mardi 27 décembre 2005

Etre soi-même, jusqu'à quel point?

Germain et Delvaux sont deux prêtres congolais de ma génération qui vivent, depuis quelque temps, un ministère en Europe. Ils sont tous deux frappés par la revendication d'autonomie qui émane des chrétiens qu'ils rencontrent : comment prétendre annoncer une Parole avec autorité auprès de personnes qui font leur jugement par elles-mêmes ? Je leur raconte l'expérience faite plusieurs fois, de chrétiens qui interrompent l'homélie dominicale pour exprimer publiquement leur désaccord.
Germain fait le rapprochement avec la désaffection de la messe dominicale. Il est insupportable d'y rester silencieux et passif.
Un maître livre, La fatigue d'être soi, pose une question qui reste pour moi fondamentale ; nous sommes passés d'un idéal de conformité à des modèles préexistants à un autre idéal : la recherche et l'affirmation de soi-même. Il y a là quelque part l'accomplissement de la prophétie nitzchéenne. Cette affirmation de soi n'est pas à la portée de tout le monde, et beaucoup de nos contemporains vivent comme un échec dramatique cette impossibilité d'être maîtres de leur propre destin.
Catholicité

Myriam anime un club ACE (pour ceux qui ne savent pas, ça veut dire Action Catholique des Enfants) et, comme beaucoup de jeunes de son âge, y trouve davantage son compte que dans la fréquentation de la messe dominicale. Il s'agit de faire le lien entre sa vie et l'Evangile, à travers une pédagogie qui fait une large place au jeu. Dans ce mouvement se retrouvent beaucoup d'enfants et de jeunes aux convictions religieuses diverses : catholiques convaincus, chrétiens de tradition, et même des musulmans.
Ce qui compte pour elle et pour les enfants : une bande d'amis qui se connaissent depuis longtemps, qui se retrouvent autour de valeurs communes et touvent un espace unique au sein duquel ils peuvent parler de leur vie. Cette année, ils réfléchissent à leur attitude de jeunes consommateurs dans un monde qui les entourage à consommer sans discernement.
D'autre jeunes vivent une expérience spirituelle très différente, priant le chapelet, pratiquant l'aadoration du Saint-Sacrement. D'autres choisissent simplement la messe dominicale, l'aumônerie de leur collège. Ils ne se rencontrent guère et n'ont pas d'occasion de s'interpeller mutuellement : pour eux, l'universalité de l'Eglise se limite à leur référence commune au christianisme (je n'ose dire au Christ tant l'image qu'ils s'en font est plurielle).
La poésie contre la guerre

Le Tigre et la neige : l'histoire d'un poète qui part à Bagdad sauver de la mort la femme qu'il aime. C'est beau et fort. Dommage que la version française transform la faconde de Benigni en un verbiage parfois difficile à supporter.

samedi 24 décembre 2005

Naissance

Ce soir c'est Noël.
Je ne fais pas partie des esprits chagrins qui pensent que la fête est triste et qui se choquent de la joie qui envahit les familles, les villes et les villages. C'est normal de se réjouir. Un enfant qui naît, c'est toujours la fête.
Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que la joie n'est pas partagée par tous.
Il arrive que de futurs parents viennent me confier leur inquiétude ; ils vont avoir un enfant, mais tous ceux à qui ils l'ont annoncé ne se réjouissent pas avec eux : ils ont passé la quarantaine, ils en ont déjà trois, ils prennent un risque en faisant des enfants dans un monde incertain. Des médecins leur ont si fortement conseillé de se lancer dans des examens poussés qu'ils se demandent si l'enfant va être normal, s'ils pourront vraiment faire face.
Parfois, l'inquiétude est justifiée, comme pour les parents de Pauline qui, à quatre mois, est atteinte d'une maladie grave et doit subir des traitements lourds.
Les parents de Jésus, eux aussi, ont connu cette situation. Ils ne savent pas où aller alors que le temps est proche. Ils apprennent que le roi veut tuer leur petit. Ils partagent la détresse de ces parents dont les enfants sont à l'hôpital, de ces mères qui n'ont pas de quoi nourrir leurs petits, ici et ailleurs.
Comment, alors, se réjouir ? Quel peut être le sens de Noël pour tous ceux qui vivent cette angoisse ?
L'Evangile n'est pas un livre d'images pieuses. Il nous rejoint au coeur de notre humanité et de ses contradictions. Il nous rappelle que toute naissance comporte des risques : on ne peut savoir de quoi demain sera fait, on ne peut savoir ce que sera cette vie qui commence. Donner la vie, c'est accepter de lâcher prise. Les parents de Jésus le savent bien, comme tous les parents du monde.
Cela n'empêche pas les anges de chanter la gloire de Dieu et les bergers de s'attrouper. Car si la venue au monde comporte des risques, elle est aussi un formidable acte d'espérance dans l'avenir.

jeudi 22 décembre 2005

Viva Zapatero

J'ai adoré... C'est culotté, obstiné, drôle, terrifiant aussi car quelqu'un ose dénoncer l'anesthésie des consciences chez un de nos plus proches voisins.
C'est à une échelle bien moindre, mais pourquoi consentons-nous, à Dijon, à ce que l'information soit à ce point contrôlée par quelques personnes ?
En rentrant Mgr Jaeger évêque d'Arras déclarait sur France Info qu'il avait écrit à Sarkozy pour protester contre les traitements dégradants infligés aux étrangers dans la région de Calais.
Comment la rencontre est-elle possible ?

