dimanche 18 septembre 2011

La maman qui n'enfante plus.

Je rebondis sur un commentaire, malheureusement anonyme (ne peut-on au moins signer de son prénom ?), laissé par un lecteur au billet du 30 août dernier : "Les évêques qui trouvent plus facile de demander des prêtres à l'autre bout du monde que d'appeler des jeunes en France. " Commentaire qui en a provoqué un autre, peut-être du même auteur, faisant remarquer à la fois que les prêtres venus d'ailleurs sont souvent appréciés, et que les vocations sacerdotales se rencontrent à certains endroits (tel diocèse, telle paroisse, tel mouvement), et non à d'autres.

Pas question bien sûr de se lancer ici dans une réflexion de fond sur la "crise des vocations" que connaît la France depuis un demi-siècle. Je préfère, dans le cadre de ce blog qui ne se prête qu'à des réflexions personnelles, dire quelques convictions nées de l'expérience de vingt-deux ans de ministère :
  • La crise que nous traversons est durable. Il y a certes des instituts religieux, des diocèses qui "appellent" davantage que d'autres : mais cela ne fait pas augmenter le nombre de vocations sacerdotales dans l'ensemble de notre pays. La raison pour laquelle la crise ne va pas se terminer de sitôt est simple : avant d'être prêtre, on est d'abord un disciple du Christ, et avant d'être disciple, on est croyant. Le nombre des croyants allant s'amenuisant, on ne risque pas, à court et à moyen terme, de voir davantage d'apôtres se lever. Je suis frappé de voir combien de personnes s'attristent de cette diminution, sans comprendre que la meilleure manière d'inverser la tendance serait de répondre pour elles-mêmes à l'appel.
  • Le cercle qui s'ouvre là est un cercle vicieux. On ne peut imaginer d’Église (catholique, j'entends) sans prêtres. Moins il y aura de prêtres, moins il y aura de croyants. Moins il y aura de croyants, moins il y aura de prêtres. Car la foi naît de la rencontre avec le Christ dans les sacrements, et de la prédication de l’Évangile par les apôtres. On pourra inventer tous les nouveaux ministères que l'on voudra, réorganiser avec toujours plus d'efficacité nos communautés chrétiennes, il faudra toujours des prêtres. Nous devons d'ailleurs être attentif à ces réorganisations : si elles induisent l'idée que l’Église pourrait se satisfaire d'un tout petit nombre de prêtres, que les baptisés peuvent suffire à l'essentiel de la tâche apostolique, elles risquent d'affaiblir l'urgence de l'appel. Il faut donc davantage de prêtres dans l’Église de France aujourd'hui.
  • Par contraste, j'ai la chance d'enseigner chaque année en Afrique. J'y rencontre une Église étonnamment jeune et dynamique, un clergé dans lequel à mon âge on est déjà un ancien. Parmi ces séminaristes et ces prêtres, beaucoup s'attristent de ce qu'ils savent de la situation dans les Eglises-mères : la maman n'enfante plus. Ils se font, certes, une idée fausse de notre vie ecclésiale, qui conserve un beau dynamisme. Mais ils ont compris le danger qui nous guette. Parmi eux, un bon nombre souhaite consacrer tout ou partie de leur vie à la mission à l'étranger. Ils le font un peu au hasard, en écrivant à tous les évêques du monde, ou en se confiant à telle ou telle relation amicale nouée à l'occasion d'un voyage. Ils ne trouvent pas l'institution qui pourrait les aider à réaliser leur désir, car elle n'existe pas. C'est sans doute à nous de l'inventer.
J'ai conscience de la trop grande brièveté de ces lignes, imposée par le genre littéraire qui est celui de ce blog : il faudrait parler des questions que soulève le désir africain d'émigrer vers l'Europe, ne pas oublier que les prêtres ne sont pas les seuls apôtres, ni même les seuls ministres ordonnés (on ne compte pas assez sur les diacres), interroger notre pratique de l'appel aux ministères, expliquer pourquoi c'est aujourd’hui dans les mouvements considérés comme les plus "traditionnels" que l'on rencontre le plus de vocations de prêtres. Tout cela ne répondra pas à ce qui est la question de fond : le nombre de prêtres français est insuffisant pour assurer la vie des communautés, et nous devons nous considérer aujourd’hui comme un pays de mission.
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13 commentaires:

Anonyme a dit…

Héhé, si l'Eglise a tant de manque de prêtres, il reste une solution ! Les femmes prêtres !

