mardi 8 décembre 2009

Quel genre de prêtre êtes-vous ?

"Es-tu plutôt socio-fonctionnel, ou plutôt sacramentel-ontologique ?"

Cette question, un brin agacée, vient d'une fidèle lectrice, qui a lu une catéchèse donnée par Benoît XVI le 24 juin dernier, dans laquelle le Saint-Père décrit "deux conceptions différentes du sacerdoce", la première mettant en avant le service de la communauté, la seconde privilégiant l'eucharistie.

C'est vrai que dit comme ça, ça fait un peu abstrait. Et pourtant... C'est un débat qui traîne dans les sacristies, alimente les conversations de curés, nourrit les fantasmes des chrétiens. A l'un des extrêmes : le "Fonctionnaire de Dieu" dénoncé par le sulfureux, mais ici pertinent, Drewermann ; à l'autre, le membre de la Tribu Sacrée de l'ethnologue Pascal Dibie, uniquement préoccupé de culte.

Le genre littéraire du blog invite à la brièveté, quitte à approfondir dans le cadre des commentaires postés à la suite du billet. Je voudrais juste reprendre ici ces deux pistes de réflexion.

Première piste : celle du service. Oui, je pense que le prêtre est au service ; mais pas au service de l'Église, ni des chrétiens, ni de ses paroissiens. Il est d'abord au service de tous. Plus précisément, son service, c'est d'exercer le service que l'Église doit à toutes et à tous. Pour cette raison, on n'ordonne prêtres que des diacres, c'est-à-dire des serviteurs (puisque tel est le sens du mot "diacre"). Il faut se sortir cette idée de la tête, que ce qui se passe dans l'Église ne concerne que les chrétiens, car c'est tout le contraire. Moi, quand je prépare et célèbre des funérailles, je rends service à des gens qui sont très loin de l'Église. Quand je marie, j'aide les mariés à vivre leur vie de couple. Bien sûr au bout du compte c'est Dieu qui œuvre, mais le prêtre y est pour quelque chose, nom d'un chien. Il suffit de voir le drame que représente, pour une commune, le départ d'un curé qui ne sera pas remplacé. Donc : serviteur de tous, pas fonctionnaire du culte. Plus préoccupé de ce qui se passe dans le vaste monde que dans son presbytère.

Deuxième piste : celle de l'eucharistie. En fait, c'est la même. Car l'eucharistie est un service qu'on rend à tout le monde. Je ne parle même pas de sa dimension mystique, dans laquelle Dieu agit pour le salut du monde. Mais du bien qui est fait à tous ceux qui vivent l'eucharistie dans sa profondeur. Et pour cela, ce ne devrait pas être obligatoire d'être un chrétien très cultivé. Je pense à ce que l'on vit au Congo par exemple : n'importe qui ne peut que se laisser toucher par ce qui se passe lors d'une de ces incroyables messes où l'on chante et l'on danse, moments uniques de bonheur et d'émotion. Mais je pense aussi, chez nous, aux timides mots de remerciements adressés par ces familles qui ne viennent que rarement à la messe et qui ont ressenti, ce jour-là, quelque chose qui leur a fait du bien. Peut-être que si nous retrouvions un peu, dans nos liturgies, d'émotion et de sensibilité, nous entendrions plus souvent de ces "mercis" .

5 commentaires:

Dominique de terminale a dit…

Chacun d'entre nous devrait être au service...

La montréalaise a dit…

Parfaitement d'accord avec Dominique de terminale! Et cela deviendrait une habitude agréable et facile,si on la pratiquait un peu,chaque jour.

Jérôme a dit…

Quelle est l'origine de ce débat ? J ' ai du mal à cerner le problème soulevé malgré vos quelques éclairements.
Merci d'apporter des précisions sur ce sujet. Merci d'avance.

Emmanuel Pic a dit…

@ Jérôme
votre question demande plus de temps que je n'en ai... Mais je vais résumer, au risque de caricaturer et de me faire épingler par des confrères théologiens.

Il y a quarante ans, le Concile Vatican II a publié des documents concernant les prêtres, et ça a été l'occasion d'une réflexion qui n'avait pas été menée depuis très longtemps (en gros, depuis le XVI° siècle) sur leur identité. Ce sont les deux grandes tendances de cette réflexion que Benoit XVI a résumées dans la catéchèse que je cite : les uns voient dans le prêtre l'animateur de la communauté chrétienne ; les autres, l'homme du culte et plus particulièrement de l'eucharistie (c'est-à-dire de la messe).

Ces deux conceptions posent chacune des problèmes : par exemple, pour la première conception, puisque seuls des hommes sont prêtres, cela veut dire que jamais une femme ne pourra présider une communauté chrétienne. A contrario, si le ministère du prêtre est centré sur l'eucharistie et les sacrements, il n'a pas de compétence pour parler de la vie sociale, et à la limite une paroisse peut être administrée par des baptisés qui font appel à un prêtre pour la messe.

Dans sa catéchèse du 24 juin, Benoit XVI invite à articuler ces deux conceptions en rappelant qu'elles ne sont pas exclusives l'une de l'autre, mais complémentaires.

A votre disposition pour poursuivre le dialogue !

Jérôme a dit…

Merci pour le temps que vous avez consacré pour apporter une réponse à mon interrogation. Maintenant , je comprend mieux l'origine de ce débat.

Je pense que le prêtre incarne ces deux conceptions. Mais quelles en sont les frontières ? Sur cette question, je pense que la polémique doit être vive parmi vos confrères.