jeudi 8 janvier 2009

Des gens qui ont la secte facile.

Ces derniers temps, les médias locaux ont découvert (un peu tard...) une nouvelle secte : autour d'une femme qui prétend voir la Vierge à intervalles réguliers, un petit groupe de gens vit en communauté. Certain d'entre eux ont rejoint le groupe contre l'avis de leur famille, d'anciens adeptes se plaignent d'avoir subi des pressions, du chantage affectif, et d'une manière générale du déséquilibre manifeste de celle qu'on appelle la "gourelle".

Problème : a priori, rien ne peut être vraiment retenu contre elle... Il faut lire l'interview accordée par le délégué de la Miviludes pour s'en rendre compte : "des pratiques pouvant conduire à un comportement anormal dans la société", "il a été fait état de mariages", "des enfants participent aux séances de prière", et pour les accusations, exclusivement portées par le journaliste de La Gazette de Côte d'Or, de consommation de drogue ou de dérapage sexuel, rien de tel. On en profite pour mettre en cause, avec délectation, l'archevêque de Dijon.

Il y a deux trucs qui me gènent là-dedans. Le premier : toutes les personnes en cause sont majeures et elles sont libres d'aller où bon leur semble ; si d'autres ont regretté leur choix après coup, c'est dommage pour elles mais il est normal de subir les conséquences de ses actes, tant qu'il n'y a rien eu de vraiment répréhensible. Le deuxième : l'attitude de la Miviludes, qui est chargée de veiller aux dérives sectaires mais qui, dans ce cas-là, me semble instruire un procès à charge.

Je ne dis pas que ce mouvement soit au-dessus de tout soupçon et que ses membres soient irréprochables : la visionnaire n'est manifestement pas très équilibrée, si on en croit les témoignages de ses proches. Mais j'ai des amis qui sont entrés au séminaire contre la volonté de leur famille, je connais des religieuses qui ont choisi d'être cloîtrées et qui ne voient plus leurs parents ni leurs amies, sont-elles pour autant entrées dans une secte ? On touche ici à la fragile liberté des personnes. Cette liberté implique aussi la responsabilité, c'est-à-dire la perspective d'un échec lorsqu'on a agi à la suite d'une erreur de jugement. Une société qui se mettrait à surprotéger ses membres risquerait de devenir une société ennemie des libertés.

L'article de la gazette de Côte d'Or
L'interview du président de la Miviludes
Le site web de la Miviludes

11 commentaires:

Anonyme a dit…

ça fait peur.
Mais ce n'est pas nouveau!
Même Saint François et Sainte Claire ont dû en passer pratiquement par là.
Et tous les missionnaires.
Je me demande s'il est possible de suivre Jésus autrement.
Le sort des chrétiens dans les pays musulmans -même occidentalisés-, en Inde et en Chine, montre que ce combat est inhérent à la vie chrétienne. Quand le combat est absent, c'est souvent que le christianisme a disparu.

Anonyme a dit…

C'est quand même beaucoup plus complexe que ça. Vous semblez très confiant dans le libre-arbitre et ignorez totalement les principes de "manipulation mentale". D'ailleurs les éléments avancés par les anciens adeptes, s'ils sont avérés (parce que bon des accusations fallacieuses c'est encore possible aussi), comme le chantage affectif, les pressions et l'isolement social en font partie. Le problème c'est que la manipulation n'est pas propre aux sectes et est même constitutive de la vie en société.

Pour le moment, il n'y a pas d'élément qui laisse à penser que le "chef" de ce groupe "abuse" des biens ou des personnes de ses "adeptes". Il est difficile donc de considérer ce mouvement comme une secte. Cela n'empêche pas la vigilance, parce que d'anciens adeptes qui se plaignent d'un manque de liberté de rétractation (donc de liberté de pensée), si c'est fondé bien sûr, est déjà le signe de "dérives sectaires".

Ce qui me gène c'est le battage médiatique autour de cette histoire. Pour le moment, rien n'est vraiment attesté (en tous cas je n'ai pas vu d'enquête faite sur le sujet) et être vigilant ne signifie pas qu'on doive remettre en cause la présomption d'innocence.

