samedi 9 juin 2012

Nouvelles familles (4)

Les petites histoires, c'est bien, mais il faut aller un peu plus loin. Car elles interrogent, même si certaines de celles que je viens de raconter sont des situations qui restent exceptionnelles. Elles interrogent doublement : bien sûr au niveau de la vie de l’Église, de la responsabilité pastorale d'un curé, de celle, fraternelle, des chrétiens ; mais aussi, elles posent question sur les tournants que prennent notre pays, notre culture européenne - car la paroisse est un remarquable observatoire de la vie quotidienne de chez nous.

Une première constatation saute aux yeux : le mariage donne de formidables énergies pour vivre bien. Le sacrement du mariage, bien sûr : il suffit de voir l'émotion qui étreint les mariés, y compris ceux qui ont fait profession de scepticisme pendant la préparation, au moment où ils prononcent les paroles fatidiques, pour comprendre l'importance de ce qui se joue là, l'investissement affectif, l'expérience spirituelle. Mais aussi le mariage tout court, comme institution. La preuve ? Pour beaucoup de ces jeunes mamans célibataires que je rencontrais dans mon ancienne paroisse, le mariage, c'est un rêve inaccessible, un truc de riches, c'est pas pour des gens comme nous. Une autre ? La réussite de la vie familiale, de toute la famille et de chacun de ces membres, quand elle se situe dans le cadre du mariage. On pourrait ajouter la catastrophe économique, humaine, psychologique, spirituelle, que représente toujours une séparation dans un couple. Bref : vive le mariage.

Quand je dis "mariage", j'entends l'institution, et pas simplement n'importe quelle union, formalisée ou non par un contrat. Car dans le contrat, on est dans l'illusion post-moderne, celle qui fait croire que chacun est maître de réaliser comme il l'entend sa propre vie, comme s'il démarrait tout à zéro à partir de lui-même ;or,  le mariage existait avant les mariés, et c'est ce qui fait en partie sa force : il rappelle que nul n'est parfaitement maître de sa propre vie, que la vie, précisément, est un donné avant d'être un projet, que l'amour lui-même est un don qui dépasse les personnes qui s'aiment. Ce que j'écris là n'est en rien un jus pieusard et catho : c'est ce que disent tous les amoureux du monde, à partir du moment où on les fait parler d'autre chose que de leur vie sexuelle et de l'emprunt qu'ils vont réaliser pour acheter leur maison. Il se trouve que cela rejoint l'Evangile dans ce qu'il a de plus vrai...

Ce n'est pas pour rien que notre droit favorise encore (pour combien de temps ?) les personnes qui décident de se marier. En cela, la vie privée d'un chef d'Etat importe à toute la nation, si elle laisse croire qu'il y a diverses formes d'union toutes équivalentes, et qu'en fonction de ses opinions on pourra choisir celle qui convient le mieux.

Ce n'est pas pour cela qu'il ne faut pas respecter tous les choix. "Respecter", et non pas simplement tolérer : chacun, c'est vrai, a le droit de vivre comme il l'entend. Mais, parce que la société a pour rôle de participer à l'éducation de ses membres, de chercher à leur procurer le bonheur, elle doit en indiquer le meilleur chemin. C'est d'ailleurs une conviction profondément ancrée dans les mentalités : pour l'immense majorité de nos concitoyens, une famille, c'est l'union stable entre des époux. Il y a, certes, d'autres choix possibles, nul ne peut les empêcher, et le droit se doit de les prendre en compte et de les organiser ; mais sans diminuer la priorité donnée au mariage sur toutes les autres formes d'union.

(A suivre)

2 commentaires:

Natalia Trouiller a dit…

Cette série est vraiment remarquable. Merci.

Bashô a dit…

Il faut souligner que lors du Pacs, l'Eglise française a été sur la ligne du refus total, même pas pour un "contrat d'association des biens" qui a pourtant été proposé par des catholiques. Remarquons aussi qu'en Italie, les catholiques ont fait échouer une proposition de loi analogue au Pacs mais n'ont rien fait, absolument rien fait pour donner une assise juridique à une forme de mise en commun des biens.