dimanche 22 janvier 2012

Le corps étranger dans la République.

Les religions sont pour certains ce que les étrangers sont à d’autres : un épouvantail commode, fourre-tout et objet de suffisamment de méfiance pour rassembler contre lui un tas de gens qui, au fond, ne sont pas trop d'accord entre eux. D’ailleurs, Mme Le Pen, qui sait le bénéfice électoral de la peur, en parle aussi. Et pourquoi pas le PS ? Allons-y donc pour une mesure-phare : inscrire dans la Constitution, rien que ça, la loi de 1905. La droite a bien la xénophobie, pourquoi la gauche n’aurait-elle pas la laïcité ?

Passons sur le côté un peu « amateur » de la proposition : faut-il inscrire tous les articles de la loi, y compris ceux qui n’ont plus de sens aujourd’hui ? Quid des départements concordataires ? Bien des questions se posent évidemment. Certains ont des réponses, comme Jean Glavany qui annonce déjà la fin du régime spécial en Alsace-Moselle, et celle des déductions fiscales faisant bénéficier les cultes des mêmes avantages que d’autres associations et fondations. Est-ce vers cela que se dirigera le candidat socialiste s’il est élu ? Personne ne le lui demandait. Sa proposition déterre une hache de guerre oubliée.

Les religions représentent-elles pour la République un tel danger ? Bien sûr que non. D'autant plus que de la situation actuelle, chacun s'accommode fort bien. L'objectif est de détourner le regard d’autre chose : notre économie qui va mal, les mesures de rigueur qu'il faudra bien prendre. Les catholiques ont de toute façon si peu de poids électoral (voire)... Et s'ils protestent, il suffira de dire : vous voyez, ils refusent la loi de la République.

Je voudrais rappeler brièvement ici à tous ceux qui se préoccupent de vivre-ensemble que l’Eglise catholique est l’un des lieux de notre société le plus créateur de lien social. Il suffit d’imaginer ce que serait une France sans baptêmes, sans mariages, sans obsèques religieuses, pour le comprendre. Il suffit de savoir, ce que semblent ignorer un certain nombre de nos édiles, qu’une paroisse, dans un quartier, est le lieu où les familles en deuil sont accompagnées, où les malades sont visités. Je ne parle même pas de l’école catholique, des mouvements d’éducation, des associations caritatives et de celles qui sensibilisent aux questions de développement international. La remise en cause de l’équilibre qui s’est installé dans notre pays après les querelles religieuses du début du XX° siècle aurait des conséquences profondes pour tout le pays.

Enfin, volontairement ou non, la proposition du candidat socialiste apporte de l'eau au moulin de ceux qui veulent faire du catholicisme, et des autres religions, un corps étranger à la République. C’est cette idée qui s’installe insidieusement dans les esprits, particulièrement chez les plus jeunes, souvent élevés dans la méfiance vis-à-vis de tout ce qui relève du religieux. Il y a pourtant des catholiques à gauche, et ce n’est pas par hasard : le souci de l’autre, l’attention aux exclus, l’importance accordée à la fraternité et à la solidarité nationale, sont parmi les héritages les plus précieux qui nous ont été légués par le christianisme. On aimerait entendre leur voix, pardon : leur malaise.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

pour ma part, le principe de laïcité dans la constitution ça me va très bien... et je suis catho et de gauche!
la séparation de l'église et de l'état n'a-t-elle pas vocation à permettre à chacun de vivre sa foi dans une société qui respecte chacun et demande à chacun de faire de même pour les autres dans l'esprit de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen?... et de Vatican II!

Anonyme a dit…

Et comme vous le dite religion veut avant tout dire lien (c'est l'origine du mot) et solidarité au sein d'une communauté, la communauté nationale en à tant besoin!
En ce qui concerne les dons, alors il faudra aussi supprimer les mesures fiscales pour les syndicats. Pourquoi tous ces projets, sauf quelques uns qui font beaucoup de bruits, les chrétiens sont pourtant bien inoffensifs.
Je pense que ces idées n'irons pas bien loin.
J.BRUNO

René de Sévérac a dit…

"Les religions représentent-elles pour la République un tel danger ?"
Bien sûr que OUI. Mais pas toutes et pas également.

