samedi 17 novembre 2007

1° novembre




Ce soir est un soir ordinaire (la Toussaint ne se fête que dimanche). Messe en Kikongo, langue locale… Rien d’autre à faire que de se laisser porter par la puissance des chants, des rythmes, par la foi qui se fait ici palpable.

Ma première messe au séminaire, il y a quatre ans, avait été un vrai choc : du recueillement de la sacristie, juste troublé par le bruit de la sonnette annonçant le début de la célébration, nous étions passés d'un seul coup à la ferveur de l'église portée par le son du tam-tam et des percussions. La messe, ici, ça vous prend "là" (quelque part au niveau du plexus solaire) et ça ne vous lâche pas pendant une heure, deux heures, quatre heures...

C’était également mes cinq premières heures de cours : Alexandre, directeur des études, ne m’a fait grâce de rien. Et, comme d'habitude, je suis enrhumé. J’ai 27 étudiants, grosse année, la majorité est originaire du diocèse de Kisantu et a déjà trois ans de philo à Mayidi derière elle. Nous sommes dans un petit amphi qui porte le nom de « salle de sciences » en raison de la présence d’un squelette et de bocaux contenant d’immondes choses conservées dans du formol. Comme les années précédentes, les étudiants sont déconcertés par le fait qu’ils doivent prendre des notes : ils attribuent cela à la méthode française, les Belges étant réputés plus scolaires dans leur pédagogie.

Thème du cours : la modernité transforme profondément les manières de croire. Je ne sais plus pourquoi, mais on en est venu à parler d’un prêtre du coin qui interdit aux filles de venir en pantalon à la messe ; du coup, elles ne viennent plus du tout (il y a dix ans, elles se seraient changées). Sans doute les garçons ne vont pas tarder à en faire autant, à moins qu’un compromis ne soit trouvé ? Illustration parfaite de mon propos : il est aujourd’hui inconcevable de prétendre régenter de cette manière la vie des gens.

Cela me rappelle cette conversation, la veille de mon départ, avec un Dijonnais exilé à Paris. "Pourquoi vas-tu parler de la modernité au Congo ?" Comprenez : les pauvres, ça ne les concerne pas... Eh bien c'est ça, la modernité : le monde entier, toutes les générations, sont concernés par une manière de vivre et de penser que nous, Européens, avons inventée, pour le meilleur et pour le pire. La différence entre eux et nous, c'est qu'ils n'en ont que la face la plus sombre, les guerres, la pollution, la mise à l'épreuve du lien social. Mais cela ne les empêche pas de rêver d'y avoir part un jour : telle est l'irrésistible puissance du courant qui nous emporte.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Elles vont peut être à la messe ailleurs?