Marc a dit…

bonjour Père,
Merci de ce billet salutaire....je peux vous suggérer deux choses ?
Sans se réfugier non plus derrière cette idée, je crois qu'il y a aussi le mystère du Christ dans cette affaire. Moi je suis croyant, hyper-hyper-croyant et pratiquant, j'adore Jésus, je suis fou de lui, sérieusement, mais pas de chance et très clairement, il ne m'appelle pas. Veut pas de moi, pas là en tout cas. Et j'en connais bien d'autres avec qui on s'est fait la même réflexion qq années après le mariage.
Un autre truc. Pourquoi personne, en France ou ailleurs, fait ce que vous dites, ou vous écoute un peu, si si très sérieusement ? Pourquoi les curés vendent du recrutement au lieu de donner de l'amour et du vrai, le seul ? Pourquoi ces campagnes de marketing ("devenez prêtres ! vous serez riches à vie..."), pourquoi ce harcèlement sur les mecs qui se posent qq questions sur leur vie, leur foi, entre 20-30 ans, à vous en repousser de peur d'être manipulé ? Rien à br... battre pardon !, d'une boutique qui fait faillite faute de personnel. Allez vendre ailleurs vos breloques, pliez vos stands.
Par contre, apprendre à voir l'Amour et se donner à Lui, c'est autre chose, là on dit sûrement, beaucoup, "ok" !
Alors on touche le bout du bout. Pourquoi l'Eglise a oublié d'apprendre ce qu'est véritablement l'amour du Christ, à montrer ce en quoi cet amour est radicalement différent de celui du Monde avec lequel il est en contradiction radicale ? Pourquoi elle s'est mise à diluer son discours fort, porteur de divisions autant que de paix ?
Moi ça me fait pas peur qu'on me dise que l'Eglise s'écroule faute de prêtre. Et alors ? c'est pas mon problème à eux de gérer ça.
Ce qui me touche plus c'est que la voix du Christ, s'éteigne doucement...

Dominique a dit…

Pourtant, votre église paroissiale à vous est pleine tous les dimanches ! Ce devrait être plus facile pour vous que pour certains de vos confrères, sans compter les scouts et les aumôneries.

Benoît a dit…

Bien, votre titre !
Il y a aussi des milieux où les mamans ne sont pas très fécondes car pas en bonne santé physique ou mentale. Des milieux où les mamans avortent beaucoup plus que la moyenne, soit activement par choix, soit qu'elles ne prennent pas soin d'elles pendant la grossesse...avec un taux important de fausses-couches ! D'autres, au contraire, prennent tous les moyens pour favoriser leur fécondité (les méthodes naturelles peuvent être très efficaces), pour mener à bien leurs grossesses dans les meilleures conditions et donner le meilleur d'elles-mêmes aux enfants en bas âge pour leur donner le maximum de chance de s'épanouir dans un contexte aimant et stimulant !

Wolfram a dit…

Il y a aussi un facteur tout banal : l'argent.
Certes, je ne peux ni me permettrais de parler de la situation de l'Église catholique.
Mais dans mon secteur pastoral, les personnes qui déplorent à haute voix la diminution de postes pastoraux et le grand nombre de postes non pourvus (dans la Région Est, 11 pasteurs sur 20 postes), ne figurent pas sur les listes des foyers qui participent à la vie financière de l'Église Réformée, et comme ils ne participent pas non plus à la vie cultuelle, ce n'est pas par un billet dans l'offrande qu'ils aident à payer les pasteurs.
Je surmonte donc ma pudeur et leur réplique : "vous avez bien raison, mais si vous donniez ne serait-ce que 20 ou 30 Euros par mois à l'Église, et si tous les autres faisaient pareil, on pourrait payer plus de pasteurs. Et si vous pointiez parfois le nez dans les cultes, études bibliques et autres réunions de la communauté, vous verriez qu'avec le peu de pasteur qu'on a, on fait déjà beaucoup."

"peu de pasteur" au singulier, puisque je suis seul dans mon secteur. ;)

Mais... non, ce n'est pas ce qu'ils veulent. L'Église doit être là pour eux, gratuitement, sans investissement de leur part.
J'oserais dire qu'ils se sont excommuniés depuis longtemps, mais ce mot n'a pas bonne cote chez les parpaillots, donc je ne le dis pas.