Le "contre l'avis de la famille" n'est pour les mêmes raisons pas probant mais appelle à la vigilance. La famille, en tant que groupe, peut tout autant influer sur la liberté de conscience et manipuler l'individu, mais c'est une structure dont l'individu ne se sépare que dans des conditions très particulières. Le fait qu'il y ait des "brouilles" peut laisser entendre que cette "condition particulière" peut être due à une dérive sectaire, mais pas forcément. Donc il faut être vigilant sans être accusateur.

Par ailleurs vous prenez comme exemple des cas issus du catholicisme (séminaristes, religieuses...), mais le catholicisme, comme toute religion ou comme toute idéologie n'est pas à l'abri d'épiphénomènes de dérives sectaires ! Ca ne signifie pas que toute l'organisation est une secte, mais ça ne fait pas non plus du cas particulier un exemple de liberté de conscience, il faudrait étudier au cas par cas les raisons du choix et savoir s'il n'a pas été plus ou moins "orienté".

Pour conclure, une petite question provocante, auriez-vous été du même avis si cette brave dame entrait en contacts à intervalles réguliers avec Krishna, avec Mike Brandt ou avec des Elohims ?

Emmanuel Pic a dit…

Oui, il se trouve que j'aurais été du même avis...
Je préfère protéger les libertés, quitte à prendre des risques, plutôt que de surprotéger les personnes ou de les surveiller.

Anonyme a dit…

je crois que l'Eglise catholique a la sagesse de ne pas interdire, de ne pas surprotéger, mais d'enseigner, de former chaque personne, pour que, en toute liberté, mais avec les arguments pour comprendre pourquoi tel mouvement n'est pas bon, elle puisse le quitter.

Par ailleurs, même pour des mouvements bons, l'Eglise invite toujours à un discernement individuel, car il peut ne pas convenir à tout le monde.
Il faut 5 ans pour s'engager définitivement dans un monastère, et beaucoup en sortent.
C'est la différence avec des mouvements aliénants qui commencent par supprimer la liberté.
Et si l'Eglise trouve en elle un mouvement qui se met à faire cela, elle le dissout. Elle a élaboré des critères depuis longtemps. elle peut se tromper, mais rarement très longtemps.

Une difficulté, c'est que même un couple, une famille, une association, peut être sectaire dans le sens de priver de la liberté.

Et que dire d'un voyant ou d'un astrologue, qui vous assène un avenir écrit par les astres?
Qu'en est-il de votre liberté après cela?
Pourtant, ils ont pignon sur rue en France, aujourd'hui, et les chrétiens sont un peu les seuls à émettre des réserves sur leurs pratiques, et on les accuse d'obscurantisme...

Anonyme a dit…

Votre opinion est sans compter sur des faits reels auxquels j'ai personnellement assistes.
Il serait grave de comparer les comportements de ce personnage aux comportements d'une mere-superieure d'un couvent ou d'un responsable d'une grande communaute catholique reconnue par l'Eglise et donc par le Vatican.
Il n'en est rien.
Que diriez-vous d'une personne qui se dit etre le Christ a temps plein (le Christ utiliserait le corps de cette femme et donc ses levres pour dicter ses aimables paroles)A ce moment la le Christ n'est plus celui de notre Bible, mais devient un Christ juge, vengeur, ignoble avec ses apotres (dont un prenom est donne a chacun)et leur famille, etc. Elle m'a nomme Pierre. Qu'en dites-vous ?
Seriez-vous assez stupide pour avaliser de tels agissements a l'egard de personnes fragiles et vulnerables et dont la foi les amene a croire que c'est le Christ lui-meme qui leur parle et de ce fait s'agenouille face a ce personnage.
Allons, attention, reflechissez.
Allez un peu plus loin que le bout de votre nez.
Cette personne est desequilibree effectivement, mythomane a haut niveau et je m'abstiens de rajouter d'autres qualificatifs.
Donner toute liberte a l'humain est un reel bien-etre....mais vous savez, comme moi, que ne rien dire a ceux qui sont en danger serait pour vous et moi un comportement indigne de notre Eglise.

