jeudi 8 septembre 2011

Comment on joue à se faire peur.

Saint-Seurin de Cursac, village de Gironde, à peine un demi-millier d'habitants. Longtemps fief de la famille Madrelle, toute-puissante dans le département à travers les mandats électifs cumulés des deux frères et de leurs protégés, la commune a su conserver une activité économique importante pour une collectivité de cette taille : on y trouve à peu-près tous les commerces, et même, fait de plus en plus remarquable, une poste.

C'est rare, la poste au village. Mais le bureau de poste de Saint-Seurin, tout le monde y tient. C'est tellement mieux que la grande poste de Blaye, on peut y papoter un peu avec le préposé, prendre des nouvelles de sa petite fille qui est maintenant maman à son tour, arranger les tournées du facteur, si compliquées dans une campagne sans rues et sans adresses, trouée de résidences secondaires où le courrier moisit dans des boîtes aux lettres qui débordent de pub.

Cet été, j'y suis allé, pour acheter des timbres. La porte avait changé : les vieilles huisseries en bois marron avaient été remplacées par une espèce de truc en verre blindé. Comment entrer là-dedans ? Simple : il faut sonner. Après, il y a un sas, patientez un peu, ça va s'ouvrir. Enfin, on accède dans le bureau, pas mal transformé lui aussi : il est devenu tout blanc, et la postière, qui trône d'un air bougon derrière son comptoir immaculé, s'y ennuie ferme, car avec un système pareil, personne n'a envie de rester pour prendre des nouvelles. D'ailleurs, je pense que personne ne vient plus, et que ça va devenir un prétexte pour fermer le bureau un de ces jours, quand M. Madrelle sera mort et qu'il ne pourra plus protéger son électorat.

Tout le monde a compris, c'est le monde qui a changé, pas seulement le bureau de poste de Saint-Seurin, dans lequel il n'y a jamais eu un hold-up. Le signal qui nous est envoyé est clair : amis postiers, méfiez-vous des gens qui viennent vous acheter des timbres. Jouez à vous faire peur, et faites-le savoir autour de vous.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est marrant, mais le début du billet ressemble étrangement à un sujet du JT de Pernaut... Quant au sujet, il me semble qu'il y a là un vrai problème de société... De choix de vie de et pour la société.

Emmanuel Pic a dit…

@ lemessin : Le journal de JPP... J'ai failli censurer le comm, mais l'humilité s'acquiert aussi à ce prix... C'est un compliment dans ta bouche ?

dominique de terminale a dit…

Le mieux est souvent l'ennemi du bien...