jeudi 5 mars 2009

Du bon usage des bons mots.


Ça y est : le petit auto-collant que je voyais affiché sur les descentes de gouttières dans les rues de Dijon a fini par fleurir, un peu avant l'arrivée du printemps, sur le panneau d'affichage de l'église.

"A bas toutes les religions". Bonne idée : comme ça, on évite de dire "mort aux Juifs", "les Arabes dehors". C'est plus tendance que "à bas la calotte", franchement daté, mais ça évoque les bons souvenirs de l'époque du petit père Combe. La citation de Bakounine donne un vernis intellectuel - elle pourrait évoquer aussi cette autre citation, du même auteur, qui ne prenait pas de gants, lui, pour parler des Juifs "peuple de sangsues assoiffé de sang". Elle fait l'impasse, tout de même, sur ce fait : les deux grands totalitarismes du XX° siècle ont été deux machines de guerre dirigées contre les religions, et contre l'une d'entre elles en particulier.

Bref. Le site de la fédération anarchiste, cité en référence, est curieusement bien discret sur la question. Moi, je me pose juste une question : qu'est-ce qu'on leur a fait, à ces gens-là ? Pourquoi sont-ils aussi oublieux -ignorants ? - de l'histoire ? Quel monde se proposent-ils de construire, puisqu'apparemment le liberté d'opinion n'y aura pas droit de cité ? Pourquoi sont-ils aussi désireux de se construire un adversaire qui n'existe pas en réalité ?

mercredi 4 mars 2009

Histoires d'IVG, histoires d'argent

Une interview du patron de la maternité du CHU, dans le Bien Public de samedi, met courageusement le doigt sur deux non-dits (à défaut d'être des tabous...) : les réticences (pour ne pas parler de refus) du corps médical dans son ensemble à pratiquer des IVG ; la logique de rentabilité qui pousse à ne pratiquer que les actes les plus coûteux - c'est-à-dire les mieux rémunérés. L'article, quant à lui, met l'accent sur l'échec de la contraception que signalent ces difficultés, et suggère qu'on fasse appel aux sages-femmes pour pratiquer les IVG... Tout ça pour dire que le journaliste n'a sans doute pas compris ce que voulait dire le médecin qu'il interroge : tout le monde veut que l'IVG soit libre, mais personne ne veut se charger du sale boulot. Alors, faisons-le faire par les sages-femmes : comme elles n'ont pas prêté le serment d'Hippocrate, elles ne peuvent pas s'en prévaloir pour refuser de faire le travail.

On aimerait que le professeur Sagot aille plus loin dans ce qu'il dénonce. Mais le peut-il vraiment ?

L'interview de Paul Sagot

jeudi 26 février 2009

Echos d'expo.




C'était samedi, toute la journée à Saint-Pierre : deux peintres, Piero et Odile de Rousiers, exposaient quelques-unes de leurs oeuvres ; le tout dans le cadre de la première semaine Art et Foi, mise sur pied par la jeune délégation à la culture.

C'était beau. Beaucoup de celles et ceux qui sont venus n'étaient pas des familiers de l'art contemporain, encore moins des expos de peinture. Le premier contact a, parfois, été rude : quand l'abstraction confine à l'extrême, il s'agit de passer du tableau qu'on regarde à l'icône par laquelle on se laisse regarder ; quand l'artiste se donne à son oeuvre, au point de marquer le Christ des stigmates de son propre tourment, le visiteur doit laisser à l'entrée son propre regard et adopter celui d'un autre, faisant là, aussi, l'expérience du dépouillement.

mardi 24 février 2009

Nouveau servant de messe.

Dimanche, comme chaque dimanche (sauf pendant les vacances), Sergiu et sa maman sont à la porte de l'église. Ils sont Roumains : cela signifie qu'ils ont le droit de venir en France autant qu'ils veulent mais pas d'y travailler. les voilà donc réduits à squatter...

Dimanche donc, un paroissien a eu une idée de génie : proposer à Sergiu, qui a une dizaine d'années, de servir la messe avec son propre fils. Notre jeune Rom a donc mis une aube, et s'est retrouvé en tête de la procession, fier comme tout de porter la croix.

La semaine prochaine, je tâcherai de le prendre en photo. Et aussi de savoir où il en est de sa scolarité...

jeudi 12 février 2009

Lectures (3)

De mes lectures, j'ai gardé le meilleur pour la fin : Vers une Eglise sans prêtres, de Martine Sévegrand, se dévore comme un document unique et passionnant - une enquête, menée sur tout le XX° siècle et même davantage, qui établit l'ancienneté et la profondeur de la crise du clergé en France (et sans doute à travers toute la "chrétienté"). Mme Sévegrand est une historienne, une vraie, une mordue de la recherche qui a traqué dans d'obscures archives diocésaines tout ce qui pouvait permettre de reconstituer l'histoire de la lente mais irrésistible baisse des effectifs du clergé diocésain depuis cent ans, exhumant des données inconnues (cent prêtres français quittent le ministère chaque année), se risquant à donner des éléments de compréhension, sinon d'explication, du phénomène, et même une projection pour l'avenir (en 2020, au train où ça va, il n'y aura plus en France que 9000 prêtres diocésains... de moins de 80 ans).

Le plus intéressant, pour les Côte d'Oriens, est la seconde partie de l'ouvrage, qui est consacrée au diocèse de Dijon dans les années 60 et 70. Un diocèse moyen, frappé de plein fouet par la crise. De ce travail, on retient l'extraordinaire ébullition qui a saisi les prêtres bourguignons dans ces années-là : réflexion sur l'évangélisation, sur la place des prêtres (plus que de l'Eglise elle-même) dans le monde, sur les relations hiérarchiques au sein du clergé, sur la vie des prêtres... Et moi, je retiens la place qu'y ont tenu tous ces prêtres qui m'ont marqué et me marquent encore (Pierre, Jean, Denis, Guy, allez je ne les cite pas tous), dans la diversité de leurs prises de position mais la fidélité à leurs engagements.

Intéressant aussi est le début d'explication donné : quelque chose qui tourne autour du décalage, puis du fossé, qui s'instaure entre l'Eglise et la société. Ce n'est qu'un commencement, mais c'est justement cette humilité devant les faits qui rend la démarche de Martine Sévegrand pertinente et incontestable. Un petit regret, pour finir : il serait intéressant de mener la même recherche sur les communautés chrétiennes, sans la limiter aux prêtres.

Ici : une recension de cet ouvrage, par Michel Legrain