samedi 7 novembre 2009

Baptêmes.

Un commentaire en forme de question me donne l'idée d'un petit billet sur le baptême. Un billet qui va prendre l'allure d'une mise au point ? Bon, si ça peut remettre quelques pendules à l'heure, après tout..

D'abord, bien sûr, une petite histoire, racontée par la responsable de l'équipe baptême de mon ancienne paroisse. Elle demandait à des parents si le parrain choisi pour leur enfant était bien baptisé ; réponse de la mère : "Je ne sais plus si c'est à la mairie ou à l'église, mais oui il est baptisé"... Merci à la République qui en rajoute encore à la confusion dans laquelle sont plongées bien des familles, en réinstaurant une pratique destinée à l'origine à déchristianiser la France et à développer le culte de la déesse Raison (elle remonte à l'année 1794). Le portail très officiel de l'administration prétend qu'il s'agit de "faire adhérer l'enfant de manière symbolique aux valeurs républicaines", et un autre portail fort bien référencé prétend y voir "un bon compromis quand les parents sont de religions différentes". Mais les uns et les autres sont contraints de dire la vérité : cet acte n'a aucune valeur juridique (alors que bien des parents s'imaginent que les parrains et marraines seront là pour s'occuper de l'enfant en cas de besoin), et les maires ne sont même pas obligés de le pratiquer. Le terme même de "baptême" est complètement ridicule : il signifie "plongeon" et fait référence à l'eau que l'on verse, à l'église, sur la tête du nouveau chrétien, il ne saurait donc être appliqué à cette coutume, sauf à vouloir piller l'Église catholique jusque dans son patrimoine symbolique le plus précieux.

Le baptême (je ne précise pas "baptême chrétien", puisqu'après tout à ma connaissance il n'y a que celui-ci) a un autre sens : il est, comme tout sacrement, une rencontre avec Dieu ; c'est de cette rencontre que naît la foi. Il ne s'agit donc pas d'adhérer à des valeurs, ou d'entrer dans l'Église, en tout cas il ne s'agit pas d'abord de cela. Il s'agit de foi, c'est-à-dire d'expérience de Dieu. Dans l'Eglise, le lieu privilégié de cette expérience est la vie sacramentelle : des rites, accompagnés de paroles, par lesquels la vie de Dieu va prendre forme dans une personne humaine.

Plus profondément, je m'interroge sur le bien-fondé des encouragements accordés par nos édiles à ce genre de démarches. Le raisonnement est le suivant : les grands moments de la vie (naissance, mariage, décès) doivent être marqués de manière forte et symbolique. Or, bien des gens ne sont plus chrétiens. Pourquoi ne pas développer des rituels civils, ou plutôt "républicains", c'est-à-dire non seulement sans Dieu mais à caractère officiel ? On n'est pas loin, ici, de la religion civique. Et donc d'une confusion que je trouve regrettable entre la vie des citoyens et leurs convictions religieuses personnelles. On a connu ça, il y a longtemps : c'était le culte impérial tel qu'il était pratiqué à Rome, et tel qu'il est dénoncé par exemple dans le livre de l'Apocalypse. Le christianisme d'abord, les Lumières ensuite, nous ont libérés de ces tentations totalitaires. Doit-on y revenir, sous prétexte que des gens sont à nouveau en quête de repères et que les religions sont à nouveau suspectes ?

11 commentaires:

Thaïs a dit…

la question d'Elise est intéressante; je pense que tout couple a besoin de la reconnaissance de son enfant au sein de la famille. Le baptême religieux même si ce n'est pas son sens premier porte et satisfait à ce désir. Le baptême républicain répond effectivement à ce genre de désir puisqu'on réunit la famille sans l'hypocrisie d'une cérémonie à l'eglise qui n'a aucun sens. Dans le même genre, les obsèques civiles commencent à se développer. Histoire que la famille ne se retrouve pas directement face à un trou, certaines personnes qui ne veulent pas aller à l'eglise demande au maire un lieu de recueillement, rassemblement,...

