samedi 22 novembre 2008

On n'est jamais loin de la guerre


Revenir du Congo, c'est un peu une épreuve. C'est passer des choses sérieuses (la guerre, la faim) aux choses futiles (les grèves, la crise au PS). C'est se voir soumis à toujours la même question : "C'était loin de chez toi ?"

Loin de là où j'étais, la guerre ?

On n'est jamais loin d'une guerre, c'est ça le problème.

Là où j'étais : la province du Bas-Congo, trois fois la Belgique, aussi loin du Kivu que Dijon de Kiev, avec des routes bien pires. Donc, la géographie m'a maintenu en sécurité.

Mais dix ans de guerre, cela veut dire : dix ans sans qu'un trou dans une route ne soit bouché, sans qu'une canalisation ne soit réparée, sans qu'une ligne électrique ne soit posée. Dix ans au cours desquels toutes les économies du pays sont parties en fumée. Dix ans, ressentis comme une terrible injustice par les habitants d'un pays qui n'ont rien demandé à personne, sinon le droit de vivre en paix. Alors, oui, j'étais dans un pays en guerre, qui en souffre, qui a vu l'espérance de vie à la naissance tomber à 47 ans. Un pays où les enfants meurent, où la malaria tue, où l'Etat n'existe pas.

Bon, et nous, ici en Europe ? On est loin de la guerre ?

Détrompez-vous, nous en sommes tout près. C'est à cause d'elle que des centaines de milliers d'hommes et de femmes traversent la Méditerranée au péril de leur vie pour s'installer chez nous.

Nous en sommes tout près aussi parce que, ce qui se passe là-bas, c'est un test pour notre avenir.

Car si on laisse faire le général Nkunda, qui veut prendre Goma, marcher sur Kinshasa, s'emparer du pouvoir : cela veut dire que nous abandonnons un gouvernement qui a été désigné par un peuple libre après des élections démocratiques. Si nous laissons faire ça là-bas, qui empêchera qu'un jour cela se passe chez nous ? Si on laisse le Rwanda occuper l'est de ce pays et en piller les ressources, cela veut dire que nous acceptons que la force et l'avidité prennent le pas sur le bon droit et la justice. Quels arguments pourrons-nous trouver, le jour où d'autres, peut-être les mêmes, voudront en faire autant en Europe ?

Photo : le Journal du Dimanche -

1 commentaire:

Géraldine a dit…

salut Emmanuel,
heureuse de te savoir revenu du Congo pour pouvoir te lire et te souhaiter un joyeux anniversaire, cette fois ci réellement en retard.
tes publications sont toujours aussi enrichissantes et merci pour le lien à C dans l'air. Marie-Pascale est au Congo actuellement et il me semble qu'elle se trouve dans la région de Goma; j'espère que tout se passe au mieux pour elle.
en attenedant la suite de tes commentaires, expériences et réflexions...nous te disons à bientôt et bonne continuation