dimanche 3 juin 2012

Nouvelles familles (2)


Divorces, familles recomposées, familles monoparentales, c’est déjà de l’histoire ancienne, finalement. Plus récente, dans la vie des curés, est l’arrivée de couples d’un nouveau genre, ou plutôt d’un genre unique, auxquels on promet les mêmes droits que les autres : Pacsés, couples gays et parents de même sexe font timidement leur entrée dans le paysage paroissial.

Le pacs est quelque chose de très répandu parmi les jeunes ; je ne dispose pas de statistiques précises, mais un bon nombre d’actes de naissance fournis par les fiancés pour préparer leur mariage précisent qu’ils sont déjà pacsés. Il faut donc relativiser le succès de la formule : la plupart des pacs dont j’ai eu connaissance sont des arrangements conclus en attendant le mariage, pour des raisons professionnelles ou fiscales. Pas de concurrence, donc, sur ce terrain-là, avec le mariage.

Plus inattendue a été la demande qui m’a été faite une fois de célébrer la messe à l’occasion d’une union homosexuelle. La réponse a été simple à donner : je ne célèbre pratiquement plus la messe pour les mariages, alors pour un PACS… Mais j’ai accompagné cette réponse d’une proposition de rencontre plus longue, qui a été l’occasion d’un dialogue approfondi avec les deux partenaires, dialogue qui se poursuit toujours et que je crois être un vrai chemin de conversion, dans les deux sens d’ailleurs.

Il y a, enfin, les demandes de baptême d’enfants présentées par deux personnes du même sexe, dont l'une est le parent légal (voire naturel) et l'autre revendique de l'être. Il m’est arrivé de baptiser un enfant adopté par une maman célibataire, et de me dire que, peut-être, la marraine… Il est arrivé aussi, et c’est plus récent, d’accueillir un couple de femmes accompagnant leur bambin manifestement heureux de vivre. Les premières questions qui me sont alors venues à l’esprit étaient loin d'être essentielles : dans l’acte de baptême, il n’y a qu’une seule case « mère », où va signer l’autre maman ? Comment vont réagir les autres parents lors des rencontres de préparation ? Et les paroissiens ? Les problèmes de fond ne viennent qu’après, et c’est intéressant d’en discuter avec les personnes intéressées, à condition que ces discussions se déroulent dans la vérité – c’est-à-dire, du côté du prêtre, en disant l’opposition de l’Eglise à l’adoption dans un tel contexte et en tâchant d’en faire comprendre les raisons ; mais aussi, en écoutant, en comprenant, en accueillant avec respect celles et ceux qui viennent, et sans jamais oublier que la même Eglise doit, elle aussi, balayer devant sa propre porte, car l'histoire récente nous apprend qu'elle n'est pas sans reproche à se faire.

(A suivre…)

6 commentaires:

Anonyme a dit…

je ne célèbre pratiquement plus la messe pour les mariages

Peut-on savoir pourquoi ? manque de temps pour être partout ? sur quels critères sélectionnez-vous les mariages pour lesquels vous célébrez encore une messe ?

Marie-Hélène

Emmanuel Pic a dit…

@ Anonyme :

Je célèbre la messe pour un mariage quand on me le demande... Or, on le demande de plus en plus rarement. Sachez qu'en moyenne (à vue de nez), il y a toujours l'un des deux conjoints qui n'est pas catéchisé et n'a donc pas fait sa première communion. A moins qu'il veuille la faire ce jour-là, je ne peux donc célébrer la messe.

Anonyme a dit…

Bonjour, je suis une jeune mère de famille, et ces difficultés arrivent aussi dans ma région.

