vendredi 18 septembre 2009

Divorces et remariages.

En marge du débat lancé par les Sacristains, un papier plus long que d'habitude sur les divorcés remariés et leur place dans l'Eglise.

Lorsque ce monsieur m’a demandé de rendre visite à son épouse, en fin de vie et encore chez elle, j’avoue que je n’ai pas tout de suite réalisé qu’il s’agissait de la dame que je voyais le samedi soir, toujours dans les derniers rangs de l’église.


C’est bien elle. Souriante malgré la fatigue, elle m’accueille dans la chambre où on lui a installé un lit médicalisé. L’époux nous laisse avec discrétion : « Elle a, me dit-il, quelque chose d’important à vous demander ».


En effet, c’est important : mariée avec le même homme depuis quarante-cinq ans, elle ne communie plus, car son mari est divorcé. Ils ont l’un et l’autre dépassé leur huitième décennie, et sa vie s’est articulée autour de deux fidélités : fidélité à l’homme qu’elle aime, fidélité à l’Eglise qui lui demande de s’abstenir alors qu’elle est tous les dimanches à la messe. Avant de mourir – elle sait qu’elle vit ses dernières semaines - elle voudrait savoir si elle peut communier, et recevoir le sacrement des malades.


Elle n’est pas seule dans ce cas. A l’issue de la messe de rentrée du lycée Saint-Joseph (le tiers des enseignants était là, quand même), plusieurs sont venus me trouver pour me confier leur tristesse de ne pouvoir participer pleinement à l’eucharistie. Un bon nombre d’entre eux me disent qu’à cause de cela, ils ne fréquentent plus l’église, que cette situation atteint profondément leurs enfants, que beaucoup de leurs amis se sont également détournés de l’Eglise à cause de cela. J’en connais qui ont décidé d’aller vers les communautés protestantes, réputées plus accueillantes. J’en ai connus qui souhaitaient, malgré tout, se marier à l’église, car pourquoi celui qui n’a jamais été marié serait-il puni ? Pourquoi celle qui a été abandonnée par son conjoint devrait-elle ajouter à sa douleur celle de ne pas participer pleinement à la communion ? Il me faut alors expliquer que nous pouvons prier ensemble, dans la discrétion, un autre jour que celui du mariage civil. Que la mariée ne devra pas être en blanc. Que toute la famille ne sera pas invitée. Et j’en passe.


Vous l’avez compris : je fais ce que je peux, comme la plupart de mes confrères.


Renvoyer à la conscience de chacun ? Evidemment, je ne vérifie pas, au moment de donner la communion, la manière dont vivent ceux qui s’approchent de l’autel. Evidemment, je ne renvoie personne : le scandale serait bien pire que celui que l’on provoque, paraît-il, en accueillant ceux qui sont dans cette situation. Mais, jeune prêtre, j’ai profondément choqué un couple âgé qui avait accepté de se conformer à la règle imposée : ils en souffraient, de cette situation, mais au fond ils avaient fini par s’y retrouver et n’ont pas compris le conseil que je leur donnais de revenir communier. Je n’ai plus jamais recommencé.


C’est qu’elle n’est pas idiote, cette discipline des catholiques. Car on ne peut pas, non plus, faire comme si de rien n’était. On ne peut pas avoir l’air de brader les exigences de l’amour : si tu te donnes, tu donnes toute ta vie. On ne peut pas non plus passer outre la souffrance, le désarroi, et dire tout simplement « allez va, Dieu t’aime et c’est l’essentiel ». Quelque part, demander de s’abstenir des sacrements, c’est prendre au sérieux cette souffrance, la complication de la situation. Les catholiques sont peut-être les derniers à dire « un divorce, ce n’est jamais bien », et à inscrire cette souffrance comme une blessure dans la vie de leurs communautés.


Alors ? Conseiller la reconnaissance de nullité ? Trop long, trop compliqué, trop aléatoire. Et compris souvent, bien à tort, comme la négation de tout ce qui a été vécu lors de la première union. Proposer de découvrir la vie de l’Eglise autrement, dans l’accueil et la partage de la Parole, le service des frères ? Certains prennent ce chemin et s’en trouvent bien, ils découvrent ainsi des tas de choses sur Dieu et continuent à avancer dans la foi ; mais je ne pense pas que cela puisse concerner la majorité.


Voici ce que disait Benoit XVI en 2005, lors d’une rencontre avec des prêtres du Val d’Aoste : « Aucun de nous n’a de solution toute faite, notamment parce que les situations sont toujours différentes ». Cette attention aux personnes était déjà ce que prônait Jean-Paul II dans Familiaris Consortio : le droit de l’Eglise n’est pas fait pour punir, il est fait pour aider. Les prêtres ne sont pas là pour juger, mais pour comprendre, écouter, accompagner, accueillir. Le prêtre que je suis pense, certes, que la discipline de l’Eglise catholique peut évoluer, et il sait que bien des évêques pensent comme lui. Mais il est solidaire de cette même Eglise, peut-être tout simplement parce qu’il l’aime. Alors, ce que je m’efforce de faire, c’est de mettre l’accent sur la miséricorde. Dans les textes du magistère, il y a, bien sûr, le rappel de la règle dans toute sa dureté ; mais il y a surtout la charité pastorale avec laquelle chacun doit être accueilli dans l’Eglise.