Prenons les choses dans l'ordre:
1. Glavany est un "bouffe-curé", soit n'en parlons plus.
2.Hollande (je devrais dire Terra Nostra) a fait la constatation que la classe ouvrière lui échappe (attirée par le programme révolutionnaire de MLP) et que la "classe musulmane" fait office de succédané. Là gît un réservoir de voix (5 millions au moins) qui donne 78% à gauche.

Je suis catholique, de ceux qui ont rejoint le PS en 74 et partis sur la pointe des pieds 15 ans plus tard.

Alors un mot sur la xénophobie.
Le chrétien a des devoirs envers DIEU et envers CÉSAR.
Dans un régime Démocratique, il est une fraction de César (un peu du Prince de Machiavel) et à ce titre il se doit de protéger la NATION.

Donc si "accueillir l'étranger" est un devoir chrétien, il doit se vivre réellement (pas à sous-traiter à l'Etat).
Mais en tant que Citoyen, laisser s'installer des étrangers porteurs d'une Idéologie politique (l'Islam n'est pas une religion de paix et d'amour) en considérant qu'apparemment ils ne désirent rien d'autre que jouir des bienfaits de la civilisation chrétienne, est une faute politique (je néglige, pour la démonstration des dégâts commis entre temps).
Mais demain (2020, 2030?...) ils auront nécessairement le désir de réaliser l’ambition que propose le Coran.

Alors Glavany est un con mais moins dangereux que Ramadam.
Je voterai donc pour Marine et Nul au deuxième tour.

Je ne doute pas que vous me preniez pour un facho ! Tant pis.

Anonyme a dit…

En écho, l’article de Joëlle Bordet dans TC « Certains jeunes ont besoin d’un espace religieux ». A mon sens, l’origine des difficultés actuelles serait à rechercher dans ce « vide ». Un vide qui s’explique par cette étrange expression « la religion est une affaire privée »… - privée de quoi justement !- et par ce discours trop souvent négatif sur le sujet qui altère la possibilité d’exercer son propre discernement et donc de décider personnellement en toute liberté. Un vide qui ne dit pas son nom et il n’est rien de plus dangereux que le non-dit. Aujourd’hui, toute personne qui brigue un mandat politique et qui fait l’impasse sur cette question fait courir un risque à la Société. Je ne suis pas sûr qu’un Contrat de Génération soit suffisant, car il ne suffit pas de donner l’occasion à nos enfants ou petits enfants de rêver un avenir meilleur, il faut leur mettre à disposition tous les moyens y compris spirituels pour qu’ils puissent se construire et construire ensemble une Société, aujourd’hui à l’échelle planétaire. Puisse ce temps de campagne électorale permettre un débat fructueux, hors des sentiers battus et qui prenne en compte les questions qui sont au cœur de tout homme : quelle est ma vision du monde, quelle est ma place, quelles sont mes sources ?
Claude

Emmanuel Pic a dit…

@ anonyme n° 1 : le problème, à mon sens, est double :
1) Donner valeur constitutionnelle à la loi de 1905 reviendra à remettre en cause beaucoup de choses, dont celles que j'évoque dans mon billet.
2) Mais le pire est la dimension symbolique d'un acte qui ne manquera pas d'être compris comme une défiance envers toutes les religions, et pas seulement leurs extrémistes. Voir la manière dont la loi sur le signes religieux est appliquée dans les écoles, par exemple. Je me désole de voir nos jeunes élevés dans une telle atmosphère d'intolérance.