Emmanuel Pic a dit…

Ce billet me vaut de nombreuses réactions, certaines ont été curieusement postées sur d'autres billets, d'autres m'ont été adressées personnellement. Le sujet est manifestement très sensible pour un certain nombre.

Une mise au point s'impose :

- J'entends bien que des questions se posent. Je ne les évite pas. Je me limite à ce que j'ai lu dans la presse. Quiconque lit l'interview de m. Fenech, à laquelle je renvoie, y trouvera bien la mention d'usage de drogue et de dérapage sexuel.

- J'entends aussi la révolte de celles et ceux qui s'estiment victimes d'abus de confiance ou de pressions psychologiques.

- Ce qui m'ennuie, c'est -comme souvent dans les débats sur le web- que la souffrance, l'indignation, et je ne sais quoi d'autre, empêchent manifestement de lire correctement ce qui est écrit. Il ne s'agit pas de prendre la défense d'un groupe indéfendable, ou de le mettre sur le même plan qu'une autre communauté religieuse, mais d'alerter sur le fait que ce qui est reproché par la Mivilude, chargée apparemment de mener l'enquête (en vertu de quoi ?), peut être reproché à beaucoup d'autres institutions, et met en jeu la liberté des personnes.

- Pour conclure, j'ai hésité avant de publier certains commentaires, dont les termes injurieux risquent de me mettre en difficulté, car je suis responsable de ce qui est publié sur ce blog. J'ai finalement choisi de les laisser tels quels, pour permettre à des personnes en souffrance de manifester leur désaccord et leur indignation. Mais je pense qu'un peu de retenue serait de meilleur aloi.

Anonyme a dit…

Effectivement nous pouvons rester "immobiles" face a ce sujet sensible.
G,FENECH a mis en evidence ce qui se passait a la reunion et non a Dijon..drogue et viols..c'est La Reunion. Mais ce groupe a demarre suite a son contact avec celui de Dijon d'ou son desir de vigilance, ce qui me semble justifie.
Quant a mon vocabulaire, pardonnez-moi, il ne peut etre que vivace qaund je sais avoir laisser des amis sur place en danger...personnellement je ne garde aucune sequelle ayant reussi a me proteger, ce qui n'est pas le cas des membres proches de cette dame. Je me bats depuis 3 ans aupres des familles cocncernees par la coupure avec les leurs et je pense qu'il erait souhaitable que les membres de l'Eglise du lieu prennent en consideration les dires de ceux qui en sont sortis sains et saufs.
Pere, je respecte votre role dans l'Eglise. J'apprecie ce blog dont chacun peut avoir acces, croyant ou non, c'est tout en votre honneur.
Mais la secte facile, NON. Le terme me fait bondir. Votre hierarchie est au courant depuis trois ans.
Merci Pere de bien vouloir compremdre cette position qu'est la mienne et je souhaite que d'autres reactions s'instaurent sur votre blog.

Anonyme a dit…

La liberte de l'individu est a respecter au sein de notre societe, J'EN CONVIENS.
Lorsqu'un ou plusieurs de nos proches (parents ou amis) sont victimes d'un ABUS DE FAIBLESSE, il serait souhaitable d'agir.
G. Fenech a divulgue les problemes de drogue et de rapt d'enfants a La Reunion et non a Dijon.
Il s'avere que cet homme a La Reunion a 'fait ses armes' a Dijon...d'ou le desir de vigilance de la Miviludes.
Il ne faut pas, il me semble fermer les yeux face aux dangers que peuvent encourir nos proches.
Personnellement, je ne pourrai dormir sur mes deux oreilles.
Chacun pour soi et Dieu pour tous ne me parait pas etre un proverbe lie a notre Bible.

suixtil a dit…

Si l'Eglise avait bien voulu entendre les familles, recevoir les personnes sorties du groupe, lire les courriers et répondre, la Miviludes n'aurait pas aujourd'jui le rôle qu'elle a dans cette affaire. La Miviludes respecte la liberté de penser de chacun.

Ci-après, un extrait d'une lettre que j'ai écrite au Président de la République : "Chacun est libre de croire, de penser ce qu'il veut. Le problème n'est pas là.
Les mouvements sectaires le savent bien mais se servent de cet étendard pour se plaindre d'attaques qui visent en réalité leurs agissements, leurs pratiques qui abusent des adeptes souvent fragiles pour les soumettre et les spolier de façon insidieuse." Le rôle de la Miviludes est à comprendre dans ce sens.