Ancilla Domini a dit…

Je dirais bien que les francs-maçons ont bien compris que la confusion "banalisait" la foi catholique et la faisait mieux reculer que l'affrontement direct, mais bon... on va encore me dire que c'est une théorie du complot.
Pourtant, il les a ouvertement félicités pour leur contribution aux débats publics, le Président Sarkozy... Et c'est un ancien grand-maître de la GLF qui a appellé cette semaine ses frères à se montrer en pleine lumière.
Il y a eu inversion du rapport de force, on dirait.

Théorie du complot mise à part... C'est très délicat de signifier à ses cousin(e)s que leur petit bout de chou est tout mignon, mais que la célébration de la déesse Raison en défigurant le Baptême (et en sachant d'où ça vient et pourquoi), c'est tout de même une sacrée pilule à avaler...
D'ailleurs, cette situation risque de se reproduire de plus en plus souvent : avec la formidable justification du "baptême (pouah !) qui arrange tout le monde", les mascarades 'épublicaines se multiplient.

"Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive", tout ça...
Ca fait un drôle d'effet, tout de même, chez la Fille aînée de l'Eglise... Bon, j'arriverai un jour à m'habituer au fait que mon pays soit une terre de mission. Promis. J'y arriverai.

Edmond Prochain a dit…

En la matière, je me réfère souvent à un cours de laïcité (sic) que j'ai suivi lors de mes glorieuses années à la fac... En fait : une curieuse tribune idéologique pour une intégriste de la laïcité qui passait le plus clair de son temps à cracher sur les jésuites et l'Opus Dei tout en nous vantant la lumière que les francs-maçons apportaient à la société (je ne caricature même pas !). La matière était d'ailleurs suivi par bien plus de petits vieux en auditeurs libres que d'étudiants réels ! Bref.
Ce cours avait été l'occasion pour la prof de nous expliquer à quel point les "baptêmes civiques" étaient une avancée pour chacun : ENFIN des parents pouvaient nommer des "parrains" pour leur enfant, et ainsi préserver celui-ci de l'abandon s'il devait leur arriver quelque chose. Dans sa bouche, cette "cérémonie" était un grand pas pour la laïcité, parce que (bien entendu) jusqu'ici l'Église avait réservé ce privilège aux seuls catholiques, privant tous les autres de la possibilité d'assurer une vraie sécurité à leurs enfants...
La valeur juridique de la chose n'a évidemment jamais été abordée, puisque c'était d'abord un cours idéologique. Mais ce serait intéressant, à l'occasion, de s'intéresser à l'adaptation faite par la société civile de l'immense majorité du vocabulaire religieux catholique... Il doit bien y avoir quelque chose à en tirer, non ?

Philippe C a dit…

Les lumières nous ont libérés des tentations totalitaires...Voire! Ca se discute comme dirait l'autre: j'avais idée, cher Père, que seul Dieu libère et que la vraie liberté suppose d'acquiescer à Celui qui a dit: "Venez à moi, mon joug est léger..." Non? Mais il est vrai que c'est un joug! Or les Lumières dénient tout joug, toute contrainte et donnent à la liberté un sens universel, exclusif voire totalitaire dont on voit les conséquences aujourd'hui: le libéralisme économique et le libertarisme sociétal excluent toute idée d'un bien supérieur, d'un bien commun à tous les hommes et donc de l'existence de Dieu. Les lumières nous conduisent aujourd'hui à la tentation d'une pensée unique totalitaire, d'où les remous provoqués par les paroles fortes du Saint Père qui heurtent la conception faussée de la liberté de nombre de nos contemporains. Cette fausse conception rend effectivement les religions suspectes, comme vous dites. Tirez-en les conséquences, n'attribuez pas aux Lumières ce qu'elles sont bien en peine de vous donner. La vraie liberté mérite mieux, et le baptême en Christ a besoin de retrouver sa vraie signification je suis d'accord.

Anonyme a dit…

Il me semble que bon nombre de symboles et rites de passage de l'Eglise sont nés en s'inspirant largement de rites païens ou d'us et coutumes divers. Chacun son tour. Je ne vois pas le problème.

Anonyme a dit…

Les Lumières sont aussi lumineuses et tolérantes que les Démocraties Populaires sont démocratiques et populaires . MADO

Anonyme a dit…

Les Lumières sont aussi lumineuses et tolérantes que les Démocraties Populaires sont démocratiques et populaires
C'est bien triste de voir que des cathos en sont encore à critiquer les Lumières. Franchement Mado, critiquez les propos et l'interprétation de Philippe si vous voulez. C'est tout à fait légitime, mais laissez tranquilles les Lumières et ne nous faîtes pas revenir à l'âge de pierre ou de l'inquisition.

