lundi 1 mars 2010

L'ami malade.

L'ami malade, c'est la vie qui s'arrête, et avec elle, le temps ordinaire des sorties, des projets, et de tout ce qui fait l'amitié ordinaire. Commence alors un autre temps, celui des visites à l'hôpital, de l'attente du diagnostic (c'est long), des conversations à mi-voix interrompues par les passages de l'infirmière. C'est moche, une chambre d'hôpital, c'est chaud, c'est indiscret, mon ami va bien, il n'a rien à voir avec ce vieux monsieur qui est couché à côté de lui et qui respire bruyamment par la bouche.

L'ami malade, c'est la vraie vie qui commence. La vie où on a des soucis, où on s'inquiète, où on se dit qu'on n'a pas à se plaindre parce que c'est lui, là-bas, qui est malade, et que c'est sa vie à lui qui est chamboulée, mais tout de même, il ne pourrait pas guérir non ? C'est la vie de tout le monde, car tout le monde un jour ou l'autre passe par là. Une vie où le vieux monsieur d'à côté qui respire par la bouche est aussi ce vieux monsieur pas bien gênant qui, heureusement, ne regarde pas la télé toute la journée. Où on découvre que toutes les occasions sont bonnes pour piquer des fous-rires - ah, le pipi qu'on conserve pieusement dans un bocal, la chemise de nuit à fleurs grises, et surtout ce vieux monsieur qui n'a pas fini de nous faire marrer à force de respirer par la bouche. La vie, surtout, qui se dilate au point qu'on continue à faire tout ce qu'on fait d'habitude avec, en plus, les visites dans ce p... d'hôpital.

L'ami malade, c'est du lourd. C'est le sérieux de la vie lourde, où on découvre qu'il n'y aura jamais que cette vie-là et que c'est donc celle-là qui a du poids. Les choses du commun prennent alors une autre dimension. Ce matin, c'était un chant : "Point de blessure que sa main ne guérisse / Rien n'est perdu pour Dieu" ; un passage de la Bible : "A nos dépens, tu leur montras ta sainteté ; à leurs dépens, montre-nous ta grandeur". Je me demande bien pourquoi.

2 commentaires:

Dominique de terminale a dit…

Il y a quelques mois, 3 ans presque jour pour jour... un ami est décédé "d'une longue maladie" (expression d'un poncif...).

Au début de sa maladie, quand je le voyais continuer d'assumer comme si de rien n'était toutes ses activités, je me suis dit qu'il avait du courage, qu'il allait s'en sortir. Je me suis dit qu'il fallait lutter comme lui, à ses côtés. Alors, j'étais avec lui comme j'étais avant...

Puis, la maladie a fait des progrès rapides, rien ne semblait apporter une amélioration, une rémission, ni même un répit. La morphine est entrée en scène...(cela m'a ramené aux derniers instants aussi de ma mère, en phase terminale d'Alzheimer, complètement hors d'atteinte de toute communication, et reins bloqués...)

C'est à ce moment que j'ai découvert que si j'espérais pour la vie de cet ami... c'était pour moi, pour qu'il ne m'abandonne pas, que je ne sois pas seul face à mon désarroi ; alors que lui était sans doute déjà ailleurs, il avait accepté, assumé cette fin douloureuse. Et là, en lâchant prise, nous nous sommes découverts sans que nous ne nous le disions...

Unique expérience qui permet paradoxalement de continuer à avancer...

Rebeccatt a dit…

Je suis l’amie malade. Pas une maladie critique, mais une maladie qui dure, depuis longtemps, trop longtemps. Oui, le diagnostic c’est long. Je n’en ai toujours pas.

Je suis l’amie malade, qui râle par moments. Parce que c’est dur d’être malade, d’accepter ce corps qui me trahit. Parce que parfois j’en ai marre, marre d'être malade, d'avoir mal. Parce que parfois je n'en peu plus.

Je suis l’amie malade, déçue et frustrée de la vie qui s’est arrêtée, des projets qui ne sont plus que des rêves brisés, angoissée devant un avenir peu sur, et fatiguée, tellement fatiguée.

Je suis l’amie malade, contrainte à découvrir une nouvelle vie, une autre vie. Qui apprend à l’aimer cette autre vie, certes pas facile, mais belle, qui apprend à la VIVRE.

Je suis l’amie malade, un peu lourde parfois, pour ceux qui se font du souci, pour ceux qui le vivent avec moi. Pour ceux qui ne comprennent pas aussi, ou qui ne croient pas. Ceux là s’en vont, souvent.

Je suis l’amie malade, entourée, accompagnée de tous ceux qui restent. Merci à vous les amis du malade, vous tous qui acceptez de vous arrêter, de prendre le temps, de bavarder, rire, pleurer ensemble, de soutenir et relever quand on tombe. Vous qui êtes là, tout simplement.

Je suis l’amie malade, qui apprend à s’abandonner entre les mains de Dieu, qui est là, tout simplement.