11 commentaires:

Didier Guillion a dit…

Bonsoir,

Je retrouve avec plaisir vos billets depuis début Septembre et c'est un plaisir.
Merci d'être revenu.
Celui-là j'ai du mal à le comprendre.
Voulez vous dire que des personnes divorcées ou ayant eut des enfants hors mariage n'ont pas droit à la Communion ?
Ou cela ne concerne t' il que les personnes officiellement excommuniées ?

Cordialement

Emmanuel Pic a dit…

En effet, selon la discipline actuelle de l'Eglise catholique, les divorcés remariés n'ont pas accès aux sacrements. Ils ne sont pas excommuniés, font toujours partie de l'Eglise, ont leur place dans la vie et la liturgie de l'Eglise, mais ne peuvent communier, ni recevoir le sacrement de réconciliation, etc.
Pour plus de détails, je vous renvoie au débat ouvert sur le site www.sacristains.fr, sur lequel mon billet devrait paraître demain.

Emmanuel Pic a dit…

En relisant votre commentaire, j'ajoute une précision : cela ne concerne pas les divorcés, mais ceux qui se remarient.

Didier Guillion a dit…

Merci de vos explications, je vais suivre votre billet sur www.sacristain.fr.
Mais qu'elle est la position "officielle" vis à vis des couples non mariés qui ont des enfants ? Si un des conjoints est pratiquant, la Communion est elle acceptée ?

Cordialement

Emmanuel Pic a dit…

C'est bien là que le bât blesse... Car il n'y a pas de disposition particulière vis-à-vis des couples non mariés, qu'ils aient des enfants ou non, et beaucoup considèrent cela comme un hypocrisie, voire une injustice vis-à-vis de personnes qui souffrent déjà de la rupture avec leur premier conjoint et en plus sont "sanctionnés".
Personnellement, je le prends comme un appel à vivre une vie cohérente : peut-on se dire chrétien et vivre une vie qui n'est pas en accord avec l'Evangile ? Le Christ appelle à se donner tout entier, et ce don est pleinement vécu dans le mariage. Celui, celle qui choisit une autre vie peut-elle se dire en communion avec l'Eglise ?
Toutefois, la raison pour laquelle les divorcés remariés ne peuvent pas communier est autre : on considère que la rupture du mariage, qui est un sacrement ( c'est-à-dire : un signe et un moyen) de l'union des hommes à Dieu, est du même coup rupture de cette union et donc "logiquement" empêche de communier avec sincérité. Vivre en union libre n'est pas une rupture, au contraire.

Anonyme a dit…

Le fils prodigue frappe à la porte de son père celle-ci est bien cadenassée par le fils ainé . Pardonner un jour à un assassin n'est pas se faire complice de son acte. MADO

Sylvie a dit…

Au printemps dernier, une paroissienne de St-Pierre,veuve maintenant, me racontait ne pas avoir communié pendant 23ans, ce qui correspondait à sa vie maritale avec un homme divorcé.
Sauf une fois,une fois,me disait-elle, où pendant la messe j'étais tellement bien,tellement en paix que j'y suis allée.
J'avoue avoir été émue face à cette femme agée et simple, me racontant dans la rue sa rencontre avec Dieu, des années auparavant.Je pense que ce jour-là, elle a eu raison"d'y aller".

do a dit…

Merci, Sylvie, pour ce beau et simple témoignage de la relation de tendresse de Dieu avec ses créatures.

Didier Guillion a dit…

Merci M Pic, j'apprends beaucoup de choses.

Cordialement

Cedric Salembier a dit…

Manu tu dis : "peut-on se dire chrétien et vivre une vie qui n'est pas en accord avec l'Evangile ? Le Christ appelle à se donner tout entier, et ce don est pleinement
vécu dans le mariage."

Ca me pose le problème d'un Évangile qui n'est pas à hauteur d'homme et qui devient bien souvent équivalant à une doctrine lointaine... il me semble que l'incarnation du Xst rend le projet de Dieu à porté d'homme...non ?

gros bisous

casilix a dit…

Comme vous dites, chaque cas est particulier et la charité doit prévaloir et de fait c'est ce que l'on rencontre dans l'Eglise le plus fréquement...mais l'Evangile n'a pas tout prévu...notamment comment préparer un enfant à sa 1ère communion tout en ne communiant pas soi même ...et quoi lui expliquer ? que Papa et Maman n'aurait pas dû se remarier et donc lui ne pas être là...sales gosses, ils ont toujours des questions impossibles ;-(( !