Une amie m'a raconté que dans sa paroisse, Jean-Marc qui s'occupe de l'animation des chants était devenu Thérèse, et s'occupait toujours de l'animation des chants. Mon amie était bien en peine de répondre aux questions de ses jeunes enfants. Manifestement le clergé local ne savait pas trop comment réagir.
Cela m'a choqué... le temps que je réalise que je ne saurais pas moi-même instantanément comment réagir... Comment ne pas brusquer ces personnes et leur faire quitter une Église d'où elles se sentiraient "exclues", sans manquer à la justice qui est de ne pas adhérer à ces comportements déviants en ne changeant rien à leurs responsabilités, au risque de choquer le reste de la communauté...
Mais finalement n'est-ce pas le même problème que celui de confier des responsabilités pastorales (catéchisme etc.) à des personnes remariées après un divorce ?
Difficile...

kinxkinx a dit…

Bonjour,

Ce texte n'a pas forcement vocation à devenir commentaire, sans vouloir être provoquant, plutôt réagir de façon privé, mais je vous laisse arbitre.

Je suis tombé par hasard sur ce blog en cherchant quelque information sur le « baptême » civil, curieuse coïncidence ! Etant l'oncle (enfin, plutôt le frère d'une personne se revendiquant d'être -plutôt de devenir- le deuxième parent légal) de deux petites filles d'une famille homoparentale, je me dis qu’effectivement, les premières questions qui viennent à l’esprit ne sont pas les questions essentielles : un curé doit-il faire ce qui ne choque pas les paroissiens ou bien ce qui est juste ? Baptise-t-on des enfants au regard de la « moralité » chrétienne du couple que forment leurs parents ou pour leur permettre de rencontrer dieu ? Si un curé juge ce couple non légitime, doit-il pour autant en interdire les enfants au baptême ?

Mais les questions sont plus profondes que des considérations sur les décisions du clergé en général ou d’un curé en particulier. Nonobstant la foi, l’Eglise est, par le baptême, force pour reconnaitre et assoir un lien à la fois spirituel et humain entre parrain/marraine et l’enfant. Ce lien semble à mes yeux également important pour son épanouissement et son éducation. D’autant plus si l’on soutient vos thèses sur l’importance d’une famille stable, en dehors de l’Elysée, comme cela est détaillé dans votre billet précédent. Cette volonté allant bien au-delà du simple folklore qu’une bonne partie des familles trouvent dans le baptême. Pour ce faire une famille (parce que même si l’Eglise s’y oppose, c’en est une) doit-elle essayer d’entrer dans une communauté qui semble (ou du moins ses institutions) la renier ?

PS: "Je célèbre la messe pour un mariage quand on me le demande" et "je ne célèbre pratiquement plus la messe pour les mariages, alors pour un PACS" Il n’y a donc aucun rapport entre votre volonté de ne pas célébrer le pacs et le fait de ne pratiquement plus célébrer la messe pour les mariages, si j’ai bien compris.

Emmanuel Pic a dit…

@ kinxkinx : Merci pour ces intéressantes réflexions, que je choisis de publier !

Je trouve que les questions que vous posez sont très justes, et j'y reviendrai dans les prochains billets. En effet, le baptême est aussi un acte qui permet l'insertion dans une communauté humaine, et qui renforce la stabilité des familles ; c'est ce qui me fait penser qu'il faut baptiser les petits enfants, d'où qu'ils viennent !

Quant à votre question sur la messe de mariage et de PACS, j'avoue que la réponse que j'avais donnée alors était la première qui m'était venue à l'idée, mais j'en mesure bien le caractère peu sérieux. Le lien entre le mariage et l'eucharistie est plus profond que cela : le mariage est un sacrement dont la matière est le don réciproque que se font d'eux-mêmes les époux, et l'eucharistie est le sacrement du don que le Christ fait de sa vie ; c'est cette parenté entre les deux sacrements qui fait que l'on célèbre la messe pour les mariages.

Anonyme a dit…

-- en disant l’opposition de l’Eglise à l’adoption dans un tel contexte (..) en accueillant avec respect celles et ceux qui viennent --
Incompatible sur le fond.
En s'opposant au bien-être de leur cellule familiale, il n'y a aucune chance de pouvoir parler de respect.
C'est comme parler de respect en crachant à la figure de quelqu'un.

-- la même Eglise doit, elle aussi, balayer devant sa propre porte, car l'histoire récente nous apprend qu'elle n'est pas sans reproche à se faire. --
C'est le moins qu'on puisse dire...