mardi 6 décembre 2011

Vrai et faux suspense à Kinshasa.

D'après les nouvelles (fragmentaires) qui arrivent de là-bas, le calme règne à Kinshasa qui attend la publication promise des résultats de l'élection présidentielle. Si la mégapole congolaise connaît ce climat inhabituel, la cause en est sans doute un impressionnant déploiement des forces armées ; il succède à des semaines marquées par une grande violence - on ne saura sans doute jamais combien de personnes ont trouvé la mort samedi dernier à l'aéroport de Ndjili.

Petit rappel pour ceux qui n'ont pas suivi l'actualité, il est vrai encore peu relayée par les médias français : la semaine dernière a eu lieu le premier et unique tour de l'élection présidentielle qui opposait essentiellement deux candidats, le président sortant Joseph Kabila, fils de son père, et celui qu'on surnomme là-bas le Sphinx - Etienne Tshisekedi, éternel opposant qui voit à près de quatre-vingts ans l'occasion d'occuper enfin le fauteuil présidentiel. Tshisekedi apparaît auréolé d'un incroyable prestige, du autant à sa longue carrière d'opposant qu'à l'impopularité de son adversaire, incapable de remettre sur les rails l'économie de l'immense pays dévasté par une décennie de guerre. Son retour à Kin, à la veille de l'élection, a provoqué une marée humaine qui a déferlé sur l'aéroport pour l'accueillir en triomphateur. A peine les bureaux fermés, ses partisans ont annoncé sa victoire haut la main et dénoncé les innombrables "irrégularités" (quel joli mot pour parler d'énormes fraudes) d'un scrutin qui a été surveillé bien moins étroitement que l'an dernier par les observateurs étrangers. Peine perdue : on s'attend ici à apprendre la réélection du président sortant. Tshisekedi a prévenu : un tel résultat serait "suicidaire" pour la République.

Tout le monde le comprend : les heures, les jours, les semaines qui suivent vont être durs. Les bruits les plus divers circulent - 30 000 kinois se sont réfugiés à Brazzaville, de l'autre côté du fleuve - Kabila a recruté sur sa fortune personnelle des mercenaires étrangers qui sont déjà sur le territoire national - les Rwandais ont un plan qui se soldera par la partition du pays en leur faveur. Une chose est certaine : le résultat de l'élection est acquis, et comblera d'aise la fameuse "communauté internationale" (en réalité, les voisins du Congo qui pillent le pays pour le compte des Occidentaux). Le suspense n'est donc pas là, mais sur la réaction d'Etienne Tshisekedi et de ses partisans. L'Église catholique, unique institution nationale qui tienne encore debout, a choisi la paix, au risque de l'injustice : ses milliers d'observateurs ont tous dénoncé les fraudes, mais les évêques appellent, malgré tout, au respect du résultat quel qu'il soit.

4 commentaires:

Flob a dit…

Vont-ils entendre le psaume 37?
"Laisse ta colère, abandonne la fureur"
F.Baratte

Anonyme a dit…

Je suis très contente d'avoir trouvé votre article sur les élections en RDC. Ma paroisse fait une campagne de financement pour une école à Kinshasa (Maluku, plus exactement) ouverte par les OMI au mois de mai dernier. J'essaie de me tenir au courant de la situation là-bas, mais c'est difficile. Les agences de presse répètent toujous la même chose, et mon correspondant à Kinshasa affiche un certain optimisme: l'école a fermé cette semaine, mais elle ouvrira lundi, car on connaîtra alors le nom du nouveau président et on pourra passer à autre chose. Évidemment, si les évêques recommandent de rester calme, il peut difficilement exprimer de l'angoisse. Bon, on va continuer de prier pour eux, recueillir des fonds et leur souhaiter bonne chance. Mais si vous savez où obtenir des informations plus complètes, je serais très heureuse si vous me disiez comment faire pour me tenir mieux au courant.
Merci.
Marie

Emmanuel Pic a dit…

@ Marie : vous trouverez une information assez complète sur le site de Radio-Okapi, www.radiookapi.net. Plus polémique mais toujours bien informé, Slate Afrique : www.slateafrique.com. Si vous twittez, vous pouvez suivre en live les péripéties électorales en suivant le hashtag : #congo11 ou #RDC2011.

Anonyme a dit…

Merci, Père Emmanuel, pour ces sites que je viens de découvrir. Très bons tous les deux, excellentes sources d'informations.
Marie