Anonyme a dit…

Il y a des catholique de gauche ? mais pour paraphraser Gabin "il y a aussi des poissons volant mais ce constitue pas la majorité du genre " et heureusement, pour moi un catholique ne peut voter pour aucun parti en course ( et encore moins pour la gauche ) car aucun ne veut revenir sur la Loi veil et ce que dit le Saint Père est tres clair la dessus.Je pense que la gauche est de nature
anticatholique il suffit de parler avec des socialiste pour s'en convaincre.
Stephane

ressonus a dit…

Il n'y a qu'a regarder les résultats d'un manque d'éducation religieuse,c'est flagrant, la plupart des êtres humains ne respectent plus la vie de leurs proches car il ne la comprenne plus. http://ressonus.blog.mongenie.com/

Wolfram a dit…

D'après Jean Volff ("Le droit des cultes"), l'article 1er, et seul cet article de la "loi de 1905" a valeur constitutionnelle.
Par contre, il pose la question si l'interdiction de subvention n'est pas en contradiction au droit européen qui interdit la discrimination des groupes religieux, et interdire qu'un groupe religieux reçoive une subvention qu'on donne volontiers à un club de foot dont les rituels ne sont pas moins religieux que ce qui se passe dans les églises et temples - c'est visiblement de la discrimination.

Les laïcards de service par contre, qui veulent interdire toute expression religieuse hors de nos quatre murs, ne sont couverts ni par la constitution ni par les Droits de l'Homme - et à mon avis se trouvent au même niveau d'esprit que les barbus qui détruisent un patrimoine historique sous prétexte qu'il ne correspond pas à leur propre idéologie.
Ah, j'oubliais, il y avait la Révolution en France qui a fait pareil... à Dijon, on le voit encore...

Dominique Mottais a dit…

Bonjour Monsieur le Curé,
je trouve votre analyse très juste, j'ajouterais et préciserais simplement qu'il s'agit d'une volonté du candidat socialiste qui me semble-t-il souhaite vouloir, par cette formule, montrer une certaine forme de reconnaissance/allégeance à un électorat de culture musulmane prouvant souvent une sensibilité intentionnelle , en tout cas dans le vote, à gauche.
Par contre, je ne vous suis plus lorsque vous vous épanchez sur le malaise des « cathos de gauche ». Je pourrais vous rejoindre sur le diagnostic mais il faut bien admettre que se dire catholique et de gauche, c'est – à mes yeux – vouloir connaître les affres de la schizophrénie. Pourquoi catho de gauche serait pour moi un bel oxymore – l'eau et le feu – c'est parce que je m'appuie sur l'histoire de la gauche pour trouver à chaque étape une volonté de détruire ce qui reste désigné comme catholique. Prenez la révolution française – genèse de toutes les révolutions - , prenez les révolutions du 19ème siècle.
Oui, et vous avez raison, les vertus ou les héritages précieux du christianisme pourraient nous inciter à nous tourner vers un discours politique utilisé par les hommes politiques de « gauche ». Vous parlez d'ailleurs de « souci de l’autre, d’attention aux exclus, d’importance accordée à la fraternité et à la solidarité nationale » mais cela ne vous a pas échappé, les programmes de « gauche» parlent effectivement de cela comme, assurément et également, les programmes de « droite »... Et il y a eu des SDF, pour prendre cet exemple, avec des gouvernements de gauche et des gouvernements de droite. Le problème est donc ailleurs.
Pour vous éviter de penser que je pourrais militer dans le sens « hors de la droite, point de salut », je précise que ma préférence irait vers un discours conforme à la doctrine sociale de l'église et que je ne me reconnais aucunement dans les « offres» du moment. Je retiens toutefois que notre pape Benoît XVI nous aura précisé certains points « non négociables » avec les discours politiques :
- la protection de la vie à toutes ses étapes, du premier moment de sa conception jusqu'à sa mort naturelle;

- la reconnaissance et la promotion de la structure naturelle de la famille - comme union entre un homme et une femme fondée sur le mariage - et sa défense contre des tentatives de la rendre juridiquement équivalente à des formes d'union radicalement différentes qui, en réalité, lui portent préjudice et contribuent à sa déstabilisation, en obscurcissant son caractère spécifique et son rôle social irremplaçable;

- la protection du droit des parents d'éduquer leurs enfants.

Que faire ?
Bien à vous en espérant que vous me pardonnerez ces mots, disons, directs.