu'il a vraiment perdu, il refuse de quitter son poste. Pour se maintenir au pouvoir, il essaye de faire ce que d'autres avant lui ont fait ailleurs : précipiter son pays dans la guerre. C'est chose faite.

Il y a quelques semaine, François (je donne un prénom d'emprunt) nous avait envoyé des photos d'enfants seuls, perdus dans les rues de la capitale ivoirienne. François a une trentaine d'années, il vivote avec ses petites sœurs à Abobo, quartier supposé anti-gbagbiste. Lui, préfère ne pas se mêler de politique : fils d'un haut fonctionnaire du gouvernement précédent, il sait qu'il vaut mieux se faire oublier s'il veut survivre. La semaine dernière, alors qu'il sortait de l'hôpital où il était allé se faire opérer de l'appendicite, des mercenaires de Gbagbo l'ont roué de coup et laissé pour mort. Il a fallu le réopérer (à chaque fois, c'est près de trois cents euros qu'il faut débourser, plus les soins, le loyer de la chambre d'hôpital...). Nous nous sommes téléphonés ce matin : il est rentré chez lui, car il sait qu'en cas de nouvelle attaque des forces "gouvernementales", les hôpitaux seront pris pour cibles. Il ne peut compter, pour guérir, que sur sa robuste constitution, car il n'y a plus de médicaments à Abobo, qui se vide petit à petit de ses habitants.

C'est ça, la guerre. De petites gens qui souffrent pour rien.

vendredi 18 mars 2011

Hôtel pas cher.



Afflux de demandeurs d'asile à Dijon ces derniers mois. Un afflux tel que les logements disponibles sont saturés : plus de 400 personnes, dit-on, sont logées à l'hôtel en attendant mieux. Des hôtels qui aimeraient, évidemment, que leurs chambres soient libérées avec l'arrivée de la saison touristique. Les bénévoles qui gèrent l'accueil et le courrier de ces réfugiés sont, eux aussi, débordés.

Cette semaine, m'a-t-on raconté, un monsieur venant d'un pays du sud a eu l'œil accroché par l'enseigne fièrement arborée par un grand immeuble de mon quartier : "Hôtel de Police". Il est entré, et a demandé à l'accueil si cet hôtel disposait d'une chambre libre. L'histoire ne dit pas la réponse du fonctionnaire qui se trouvait à la réception, mais ce monsieur est ressorti comme il était entré. Il est vrai qu'il aurait pu y être retenu. Osera-t-il s'adresser de la même manière à l'Hôtel de ville ?

mardi 15 mars 2011

Le bien ne fait pas de bruit.

Les deuxièmes mardis de chaque mois, quelque chose de bien et qui ne fait pas de bruit se déroule à Dijon : le cercle de silence, à l'initiative de la CIMADE (service œcuménique d'entraide qui se consacre à l'accompagnement des étrangers, des migrants, des réfugiés...), propose une heure de recueillement en centre ville ; ceux qui veulent peuvent prier en particulier pour les étrangers en difficulté.

Mardi de la semaine dernière, ce silence a été troublé par du bruit, et ça n'a pas fait du bien : le Bloc Identitaire (ceux qui organisent les apéros saucisson) est venu interrompre la prière. Tout y était : blousons, rangeos, crânes rasés, slogans menaçants et musique violente.

Inutile de dire que, parmi ces bons chrétiens qui protestent contre une supposée invasion islamique, aucun ne fréquente l'église. Tout ce qui les motive est la peur de l'autre et le refus de venir en aide à l'étranger, ce qui est fort peu évangélique soit dit en passant. Messieurs du Bloc, ferez-vous le carême, ou préfèrerez-vous organiser un apéro saucisson un de ces vendredis soir ?

