mardi 13 décembre 2011

Péché originel.

"Je suis athée, la chose qui me révulse le plus chez les chrétiens c'est bien la notion de péché originel...Comment culpabiliser, dès la naissance, un enfant ?"

Ce commentaire, reçu à propos de mon dernier billet, me donne envie d'aller plus loin : tant de choses sont dites, écrites, crues, sur cette faute des origines dont nous porterions injustement le poids ; comment en effet, être coupables - et donc punis - dès notre naissance pour un péché qui n'est pas le nôtre ?

La question appelle une réponse très nette : Dieu ne condamne personne pour un mal qui n'a pas été commis. La culpabilité n'est d'ailleurs en rien un héritage de la tradition chrétienne : l'idée que notre existence serait frappée par une dette originelle existe dans bien d'autres traditions religieuses (ainsi, dans l'hindouisme) ; je connais des gens qui n'ont absolument pas été élevés religieusement, et qui sentent sur eux le poids d'une terrible culpabilité, dont rien ne semble pouvoir les libérer. La vérité est que la culpabilité fait partie de l'humanité ; le christianisme est un chemin pour s'en libérer. Cette libération passe par une tentative d'en comprendre les causes, à la lumière du récit biblique.

La doctrine du "péché originel" est la manière, chrétienne mais enracinée dans une tradition antérieure à l'enseignement de Jésus, de rendre compte des contradictions internes à l'humain. Avant de renvoyer à la faute d'Adam et d’Ève, elle est d'abord à mettre en lien avec une constatation : nous voulons faire le bien, et nous n'y arrivons pas parfaitement. Pour prendre un exemple : lorsque nous aimons, nous rêvons d'un amour parfait et sans nuage ; or, cet amour-là n'existe pas. C'est ainsi que les familles, qui sont le lieu par excellence où devrait se vivre l'amour, sont aussi des lieux de violence, de jalousies, de rivalités... Il y a en nous une tension : entre un désir de perfection qui nous habite, et qui est dans notre nature ; et la difficulté que nous avons à mettre en œuvre ce désir. Parler de "péché originel" est la manière chrétienne de rendre compte de cet état : notre nature est foncièrement bonne, mais elle est pervertie par le mal.

Dans la tradition chrétienne, le péché est donc un état de fait, et non une faute dont on se serait rendu coupable ; c'est pourquoi on dit que l'homme est "pécheur". Pas mauvais, mais pécheur. Le péché est une situation de rupture, de conflit, à trois niveaux : un conflit intérieur ; un conflit avec les autres ; un conflit avec Dieu. Cette situation nécessite une réconciliation - réconciliation intérieure, avec mon frère, avec Dieu. Ces trois niveaux sont étroitement liés entre eux, et s'il y a réconciliation, elle ne peut être que globale.

C'est dans ce sens qu'il faut comprendre le second récit biblique de la Création (Genèse 3), qui insiste sur le fait que les difficultés de ce monde viennent du péché, d'une rupture avec Dieu, et donc peuvent être guéries, ou plutôt "réconciliées" par Dieu. Pour les chrétiens, le lieu de cette réconciliation est la mort du Christ, c'est-à-dire le moment où il se donne tout entier à nous, et où Dieu nous donne ce qu'il a de plus cher.

C'est également dans ce contexte que doit se comprendre le dogme de l'Immaculée conception : nul ne peut dire "Oui" à Dieu, sans garder par-devers lui une réticence, un petit reste de "non", à moins d'avoir vécu cette réconciliation. Le "Oui" de Marie n'aurait pu être prononcé, si Marie n'avait pas bénéficié de ce don gratuit.

14 commentaires:

Anonyme a dit…

Votre exegese est intéressante et séduissante. Pouvez vous aller plus loin et tenter d'expliquer d'ou vient le mal car comme le disait déjà Saint Augustin ''Je cherchais d'ou venait le mal et je n'en sortais pas''
''L'état defait de la tradition chrétienne'' ne semble pouvoir venir que d'une imperfection de la création initiale (avant la faute originelle).
La réconciliation elle ne peut passer que par l'église consacrée?
Très respectueusement
J.Bruno

Emmanuel Pic a dit…

@ J. Bruno :
Je ne vois pas comment je pourrais aller plus loin que St Augustin, qui s'est rendu compte qu'en cherchant à résoudre le problème de l'origine du mal, il allait droit au mur. Le christianisme n'essaye pas de répondre à cette question autrement que par l'affirmation biblique : le mal ne vient pas de Dieu, et il est vaincu par Dieu.

Plutôt que de parler d'imperfection de la création (ce que contredit l'affirmation "Et Dieu vit que cela était bon"), je préfère parler d'inachèvement, ce qui n'est pas pareil.