Anonyme a dit…

Oui les milieux ''tradi'' ont des vocations et les séminaristes actuels le sont en majorité , mais l'image qu'ils donnent de l'église a peut être comme conséquence d'éloigner les autres. Idem pour les paroissiens.
On est en présence de deux conceptions de l'églises qui se séparent. Involution de la structure et évolution du corps.Ils ne risquent pas de se rejoindre.
Ce n'est que ma modeste analyse.
Si l'on avait continuer à suivre Jean XXIII et Vatican II (ou I bis) on en serait sans doute pas là.
J. BRUNO

Dominique a dit…

Anonyme, vous voulez dire, si on avait suivi le concile au lieu de l'interpréter parfois de façon complètement délirante, sur la liturgie par exemple ce qui a été la cause de la désertion de beaucoup... Et vous remarquerez que les plus intransigeant ne sont pas souvent ceux qu'on croit. Demandez aux jeunes qui sont allés aux JMJ quels sont les prêtres dans le groupe qui les ont marqués, et voyez le style de ces prêtres. Rien de plus à dire.

Anonyme a dit…

Votre billet est la suite logique de celui du 11Nov 2011 traitant du problème qui est à la base de tout .Celui de la signification de la Messe : de la notion de sacrifice (Don) et de Mémorial . Mado

Marc a dit…

Merci, "Anonyme", le billet était de 2010 et non 2011, à cette adresse : http://www.leblogducure.com/2010/11/lesprit-de-sacrifice.html
Très intéressante cette nuance

Anonyme a dit…

A Dominique. Nos différences de point de vue sont certainement générationnelles et aussi resultant de notre vécu.
Personnellement j'ai fait une fois au Vatican avec ma troupe scout l'expérience des grandes foules devant le Pape (il y a 61 ans!). L"exaltation et les effets de foules conditionnées (on dit chauffées je crois actuellement) font que l'on n'est plus soit même, que l'on ne se controle plus et depuis je m'éloigne toujours des grands rassemblements.
Cordialement.
J. BRUNO

Marc a dit…

A J. Bruno. Votre message est bien triste et plutôt blessant. Si vous aviez seulement été par exemple à Via Crucis cette année, le Chemin de croix avec le Pape le vendredi, assis là avec des prêtres à côté, avec ce silence et cette profondeur de ce moment-là, alors vous auriez compris à quel point votre expression "foules conditionnées" est terriblement brutale. Délaissez l'homme vieux, même avec l'âge, ce n'est pas être naïf de dire cela, c'est simplement conserver l'espérance vive en son coeur. En vous éloignant des grands rassemblement n'êtes-vous pas en train d'oublier que l'Esprit souffle où il veut et quand il veut ?

Anonyme a dit…

ouf ... merci MARC ... après la lecture de l'article et des commentaires .... j'avais peur que l'on ait oublié l'essentiel. L'Esprit Saint. Et oui il souffle ou, quand et de la manière qu'il veut. Moi je lui fais confiance il saura donner la méthode pour diffuser la Parole. Et je ne crois pas un instant que la foi diminue. Il n'y a que de voir les JMJ ou les voyages de notre Saint Père le Pape. L'Eglise des premiers jours ne ressemblait pas du tout à la notre et pourtant Jésus est toujours présent, ici, maintenant. Ceci dit je regrette moi aussi le nombre de prêtres et de diacres mais d'après mon curé ... je n'ai peut-être pas raison ...
NICOLE (qui n'est anonyme que parce qu'elle ne sait pas comment s'inscrire autrement)

Anonyme a dit…

Dans votre approche "statistique" du premier point, vous dites enfin ce que peu osent dire : les gens ne croient plus en Dieu. Il raisonnent scientifiquement, et concluent que Dieu n'existe pas.
Je me permets d'y ajouter un élément (dont personne ne parle) : il y a de moins en moins de croyants masculins. Des garçons. Des futurs prêtres, mais aussi de futurs époux et pères de famille. Et je parle des jeunes. Pas des assemblées de personnes âgées où l'écart d'espérance de vie se ressent.

J'ai participé à de nombreux rassemblements de caté, puis d'aumônerie, puis d'étudiants puis de "Jeunes pros", et au-delà. On y trouve 70 % de filles, qui d'ailleurs se désespèrent d'un célibat subi. Et chez les plus âgés, ça donne une ambiance faussement fraternelle où trouver un conjoint est au moins aussi présent à l'esprit que trouver Dieu.

Personne ne se demande pourquoi la pédagogie du caté, et de la plupart des mouvements (sauf les scouts... et les intégristes...) fait fuir les garçons. Pourquoi les familles laissent plus facilement leurs garçons quitter l'église que leurs filles.

Marc y apporte un morceau de réponse : le lavage permanent de cerveau "devenez prêtre" fait fuir les garçons aussi sûrement qu'une fille trop entreprenante. Mais il y a surement autre chose.

Enfin, la vocation religieuse féminine s'est effondrée dans une proportion bien plus importante que celle des prêtres. Manifestement, l'Eglise s'en fiche, pas de campagne de pub "devenez religieuse". Sexisme jusqu'au bout !!

Delphine