jeudi 30 avril 2009

Fourmilière ou printemps ?


Il y a trente ans - lorsque je suis entré au séminaire - il y avait dans l'agglomération dijonnaise une quinzaine d'églises, un temple et un ou deux groupements que l'on appelait alors des "sectes". Il faut y ajouter aujourd'hui six églises évangéliques, douze dans toute la Côte d'Or, 52 en Bourgogne ! plus les orthodoxes (deux paroisses), les mormons et les témoins de Jéhovah. Certaines assemblées sont très confidentielles, d'autres extrêmement vivantes. Elles en disent long sur les transformations du religieux au XXI° siècle ; et sans doute aussi sur les insuffisances de nos vieilles Eglises.

Du plus clair au plus foncé, la carte indique l'implantation des Evangéliques dans notre pays. Pour plus de détails, il est possible de se renseigner sur le site Eglises.org, qui recense ces communautés.

Quel enseignement tirer de cette prolifération ? Déjà, que la France n'est pas à l'écart -même si elle est moins concernée que d'autres pays - de l'explosion des Evangéliques dans le monde : à Kinshasa par exemple, dire qu'il y a une Eglise de ce type à tous les coins de rue n'est pas une exagération ; dans le monde, ce sont six cent millions de fidèles qui se réclament de cette mouvance du christianisme. Ensuite, que l'on ne saurait se satisfaire d'explications trop faciles, du genre "ce sont des sectes", ou "ils abusent de la crédulité des gens" : il suffit de s'entretenir avec tel ou tel membre d'une Eglise évangélique pour s'en rendre compte, les Evangéliques savent parler au coeur de leurs disciples. Ils ont compris cette réalité fondamentale, que Jean Mouroux au séminaire de Dijon avait pourtant énoncé dès les années cinquante : aujourd'hui, avant d'être un savoir ou un ensemble de certitudes, la foi est une expérience.

Question : les catholiques d'aujourd'hui sont-ils conscients que, lorsqu'il s'agit de transmettre la foi, il est d'abord question de donner à faire une expérience du divin ?

7 commentaires:

Marc a dit…

Oui et non.

Oui car c'est bien le sens de la démarche d'Ecclésia2007, qui est de remettre l'expérience chrétienne et le partage de la Parole de Dieu au centre de la vie chrétienne, vie qui doit être communautaire et permettre un accompagnement des personnes en fonction de leurs cheminements.

Non car finalement le texte des Évêques autour d'Ecclésia 2007 n'est que la reprise des grandes intuitions de la lettre aux catholiques de France de Mgr Dagens en 1997.

Or lui même a admis dans un livre assez récent que finalement cette "grande réforme" (sans jeux de mots) n'a pas été suivie d'effets.

Alors pour moi la question est : pourquoi alors que la majorité de la communauté catholique est d'accord sur l'importance de proposer une expérience spirituelle à vivre et à partager il ne semble pas que l'on arrive à passer aux actes.

(Bon j'ai ma petite idée sur les réponses... mais j'attends de lire les réactions des uns et des autres d'abord)

do a dit…

Personnellement, je m'explique mal les différentes tendances chrétiennes.
C'est le même Dieu, le même Esprit Saint, le même Jésus Christ, et pourtant, bien au delà des clivages historiques, il semble appeler les hommes et les femmes par différents chemins, alors que la vérité ne peut pas être incohérente.
Que l'un vienne de là et l'autre d'ici, on peut le comprendre, mais que l'un arrive à l'Eucharistie -dite sommet de la vie chrétienne-, et que l'autre n'y songe même pas, j'ai du mal à suivre.
Et pourtant, vraiment, l'expérience de Dieu que font les uns et les autres est tellement proche que ça ne peut pas être feint.

J'ai parfois l'impression que Dieu nous respecte tellement qu'il ne veut se servir que de ce que chacun a reconnu comme vrai et bon (les uns la Parole de Dieu, la louange, d'autres l'Eucharistie, Marie, etc...) pour nous amener à la vérité toute entière qui ne sera qu'au Ciel.
Et aussi qu'il se plait à utiliser nos différents d'antan pour former les complémentarités d'aujourd'hui.
Les évangéliques ont beaucoup libéré la foi, la lecture de la Parole, sa mise en musique, et ils sont incontestablement une source de louange pour les catholiques, qui ont peut-être plutôt gardé le discernement, la rigueur, l'unité.

the masked one a dit…

Est-ce que ce renforcement de l'influence des Evangéliques n'est pas aussi en rapport avec une aspiration rigoriste et conservatrice de la foi ? Est-ce que ça n'est pas sans rapport avec cette même "modernité" de la foi incarnée par les mouvements catholiques fondamentalistes ?

Vous qui êtes au fait de ce genre de sujet, trouvez-vous la comparaison judicieuse ?

Ceci dit je vois tout ça d'un mauvais oeil, c'est très désagréable d'être interpellé dans la rue ou à la porte de chez soi pour parler "espérance autour des saintes écritures". Alors je ne pense pas que ça soit une bonne idée que les catholiques cherchent à transmettre la foi aussi... ou alors je débranche mon interphone !