Je ne pense pas que la réconciliation passe uniquement par ce que vous appelez "l’Église consacrée", car Dieu pardonne au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer. Mais elle passe nécessairement par le Christ.

Vieil imbécile a dit…

Merci d'apporter ainsi votre pierre à un édifice bien complexe... j'aime bien parler aussi de blessure originelle. Un autre éclairage intéressant, celui du père Marie-Dominique Molinié, via le Livre de Job "Et voilà le péché originel : ne pas aimer Dieu" : http://j.mp/rBLnSu

Jean-Michel Castaing a dit…

Pour "comprendre" un peu le péché originel, il n'y a pas d'autre solution que les Ecritures. Or, que nous dit le récit de la chute dans la Genèse? Que ce péché vient de la pervesion de la foi: On croit Dieu avare ( il ne donne pas tous les arbres à manger), jaloux de ses prérogatives( il se réserve l'arbre de la connaissance du bien et du mal)et inquiet des capacités de progrès de l'homme ("vous serez comme des dieux"). A partir de ce moment, l'homme est perdu: divisé en lui-même ( il a honte de sa nudité), envers les autres ( Adam renvoie la faute à Eve, et Caïn ne va parder à tuer son frère) et avec Dieu ( ils se cachent car ils ont peur de Lui). Tout vient de la foi. "Que devons-nous faire pour faire les oeuves de Dieu? - L'oeuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'Il a envoyé" ( Jn 6). Le péché originel, c'est d'abord une qustion de non-foi. De là le reste découle. Quant à savoir son origine ultime, il y a bien quelqu'un qui a suggéré cela: mais cela n'enlève rien à notre responsabilité

Jeanmi a dit…

J'ai rendu mon baptème, prétextant que j'étais athée et que cela avait été fait à "l'insu de mon plein gré". Mais voilà une question s'impose à moi : Comment retrouver mon péché originel ?

Jean-Paul a dit…

A propos de pêché originel, vous qui annoncez être un "curé de gauche", voterez-vous pour le candidat dont la première mesure sera d'instituer le "mariage" des personnes de même sexe et leur droit à adopter des enfants ? http://www.hes-france.org/IMG/pdf/questions_HES_reponses_FH_2012.pdf

Emmanuel Pic a dit…

@ Jean-Paul :

"Vous qui annoncez être un curé de gauche" ???
Et vous, qui aimez coller des étiquettes comme ça vous arrange ???

A propos, vous faites quoi du secret du vote ? Pour moi, c'est quelque chose à quoi je tiens, cela fait partie de la démocratie telle que je la conçois.

Emmanuel Pic a dit…

@ Jeanmi :

Cher Jeanmi, c'est un plaisir de lire vos remarques, au moins avec vous on n'y va pas par quatre chemins.

Un premier élément de réponse : je ne vois pas ce que signifie "rendre son baptême". Je comprends qu'ayant été baptisé sans le vouloir, vous l'avez fait savoir. Mais quoique vous fassiez, ce baptême vous est arrivé, et vous ne pouvez pas faire comme si. Je pense, très honnêtement, que cela ne vous a pas fait de mal.

Quant au péché originel, il n'est pas à vous mais à tout le monde. Je ne sais donc que vous dire, sauf que je ne vois pas l'intérêt pour vous de le retrouver, à moins d'être tenté par les cultes sataniques, mais je ne pense pas que ce soit votre cas. Je vais essayer de vous donner une réponse plus argumentée lors d'un prochain billet.

Toutefois, je ne suis pas sûr que vous ayez lu mes derniers posts, en tout cas vos questions montrent que vous ne les avez pas compris, ou plutôt que vous ne les avez pas pris au sérieux. Faites-vous partie des gens qui considèrent que, avant même d'avoir ouvert la bouche, un curé ne saurait dire que des conneries ?

Emmanuel Pic a dit…

@ Vieil Imbécile :

En effet, un ami théologien me fait remarquer que parler de perversion de la nature n'est pas exact stricto sensu... Il vaut mieux parler de blessure, ce qui évite des équivoques dangereuses. Merci de m'avoir donné l'occasion de rectifier.

Gordon a dit…

J'accepte volontiers l'interprétation du récit d'Adam et Eve comme l'éveil à la conscience humaine dans l'évolution historique et peut-être aussi dans le développement de la personne au cours de l'enfance. Ce qui m'attriste toutefois c'est le poids donné au mal par rapport au bien, donc à la culpabilisation dont vous parlez. Il est très bien et nécessaire de reconnaître les actions mauvaises mais je trouve que la notion péché/réconciliation ne suffit pas pour avancer spirituellement et en fait cela nous bloque dans une routine négative de chutes et remontées. Nous devrions plutôt viser des pas en avance dans le sens de "Soyez parfaits comme votre Père est parfait." Oui, nous avons tous nos moments comme Saint Paul (Je ne fais pas le bien que je veux...) mais il ne faut pas rester là à se récriminer. En avant!