Il faut dire que les dijonnais ont fait le choix de la discrétion confessionnelle : aux cercles de prière originels organisés à Toulouse par les Franciscains ont succédé, à en croire les organisateurs, des manifestations "laïques". Au sein du collectif qui en est à l'origine, il n'est pourtant que le club UNESCO qui ne soit pas un organisme chrétien. Je crains, personnellement, que le vide de la protestation identitaire ne soit qu'une réponse à un silence qui n'est plus habité que par ceux qui prient en toute discrétion. Blaise Pascal, en son temps, s'était effrayé du silence éternel d'espaces désertés par Dieu. Gandhi ne faisait pas de grève de la faim : il jeûnait. L'extrême prudence religieuse qui règne dans notre pays risque de faire tomber en panne un des moteurs essentiels de l'indignation.

Si vous voulez vous faire peur : cliquez ICI.

mardi 8 mars 2011

Un nouveau bêtisier.

Idée géniale d'un confrère pasteur : il a inventé le "bêtisier de la laïcité". Je propose à mes lecteurs d'abonder à ce bêtisier et de l'aider ainsi à le constituer.

A vrai dire, la seule lecture des nombreux commentaires à son billet sont déjà un magnifique florilège d'intolérance et d'ignorance.

jeudi 3 mars 2011

Islam, laïcité, communautarisme...

L'initiative présidentielle sur la "laïcité" a le mérite de faire sortir les loups du bois. Les réactions ne sont peut-être pas dépourvues d'arrière-pensées politiques - ainsi celle du président sortant du conseil général, qui sait que sa majorité ne tient qu'à une voix et n'existera sans doute plus demain, ce qui l'oblige à prendre ses distances avec la politique présidentielle, mais dont la réaction reflète évidemment les interrogations de sa sensibilité politique démocrate-chrétienne.

D'autres prises de position sont plus argumentées : ainsi celle, hier dans Le Monde (accessible aux seuls abonnés), de Yazid Sabegh, commissaire à la diversité et à l'égalité des chances, qui mérite d'être cité longuement :
"Le communautarisme ? Quelle hypocrisie ! C'est une adultération (sic) des réalités et un dénigrement à l'égard des populations concernées. Quelles et où sont donc dans notre pays les communautés qui se sont organisées pour revendiquer des droits spécifiques et les ont obtenues ? On dit des migrants qu'ils restent entre eux, qu'ils ghettoïsent la France, qu'ils émiettent la république. Seraient-ils donc responsables de la ségrégation qu'ils subissent ? On peut désespérer les Français, les angoisser, invoquer la laïcité à tout va, tant qu'on ne s'attaquera pas aux ségrégations, on continuera à constater notre impuissance."
La laïcité, donc, invoquée pour masquer le vide de notre réflexion et l'injustice de notre société. Mais c'est le petit essai d'Hélé Béji, Islam Pride, qui dit sans doute les choses de la manière la plus pertinente et la plus stimulante : cette intellectuelle tunisienne y analyse le port du voile non pas comme un retour en arrière, mais comme "une dissidence au sein du féminisme". Peu suspecte de complaisance vis-à-vis des fondamentalismes religieux, Hélé Béji avoue dans son ouvrage avoir fait un retour sur elle-même et sur ses certitudes premières en matière religieuse : "Au lieu d'imposer ma liberté comme la forme universelle de la liberté, je dois faire le pari que l'autre, celle qui se voile, exerce aussi son libre arbitre." On ne peut dire à quelqu'un qui exerce sa liberté en se voilant qu'au fond d'elle-même, elle n'est pas libre : une telle attitude rend le dialogue absolument impossible.

Il y a une dizaine d'années, une paroisse de Dijon - et en particulier les religieuses qui y résidaient - avaient soutenu à bout de bras une famille musulmane du quartier, victime de la violence d'un père abusif. Les sœurs avaient accueilli l'une des deux filles, l'avaient aidé dans ses études, et lui ont permis de devenir la jeune femme parfaitement libérée et brillante qu'elle est aujourd'hui. Mais elle porte le voile, qu'elle n'avait jamais porté auparavant, et retourne à la mosquée avec son père. Cette histoire illustre mieux que tout les incompréhensions dont nous sommes victimes : porter le voile, et d'une manière plus générale revenir à l'islam, est, pour cette jeune femme comme pour beaucoup d'autres, une affirmation de liberté, de féminité et de dignité.