Emmanuel Pic a dit…

C'est drôle, un billet sur le baptême, et paf le débat porte sur les Lumières... Bon, suivons le guide.

Comme souvent, un certain nombre de commentaires (je ne les publie pas tous) évitent de lire l'ensemble du post pour n'en tirer qu'une phrase, sortie de son contexte et en plus comprise de travers. Merci donc à toutes et à tous de prendre ces articles pour ce qu'ils veulent dire, et pas pour un assemblage de phrases sans queue ni tête. Le "totalitarisme" dont j'ai parlé était celui de l'Empire romain. Je ne sais pas quoi dire d'autre, sinon que certains lecteurs n'ont manifestement qu'une ambition : coincer le rédacteur de ces lignes, et profiter de son blog pour essayer de faire passer leurs propres idées. A moins que ce ne soit de l'inintelligence ? Allez, soyons charitable : au mieux, une lecture trop rapide, qui aurait valu au bac de philo à leurs auteurs un zéro pointé.

Il s'agissait ici, d'abord, de répondre à une question : quelle est la valeur du baptême républicain ? J'espère que la réponse a été comprise par tous.

Mais le renouveau actuel de ce "baptême", que je mets en parallèle avec la demande de rites de la part de personnes qui ont perdu tout lien à l'Église catholique, oblige à s'interroger. Quel est le sens d'une telle demande ? Et à cela, je réponds, sans faire l'apologie des Lumières : nous risquons de tomber, au nom de ces mêmes Lumières, dans le totalitarisme du culte impérial, réinventé en culte républicain. A l'origine de cette attitude, il y a une nouvelle conception de la laïcité, qui n'est plus de la laïcité mais de l'anti-christianisme. La laïcité de 1905, je le rappelle, avait pour but de séparer les domaines du religieux et du politique, et c'est heureux, même si cela s'est fait dans la douleur. Celle de 2009 a pour objectif d'éliminer le religieux de la vie sociale pour le confiner définitivement dans l'intime, c'est-à-dire de le détruire. Comme il reste une demande de repères symboliques, on va inventer un culte civique, et donc revenir à une situation dont nous avait libéré le christianisme.

Jérôme a dit…

Les rites civiques sont une bonne alternatives pour les personnes se disant "athées".

Cependant on peut se poser la question suivante :
La naissance de rites civiques ne seraient-elles pas à l'origine d'une nouvelle religion ?

Casilix a dit…

Ils ont de drôles d'idées les athées quand même...Si le baptême chrétien ne voulait rien dire pour moi, je n'en chercherai pas un de substitution.Il me semble que la naissance d'un enfant en soi peut justifier à elle toute seule une fête de famille autour de l'arrivée de cette nouvelle vie...pas besoin de s'inventer des rites auquels on ne croit pas (parce que "croire" au baptême républicain , ça ne doit pas être simple non plus!)
J'ai pas mal d'amis , agnostiques ou athées qui ont choisi cette sincérité vis à vis de ce qu'ils sont et ont réunis leurs familles à des moments clés de leur vie sans chercher de "substitut" laïques. ça me parait plus sain . En même temps, c'est vrai que j'ai eu un mal fou à expliquer à ma soeur -qui se déclare athée- que malgré toute l'affection que je lui portais, je ne trouvais pas de sens à ce qu'elle devienne marraine d'un de mes enfants...puisqu'alors, elle aurait pris l'engagement de l'accompagner dans sa vie chrétienne...Elle ne voyait pas ça du tout comme ça, les clichés ont la vie dure !

Elise-B a dit…

Bonjour,

Je ne m'attendais pas à ce que mon message soit publié, et encore moins au billet.

J'ai envoyé l'adresse de votre blog à ma sœur ainsi qu'à mes parents. Cela a permis d'ouvrir la discussion, d'échanger au final de mieux se comprendre.

Je vous remercie vraiment pour votre billet. Et j'en profite pour remercier les lecteurs-participants pour les réactions.

Désolée pour me réponse tardive.

Elise