Didier Guillion a dit…

Bonjour,

Que voilà une question intéressante. Je soupçonne qu'elle veut se placer dans la problématique, "Pourquoi les Catholiques perdent ils des fidèles qui rejoignent d'autres mouvement religieux ?".
Je ne puis que donner mon avis personnel, de l'extérieur, puisque je suis athée.
Je ne connais pas trop les Evangéliques mais j'ai été amené à côtoyer des Catholiques et des Musulmans, tous croyants et pratiquants.
Jamais, jamais, jamais, un Catholique ne m'a parlé de sa foi. Comme si ce n'était pas à lui de le faire. Comme s'il y avait une sorte de "hiérarchie", avec en haut ceux qui savent et disent, en bas ceux qui écoutent. (Désolé si je caricature un peu)
Par contre, à chaque fois que j'ai été amené à sympathiser avec un Musulman, il m'a systématiquement parlé de lui, de sa relation au Coran, comment cela s'insérait dans sa vie, avec naturel, passion et conviction, comme une chose évidente. L'un d'entre eux m'a dit un jour que cela faisait partie de leur devoir de croyant : parler, expliquer et convaincre les non musulmans.

C'était ma contribution à deux sous.

Cordialement

Koopa Troopa a dit…

Evolution du nombre de fidèles de la Fraternité Saint-Pie X dans mon diocèse :

1976 : aucun lieu de culte, environs 50 fidèles
1990 : un lieu de culte, 100 fidèles
2009 : trois lieux de culte, plus de 500 fidèles...

Didier Guillion a dit…

Bonjour,

Que voilà une question intéressante. Je soupçonne qu'elle veut se placer dans la problématique, "Pourquoi les Catholiques perdent ils des fidèles qui rejoignent d'autres mouvement religieux ?".
Je ne puis que donner mon avis personnel, de l'extérieur, puisque je suis athée.
Je ne connais pas trop les Evangéliques mais j'ai été amené à côtoyer des Catholiques et des Musulmans, tous croyants et pratiquants.
Jamais, jamais, jamais, un Catholique ne m'a parlé de sa foi. Comme si ce n'était pas à lui de le faire. Comme s'il y avait une sorte de "hiérarchie", avec en haut ceux qui savent et disent, en bas ceux qui écoutent. (Désolé si je caricature un peu)
Par contre, à chaque fois que j'ai été amené à sympathiser avec un Musulman, il m'a systématiquement parlé de lui, de sa relation au Coran, comment cela s'insérait dans sa vie, avec naturel, passion et conviction, comme une chose évidente. L'un d'entre eux m'a dit un jour, que cela faisait partie de leur devoir de croyant : parler, expliquer et convaincre les non musulmans.

C'était ma contribution à deux sous.

Cordialement

do a dit…

Catholique, si je ne parle pas de ma foi à certaines personnes, c'est parce que je sens une réticence chez elles; Pour les personnes qui ne semblent pas opposées à accueillir des idées différentes de ce à quoi elles croient, je n'ai aucune difficulté à parler de ma foi, je le fais presque toujours, tôt ou tard.

Pour ce qui est de l'espérance dans les Saintes écritures, j'ai été athée, et dans une situation difficile, j'ai connu ce qu'est le désespoir. Puis une relation avec Jésus s'est établie en moi (je ne peux pas expliquer autrement, désolée pour ceux qui ne comprennent pas), et j'ai su ce qu'était l'Espérance de la Vie éternelle: c'est tout autre chose que l'espoir humain, qui n'est qu'un désir, habituellement déçu. C'est une certitude plus profonde que les certitudes intellectuelles. Pour les gens qui ne ressentent pas cela, ça peut sembler une idée imposée par le hiérarchie, mais ce n'est pas du tout le cas. A vrai dire, ce n'est pas une "idée".
Les "saintes écritures" ne sont pas un règlement intérieur qu'on doit suivre sous peine d'être puni! c'est une sagesse qui rejoint notre cœur le plus profond (en dessous des pulsions ponctuelles, par exemple), ...et qui nous le révèle en même temps.
De plus, c'est une parole inspirée, c'est à dire qu'elle vient de plus loin que les personnes qui l'ont écrite, c'est pour ça qu'on s'y reconnait 2000 ou 3000 ans plus tard.
Et pour les chrétiens et les juifs, cette source d'inspiration est Dieu, et Dieu est une personne, et il nous aime. Cela donne une saveur à ces écrits, qui nous font dire d'eux qu'ils sont "saints". Mais on n'en fait que ce qu'on veut, en conscience, chacun. Et chacun en tire des milliers de choses différentes , selon son histoire, et parfois, certains, qui ont eu une histoire plus dure, en tirent des propos durcis. L'Évangile nous met en garde contre ça à chaque page ou presque.
Par ailleurs, on évolue, avec le temps, c'est une recherche.
Mais l'Eglise, c'est une association de personnes qui mettent en commun leurs recherches, depuis 2000 ans, et si on suit tel chemin ou tel autre, c'est par confiance et parce que ça nous "parle", jamais par obligation. Enfin, normalement, c'est comme ça, mais on n'est pas parfait dès le début... Parfois, on cherche une réponse facile dans la Bible comme d'autres vont chez des voyants: c'est une aliénation de notre liberté, mais il y a des gens que ça rassure, ...à tort.