lundi 7 mai 2012

La présidentielle, vue d'Afrique.

Pendant trois semaines, j'ai décroché : plus d'internet, et des communications téléphoniques tellement chères que j'ai laissé mon i phone tranquille. Oui, j'étais en Afrique, et pas n'importe laquelle : à 120 km de Kinshasa, dans un séminaire sans eau courante ni électricité (ou si peu).

Trois semaines en RDC (ex-Zaïre) en plein pendant la présidentielle, ça vaut son pesant d'arachide. Et ça passionne tout le monde, prêtres et séminaristes : vous comprenez, M. l'abbé, chez nous il n'y a pas la démocratie, on ne peut pas dire ce qu'on pense vraiment du président. En plus, la France...

Alors, le soir des résultats du premier tour, tout le monde est devant la télé, et on découvre avec surprise que Sarkozy n'est pas passé du premier coup. Le petit brun qui n'a plus de voix, là, qui est-ce ? Et la blonde, c'est la fille de Le Pen ? Là, on s'y retrouve, c'est comme chez nous. Ah bon, Hollande c'est le père des enfants de Ségolène ? Tiens, décidément... Ah, le fils de Sarkozy fait de la politique ? Baroin, c'est le fils de Baroin ? Kosciusko-Morizet, pareil ? Je m'arrête là, parce que je ne sais pas tout sur les généalogies et les amours des uns et des autres, mais ils ont compris : démocratie ou pas, la politique, ça va avec la famille.

Et l'argent ? Le président français gagne 200 000 euros par an. Réaction unanime : "Ce n'est pas beaucoup." Il y a donc pire que nous. En effet, le lendemain, à l'occasion des funérailles d'un monsieur très connu dans la ville où j'habite, je fais connaissance du gouverneur de la province. Jamais je n'avais vu une aussi grosse bagnole : à peu-près de la taille d'une maison. Je me suis demandé combien de temps M. Sarkozy devrait travailler pour s'en offrir une comme ça.

La campagne continue, sur France 24 on peut la suivre tous les soirs. On voit M. Hollande sous un parapluie, M. Sarkozy devant un micro. Ils se répètent un peu. Les sondages, eux aussi, se répètent : 52/48, depuis six mois, mais on a l'air de dire que ça peut changer. Ici, tout le monde traduit : on ne va quand même pas gâcher la fête en disant que c'est cuit d'avance, alors on fait semblant d'y croire pour se prendre au jeu.

Il y a des meetings : que de monde, les Français sont vraiment passionnés par la politique. Et moi, rabat-joie : ils viennent de toute la France, mais on leur a payé le voyage et ils ont à manger. Bon, alors c'est aussi comme chez nous.

Le soir du débat, c'est la veille de mon départ. Par précaution, nous avons déjà quitté le séminaire et dormons à Kinshasa, car l'état des routes rend aléatoire tout déplacement et je n’ai pas envie de rater mon avion. En ville, le seul mot que je comprends c'est "Sarkozy", ça se dit pareil dans toutes les langues. Après une heure, avec les confrères présents, nous avons décidé d'aller boire une bière à une jolie terrasse, sur la place qui se trouve à côté de la maison où nous logeons. Devant nous, une voiture tombe dans un trou. C'est quelque chose qu'on ne voit qu'ici. Des passants se précipitent et on la sort de ce mauvais pas.

Partout pareil, la politique ? Pas tout-à-fait quand même. Entre les deux tours, je suis allé rendre visite à l'évêque de Kisantu. L'état de la route est épouvantable, malgré les travaux réalisés l'année précédente par les Chinois. L'évêque me dit alors que des habitants de la ville sont venus le trouver pour lui demander de patronner leur initiative : ils sont allés rencontrer des élus locaux et leur ont donné une liste de choses à faire pour que la vie change enfin, ici. Des choses élémentaires : réparer les routes, assurer la distribution de l'électricité, procurer des médicaments, faire en sorte que les enfants apprennent à lire. En RDC, si on veut être soutenu par quelqu'un qu'on sait absolument honnête, c'est vers l’Église qu'on se tourne.

2 commentaires:

Jean-Paul a dit…

L'évèque "qui sent tout" rencontre donc les gens de base ? Et qui s'implique dans la vie des gens et les affaires publiques ? En voila un exemple !

Anonyme a dit…

Depuis Basile de Césarée rien de nouveau sous le soleil , il y a toujours des sous pour les forces de frappes et bombinettes de toutes sortes . MADO