Une après-midi à la Fontaine-d'Ouche (un quartier de Dijon qui ressemble un peu au mien...), invité par le mouvement chrétien des retraités à parler de la charité aujourd'hui.
Au final, la conversation a porté sur l'accueil réservé aux Musulmans vivant ici. Qui, parmi nous, a reçu chez lui une famille musulmane ? Combien de Musulmans connaissent de l'intérieur une famille française, ont partagé un peu de son quotidien ? Bien peu, semble-t-il. Fort de mon expérience de cohabitation avec Samir, étudiant algérien qui vit dans mon appartement au presbytère, je me permets de les inviter à de telles rencontres.
Dans cette assemblée en majorité féminine, une objection fuse : il est prévu, dans la paroisse, une rencontre commune au moment de l'Epiphanie ; mais les Musulmans veulent que les hommes et les femmes prennent le repas séparément.
Ce n'est pas la seule difficulté. Etre musulman n'est pas seulement une question de croyance, mais d'abord de pratique : c'est une nourriture différente, un rythme de vie différent, un mois de jeûne au cours duquel l'identité particulière est très fortement affirmée. Avoir des amis musulmans, c'est se mettre à ce rythme, respecter ces habitudes ; la réciproque est impossible, car la concession est forcément du côté des Chrétiens qui ne connaissent pas d'interdits de ce type.
A quelle condition une rencontre est-elle alors possible ?

mercredi 21 décembre 2005

Désolé amis lecteurs, je reviens de trois jours de vacances dans le Sud-Ouest, me voici prêt à reprendre le fil de mon blog...
Il a fait beau et froid

vendredi 16 décembre 2005

Perle.

Entendu au caté, après avoir lu l'Evangile qui dit que le Fils de l'homme n'a pas une pierre où reposer sa tête : "Mais enfin, y en a partout des pierres !"

mardi 13 décembre 2005

Fidélité.

Il est là tous les matins que le Bon Dieu fait ; si par hasard j'ouvre l'église avec quelques minutes de retard, je le vois qui regarde la statue de la Vierge à travers la vitre. Il entre, se tient un moment dans le fond, puis s'avance et va poser son cierge. Une fois, quelqu'un lui a suggéré de rester pour la messe ; l'idée lui a paru aussi bizarre que si on lui avait proposé une partie de cartes.
Il y en a, du monde qui passe, dans cette petite crypte. Le cahier placé à l'entrée se couvre des prières que les gens de passage viennent adresser à la Mère de Dieu, les corbeilles de cierges se vident à bonne allure pendant que le tronc se remplit, des personnes de tous âges, de tous sexes et de toutes conditions viennent y prendre un moment de recueillement. Il y a la dame qui laisse des tonnes de cartes postales adressées à Dieu, le monsieur qui vient mettre sa bougie avant d'acheter Paris-Turf, l'étudiant qui angoisse avant l'examen (ah, le nombre de cierges qu'on consomme dans le courant du mois de juin), la grand-mère qui vient confier ses petits-enfants dont les parents divorcent... J'aimerais faire mieux connaître l'extraordinaire cahier sur lequel s'inscrivent à la queue leu leu toutes les petites et les grandes misères de notre monde.

dimanche 11 décembre 2005

Séparation

On a fêté vendredi l'anniversaire de la loi de séparation entre les Eglises et l'Etat... Il paraît qu'il y avait à Paris des manifestants qui scandaient des slogans un peu décalés, du genre "à bas la calotte"...
Cela me rappelle cette émission de télé à laquelle j'avais participé il y a quelques années ; il s'agissait de débattre autour du livre d'un ethnologue qui avait étudié les clercs comme s'il s'agissait d'une tribu amazonienne avec ses rites et ses croyances particulières. Il avait utilisé pour cela les manuels de formation des séminaristes datant du XIX° siècle, et j'avais été très gêné de lui dire que son travail n'avait pas beaucoup de pertinence pour notre époque. Pour une fois que le décalage entre l'Eglise et le monde ne venait pas de l'Eglise...

samedi 10 décembre 2005

Jeunes (2)

Comparer ce qui est comparable : quels mouvements en France peuvent prétendre, avec des moyens aussi faibles que les nôtres, rassembler autant de jeunes ?
Il y a les clubs de sport... Mais ils bénéficient d'un incroyable soutien médiatique et sont abreuvés de subventions.
Jeunes.

