mardi 31 janvier 2012

De l'annonce à la proposition : la laïcité après 2012.

C'est de bonne guerre : après une annonce en fanfare devant les militants, le programme de François Hollande s'est énoncé de manière plus consensuelle dans les soixante propositions qui l'engagent. Parmi elles, la proposition n° 46 sur la laïcité :
Je proposerai d’inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 sur la laïcité dans la Constitution en insérant, à l’article 1er, un deuxième alinéa ainsi rédigé : « La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Églises et de l’État, conformément au titre premier de la loi de 1905, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace et Moselle. »

On retrouve dans cette rédaction l'inspiration des auteurs d'une loi qui fut finalement une loi d'apaisement : l'affirmation de la liberté de conscience et la garantie de la liberté de l'exercice des cultes, la séparation des Eglises et de l’État (expression peu rigoureuse, seule les confessions chrétiennes pouvant être appelées "Églises"). On y trouve également la prise en compte de l'une des objections soulevées lors de l'annonce du projet : le statut particulier des deux départements concordataires, ce qui est un désaveu de l'aile la plus "laïciste" du parti (cf l'interview de Jean Glavany donnée dans la foulée de la première annonce).

Reste que les grands principes de la loi de séparation prendraient alors valeur constitutionnelle. Cela aurait une conséquence extrêmement importante : il deviendrait dès lors possible, dans les questions religieuses, d'invoquer la question prioritaire de constitutionnalité ; le Conseil constitutionnel devrait alors se prononcer lorsqu'on le lui demandera. Ainsi, la loi du 2 janvier 1907, qui prévoit que les églises catholiques sont propriétés des communes mais affectées au culte, pourrait se voir opposer désormais le principe constitutionnel de laïcité. Sans parler, bien sûr, de la possibilité d'appliquer aux cultes la loi sur le mécénat de 1987. Et sans préjuger des nombreuses idées qui ne manqueront pas de naître dans l'infatigable imagination des fondamentalistes de la laïcité.

Jean Baubérot, dans un passionnant entretien publié sur le site web du "Monde des Religions", dénonce le glissement français vers une sécularisation obligatoire de la société, et alerte à juste titre sur les dangers de cette dérive, qui comporte, selon ses propres termes, "des éléments d'un athéisme d'Etat." Appliquées par un gouvernement démocratique, les lois de laïcité respectent la liberté de conscience ; entre les mains d'un pouvoir hostile aux religions, elles ne manqueraient pas de devenir des lois d'intolérance.

6 commentaires:

Jean-Paul a dit…

Que voyez vous su rla loi de 1907 ; Que les églises seraient rendues à l'Eglise avec tous les biens confisqués dont les révenus permettaeint de pourvoir à leur entretien ? Ou que les églises, propriétés des communes, ne seraient plus affectées au seul culte, sous la responsabilité du service qui gère l'ensemble des locaux communaux, salles de sport et autres...?

Emmanuel Pic a dit…

Je vois plutôt le maintien de la propriété communale des églises, mais tous les travaux que les communes supportent jusqu'à présent laissé aux diocèses. C'est la tentation de certains élus.

Il y a aussi la possibilité de détruire (comme c'est le cas ici ou là), ou celle en effet de partager l'utilisation.

Flob a dit…

A la une de la Vie cette semaine, "Laïcité, le mot qui les rend tous fous" et l'éditorial de Jean-Pierre Denis,"Arrêtons le délire", et des articles pour alimenter notre réflexion et pourquoi pas motiver notre engagement.
Je retiens tout particulièrement la phrase de Mgr Vingt-Trois: " La laïcité ne doit pas être instrumentalisée comme moyen de gestion des situations difficiles, comme substitut à des débats importants ".
Ce qui est hélas en train de se produire !

Anonyme a dit…

En tous les cas le masque est tombé du gentil monsieur Normal . MADO

Wolfram a dit…

Je crois déjà avoir indiqué le petit livre de Jean Volff sur le droit des cultes en France.
Il y soutient que de fait, l'article 1er de la "loi 1905" a statut constitutionnel, mais pas les autres. Il évoque la question si éventuellement l'interdiction de subventionner un culte alors que toute autre association peut être subventionnée, n'est pas contradictoire à l'interdiction de discriminer le culte, inscrit dans la Déclaration Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (j'espère ne pas m'être trompé sur son titre). Une piste à poursuivre.

david weber a dit…

Cher Monsieur,

Cher Monsieur,

Je crains que vos données sur la position de Jean Baubérot, sur la constitutionnalisation de la loi de 1905, ne datent d'un certain temps. On lira de jean Baubérot cela :

"Constitutionnaliser la loi de 1905"

http://blogs.mediapart.fr/edition/les-observateurs-2012/article/270112/constitutionnaliser-la-loi-de-1905

Or donc ce n'est pas deux départements dont il s'agit mais de trois (certes deux régions sont touchées : l'Alsace-Moselle mais l’Alsace comprend le Bas Rhin et le Haut Rhin. L’enseignement confessionnel n’est plus ce qu'il était, semble t'il...) et même d'avantage puisqu'il faut rajouter la Guyane et certaines collectivités d'outre-mer.

Salutation laïques.