Anonyme a dit…

je ne connais pas assez ce dossier ni ses ramifications à l'étranger,
mais je crois que la loi d'un pays suffit en général pour juger des abus tels que viols, escroqueries et rapts d'enfants. Il n'y a pas à demander à l'Eglise de faire un jugement parallèle, ce n'est pas sa fonction.
l'Eglise reconnait des communautés pour garantir que ce qu'elles font est en accord avec la foi catholique (et l'Evangile).
Cela n'a rien à voir avec la loi de la France, qui est laïque et ne comprend pas la foi.
si des personnes font un groupe sans rien demander à l'Eglise, l'Eglise ne les reconnait pas, et donc, elle n'a pas à s'en occuper; sinon, faudrait-il aussi qu'elle s'occupe des groupes musulmans ou des végétariens qui organisent des sessions?
elle ne s'occupe que des groupes qui lui demandent un "label", pas des autres.

Par contre, il est bon de savoir que de nombreux mouvements aujourd'hui se réclament du Christ, alors qu'en réalité, ils s'opposent violemment à l'Eglise.
C'est une tentative de récupérer des personnes en simulant une religion connue.
ces groupes ne sont pas référencés, car il en naît à chaque instant. Il y a même des personnes qui écrivent des livres mensongers, et un groupe de lecteurs se constitue et on ne voit rien, mais l'idée fait son chemin.

Les prêtres sont habitués à discerner si un mouvement ou une idée sont acceptables. Il suffit de leur demander conseil.
On peut aussi discerner soi-même, mais c'est toute une formation.

Pour les personnes faibles, si elles ne demandent pas à l'Eglise de les conseiller, et si leur entourage n'arrive pas à les raisonner, on ne peut pas le faire de force!

Le problème, c'est que l'Etat n'intervient qu'après que des délits aient été commis, pas avant: il y a donc toujours des victimes.

Mais c'est comme si une jeune fille majeure sort la nuit dans un quartier sensible: elle est fragile, elle risque de se faire violer. Qui a la responsabilité de l'en empêcher? Et doit-on pour autant empêcher tout le monde de sortir en instaurant un couvre feu?
C'est avant tout une question d'éducation, et si sa famille ne l'a pas éduquée à faire attention, (ni l'école), qui le fera? On ne peut pas vivre à la place des gens.

L'Eglise permet de retrouver des repères, mais librement, si on fait l'effort de demander conseil.
avant, c'était systématique, on demandait toujours l'avis à son curé. Maintenant, on croit avoir toutes les libertés. Mais avec la liberté, on a aussi la responsabilité.
Et on se brûle les ailes pour ne pas suivre les conseils de ceux qui nous l'auraient évité.


C'est mon histoire aussi: j'ai été déséquilibrée par un médecin naturopathe qui m'a conseillé des livres sur la réincarnation. Je ne faisais pourtant partie d'aucun groupe, mais j'étais fragile. Il m'est arrivé des horreurs, vraiment graves.
Maintenant, je considère l'Eglise comme ma mère: quand je n'ai pas confiance en quelque chose, je cherche des livres écrits par des personnes fiables, des prêtres ou des chrétiens, car je n'ai plus confiance en n'importe qui.

Et je demande conseil de temps en temps à un prêtre, car ils sont désintéressés.

Et petit à petit, je guéris de ce que j'ai vécu.

si vous connaissez des personnes blessées par des sectes, franchement, le meilleur conseil que vous pourrez leur donner, c'est de trouver un prêtre bon, ou une religieuse, qui pourront les accompagner quand ils en auront besoin.

Emmanuel Pic a dit…

Suite à ce billet, je reçois des commentaires que je me refuse désormais à publier sur ce site, pour deux raisons : ils sont anonymes -mais c'est une règle à laquelle il m'est arrivé de déroger, quand les intentions me paraissent claires- et ils manquent à la courtoisie la plus élémentaire. Le débat est clos, et plus aucun commentaire à ce sujet ne sera publié.