Les jeunes et l'Eglise, on écrit des livres là-dessus.
Personnellement, je me donne deux principes d'analyse :
1) ne pas se limiter à la présence des jeunes à la messe dominicale
2) comparer ce qui est comparable.
Un exemple : ce soir, il y a successivement le rassemblement mensuel de l'aumônerie, et la veillée de Noël des scouts (en avance, car dans une semaine ils seront partis en vacances...). Vont donc se retrouver à la paroisse 100 ou 150 jeunes et leurs parents qui ne sont pas encore très vieux ; personne ne les y oblige. Mais le dimanche, aucun d'entre eux ou presque ne sera à la messe.
Ces jeunes-là, leurs familles, sont-ils pour autant des non-pratiquants ? Ils sont en tout cas bien plus actifs dans la vie de l'Eglise que beaucoup de chrétiens qui se contentent de venir à la messe.

mercredi 7 décembre 2005

Deux jours à Strasbourg.

Je fais partie d'un petit club très sympathique : les vicaires épiscopaux de grandes villes, c'est-à-dire les prêtres chargés de l'animation pastorale des villes de, disons, plus de 150 000 habitants. Nous nous retrouvons chaque année, et cette fois-ci nous étions invités par les Strasbourgeois à visiter les Institutions européennes.
C'est beau. D'immenses bâtiments, au bord de l'eau : Conseil de l'Europe qui fleure bon les années soixante-dix, gigantesque Parlement européen, palais des Droits de l'Homme à l'allure plus ludique avec ses coupoles et ses portes de toutes les couleurs.
L'europessimisme est ici de rigueur, on est sous le choc de l'abandon du projet constitutionnel et personne ne voit comment sortir de l'ornière. Catherine Trautmann a été la seule à proposer une issue : l'union des Etats est achevée, on doit maintenant passer à la concorde entre les personnes. Pas mal !
On traite ici les religions comme de véritables partenaires : un bon nombre d'ONG confessionnelles participent aux travaux du Conseil de l'Europe, et le lobbying catho est extrêmement important entre les séances, même si l'essentiel se passe à Bruxelles. Gros décalage avec les invectives françaises et le refus d'envisager sérieusement le fait religieux dans notre pays.
Nous avons beaucoup parlé de cohésion sociale, et donc des immenses difficultés d'un bon nombre de familles. Les solutions proposées sont toutes d'ordre financier : subventions, allocations... mais surtout rien qui puisse suggérer un encouragement, par exemple, à former des familles stables.

vendredi 2 décembre 2005

ZEP

Il paraît qu'il y a en France 1,7 millions d'élèves scolarisés en ZEP (pour ceux qui ne le savent pas : les Zones d'Education prioritaires dont on parlé deux ministres hier). Ce qui représente le cinquième des élèves français.
Un élève sur cinq en ZEP, ça veut dire combien de familles confrontées à des difficultés sociales considérables ?
Cela représente quelle proportion de la population d'un pays qui vit dans des conditions d'exception par rapport à la normale ?
Il faut aller jusqu'où dans le cauchemar avant de se réveiller ?

jeudi 1 décembre 2005

Un truc pour les riches.

Dimanche dernier, j'aurais dû baptiser une fratrie de trois enfants. Des gens du quartier : on a eu la maman au caté. La voilà maintenant, encore toute jeune, à la tête d'une petite famille avec son compagnon (lequel n'est pas le père biologique de tout le monde, mais comme il est difficile d'avoir une idée précise là-dessus, pour simplifier les enfants portent le nom de leur mère).
Si ceux-là ont assez de ressource intérieure pour demander le baptême de leurs enfants, quelle doit être la situation familiale de ceux qui n'y songent même pas ?
On s'est tout de même enquis de savoir si les parrains choisis étaient eux-mêmes baptisés. La réponse du papa n'a pas manqué de sel : "Evidemment, ils sont baptisés, à la mairie ou à l'église mais ils sont baptisés".
Après un bon nombre de rencontres, l'équipe chargée de la préparation a fini par accoucher, avec eux, d'une célébration. On a fait un joli livret, on l'a photocopié, on a installé une cuve dans la crypte car le baptistère est trop froid à la mauvaise saison.
Et puis voilà, ils ne sont pas venus. La veille, ils ont laissé un message au répondeur : les grands-parents ont eu un accident de voiture sans gravité, mais qui les a trop choqués pour qu'ils puissent être là.
Le baptême est remis à plus tard.
Le baptême, c'est vraiment un truc pour les riches.