Jean-Paul a dit…

Cher Père,
je ne colle pas d'étiquette, en l'occurence c'est vous qui le revendiquez, je l'ai lu sur ce blog.
Et quand je parle de vote, bien entendu je ne parle pas de votre bulletin stricto sensu, mais d'un militantisme pour certaines idées. Au fond, l'ensemble de mes idées serait plutôt de gauche, mais ceux qui les promeuvent leur y attache d'autres que je ne peux accepter.

Emmanuel Pic a dit…

@ Jean-Paul
Bon, je me suis énervé, mais dites-moi quand même où vous avez vu sur ce blog mention d'une soi-disant opinion politique de ma part ? Je ne revendique certainement pas celle-là (ni une autre d'ailleurs, sinon celle qu'exprimait en son temps le cardinale Decourtray : "Je suis d'extrême-centre"). Si j'ai une famille politique, c'est plutôt la démocratie-chrétienne, telle en tout cas que l'entendaient ses fondateurs. Elle n'existe donc pas sous nos latitudes.

Anonyme a dit…

Regardons les choses en face.
Dieu a donné à l'Homme l'accès à l'arbre de la connaissance et à l'arbre de la Vie. Ces deux arbres étaient présent dans le jardin d'Eden et donc accessible, l'Homme n'a fait qu'utiliser sa liberté pour en goûter le fruit.L'Homme n'aurait pas été libre si Dieu l'avait formaté ou bien enfermé dans un enclos.
Le "péché originel" est donc issu dans l'exercice de notre liberté. Le fait d'exercer notre liberté est dans le plan même de Dieu vis-à-vis de sa créature. Dieu savait déjà à l'origine le risque qu'il prendrait à créer l'Homme libre avec à sa disposition un accès à l'arbre de la connaissance.
Le problème n'est pas dans le fait d'une désobéissance mais dans la conséquence d'un choix. Le fruit étant désirable la tentation était grande pour ne pas y exercer sa liberté. Nous n'avons donc aucune culpabilité à avoir dans ce choix, certes malheureux car il conduit l'Homme et toute sa descendance à la mort.
Adam et Ève aurait eu pleine conscience de leur choix, ils auraient alors été irrécupérable car ils auraient alors péché contre l'Esprit Saint.
Le choix d'Adam et Ève étaient donc inéluctable et toute l'humanité en porte les séquelles dans un monde en perpétuel enfantement de la vie à la mort.
L'arbre de la connaissance n'est autre que posséder la Création même, la Création comportant la Vie, Dieu n'a pas eu d'autre choix que de limiter la vie de l'Homme car Il aurait non seulement était spolié de Lui-Même mais la corruption entré dans l'Homme sous l'influence d'un être maléfique, qui est l'initiateur même de la désobéissance, ne pouvait accéder à l'arbre de la Vie.
Dans cette histoire Dieu s'est mis en jeu, il n'avait d'autre perspective de mettre la mort sur la cheminement de l'Homme pour mettre un terme à la corruption de ce que l'on appelle le péché. Le péché est a l'origine de notre coupure avec notre créateur.
Ce qui est extraordinaire c'est que Dieu ne nous a pas abandonner à la mort mais il est venu parmi nous dans notre humanité en la personne du Christ qui a pris sur Lui le péché du monde, il suffit de se tourner vers lui et se laisser purifier par Lui pour accéder à l'arbre de la Vie... que tant d'homme et de femme cherche dans ce bas monde.

Jésus à dit "je suis le chemin, la Vérité et la Vie" "je suis la porte"

Dans le poème de la création (bien avant la naissance du Christ), le Christ était déjà dans le plan de Dieu bien avant le Big Bang.

Le premier jour de la Création " Dieu dit: que la lumière soit" et la lumière chassa les ténèbres.

La culpabilité ne vient pas du christianisme mais de ses adversaires occultes dans toutes les sphères de notre société, qu'elles soient laïques ou religieuses.

Enfin s'identifier de droite ou de gauche ne sont pas des notions très chrétiennes. "Rendez à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu".

Bon dimanche à vous tous.

René de Sévérac a dit…

Je m'étais fait à l'idée -fort simple- que le péché originel n'était rien d'autre que le constat que nous sommes tous issu du monde animal.
Et ça me satisfaisait ... sans remettre en cause les Ecritures dont le symbolisme ne me choque pas.
D'ailleurs le mot originel ...