mardi 15 décembre 2009

Religions-providence.

Welfare religions : heureuse expression que je trouve sous la plume de Philippe Portier, professeur à l'Ecole pratique des Hautes études, dans un article du Monde daté de dimanche-lundi. "Les religions répondent aux défaillances de l'Etat-providence", y déclare-t-il notamment : j'irais volontiers plus loin, elles ne font pas que remplir ces manques de plus en plus criants, elles sont aussi le poil à gratter de nos démocraties quand ces dernières ne sont pas à la hauteur des idéaux dont elles disent s'inspirer. Elles sont aussi, ajoute M. Portier, de puissants organismes d'intégration des personnes au sein de la société française : voilà quelque chose qui n'est pas neutre au moment où tant de personnes s'interrogent sur l'identité nationale.

Il y a là, me semble-t-il, quelque chose de déterminant pour la crédibilité de l'Eglise. Pas d'Eglise qui tienne sans le service de tous, car elle trahirait alors, elle aussi, le message de fraternité dont elle est porteuse. En témoigne le nombre si important de personnes qui se retrouvent dans les organismes chrétiens de solidarité. Sans le Secours catholique, le CCFD et tant d'autres, l'Eglise catholique rejetterait sa prétention à l'universalité : car elle ne s'adresserait qu'aux convaincus et ne se préoccuperait que de convaincre. En témoigne également le succès de livres récents sur ce sujet, depuis la Confession d'un cardinal jusqu'au désormais célébre 38 ans, célibataire et curé de campagne : ces ouvrages ont pour héros des ecclésiastiques soucieux de mettre en avant tout ce qui, dans l'Eglise, relève de la diaconie.

Mais il ne faudrait pas réduire ce service de l'Eglise à la seule dimension caritative. Quand l'Eglise fait ce qu'elle fait de mieux - aider des hommes et des femmes à célébrer et à donner du sens aux moments importants de leur vie, elle leur rend un inappréciable service. L'universalité est ici exigeante : car elle oblige à accueillir des personnes dont la foi pose question et dont le lien à l'Eglise est plus que ténu. Rendre le service attendu suppose alors de cheminer avec elles, pour les amener à vivre une véritable expérience de Dieu, sans exiger d'elles qu'elles rejoignent les rangs de l'assemblée dominicale.

Enfin, en cette année où nous sommes invités à nous interroger sur le sacerdoce, peut-être y a-t-il là une piste à explorer : un prêtre, en effet, exerce le ministère sacerdotal, c'est-à-dire le service du sacerdoce du Christ (le mot "ministère" étant la transcription du mot latin qui signifie "service"). Cette expression pourrait s'entendre de manière très étroite : rendre aux chrétiens le service qu'ils attendent de leur prêtre. Ce serait oublier que le Christ n'est pas la propriété de ses seuls disciples, et que ce service concerne donc bien plus que les baptisés : le ministère sacerdotal, c'est le service par excellence que le monde attend de l'Eglise. Le prêtre est celui qui exerce ce ministère ; il est bien homme de service, mais pas du service de la seule communauté, au contraire.

1 commentaire:

Marc Rey a dit…

En France les religions, dans leurs activités caritatives, sont intégrées à une galaxie d'organismes qui "répondent aux défaillances de l'Etat-providence" Leur pérénnité réside dans un équilibre entre un Etat satisfait de se décharger de missions que la société lui avait confié et une pauvreté qui perdure car prise comme une fatalité.

Une assistante sociale me disait "On sait que tel profil de pauvre doit être plutôt orienté vers le Secours Populaire, tel autre vers le Secours catholique, etc..." Ton texte, en utilisant le terme d'universalité, s'oppose avec justesse à cette situation.

Mais ton texte apporte une autre dimension, qui se mélange avec la précédente et peut créer une confusion: l'Eglise, dans cette galaxie d'organismes, a une spécificité d'ordre spirituelle. Et cette proposition de cheminement commun s'adresse à tous, aux pauvres délaissés par l'Etat qui n'est plus providence, à la communauté paroissiale, et à tout le reste des hommes et des femmes qui cherchent "quelque chose qui ne meurt pas", comme dit Christian Bobin.

L'Eglise doit assurer un "welfare" pour ceux qui en ont besoin, et dire une bonne nouvelle pour tous.